Intervention de Christian Poncelet

Réunion du 17 avril 2013 à 14h30
Sécurisation de l'emploi — Discussion générale

Photo de Christian PonceletChristian Poncelet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui est soumis à notre approbation contient un aspect important, peut-être quelque peu passé sous silence, mais vital à mes yeux pour notre économie, particulièrement aujourd'hui : la représentation obligatoire des salariés, avec voix délibérative, au sein du conseil d’administration ou de surveillance de leur entreprise, dès lors que celle-ci comprend un certain effectif.

Cette disposition figure à l’article 5 du projet de loi.

Autrement dit, ce texte renoue avec une belle et noble idée que je n’ai cessé de défendre en tant que ministre ou parlementaire : la participation, qui, voilà longtemps déjà, fut proposée par – vous ne serez pas surpris – le général de Gaulle.

Oui, en tant que gaulliste social, je me reconnais dans le dispositif de l’article 5 qui tend à prévoir cette représentation obligatoire des salariés dans les organes de direction. Cette association capital-travail, selon les termes employés par le général de Gaulle, que traduit en fin de compte la participation, ne peut laisser insensibles certaines familles de pensée réunies dans cet hémicycle. Le souhait de dépasser les antagonismes a aussi bien inspiré un certain socialisme que la démocratie-chrétienne ou le gaullisme social. §

Je n’ai cessé de me battre pour la participation des salariés dans les organes de décision de leur entreprise. Alors secrétaire d’État auprès du ministre du travail, dans le gouvernement dirigé par Pierre Messmer, sous la présidence de Georges Pompidou, je défendais, il y a quarante ans, en novembre 1973, un projet visant à encourager la participation des salariés au travers de modalités telles que l’actionnariat salarié, qui a connu quelques petits succès.

Nous voulions évidemment aller plus loin pour répondre aux vœux du général de Gaulle, qui souhaitait que la « participation directe du personnel aux résultats, au capital et aux responsabilités devienne l’une des données de base de l’économie française ».

Nous nous heurtions pourtant, à l’époque, à l’opposition concomitante du patronat et des syndicats.

Le patronat ne voulait pas se départir d’un certain paternalisme, mais son opposition arrangeait paradoxalement certains syndicats qui ne voulaient pas perdre leur audience. Cette drôle d’alliance correspond, hélas ! à un phénomène bien français, que je regrette : l’union sacrée pour que rien ne change, tout cela au détriment de l’intérêt général. §

Ce refus des uns et des autres s’est avéré mortel, car, entre-temps, des restructurations ont eu lieu, des usines ont fermé : le capital a changé de mains, le patron n’est plus français, ni même européen, mais peut-être indien ou chinois. Les facteurs de ces bouleversements sont certes complexes, mais reconnaissons que l’intégration des salariés dans les organes de direction destinés à adopter les décisions stratégiques aurait pu prévenir ce phénomène. Il aurait permis aux dirigeants et salariés d’être liés par des intérêts communs.

Comment reprocher à un patron de ne pas prendre en compte des acteurs avec lesquels il n’a jamais été habitué à prendre de décisions ou qu’il n’a jamais réellement vus ? Les Allemands l’ont fait par la cogestion, qui n’est d’ailleurs pas sans défauts sur plusieurs points, mais dont certains, à droite comme à gauche, reconnaissent qu’elle a permis la préservation de l’économie allemande par l’association intelligente des uns et des autres.

Je ne peux que savourer ces propos du rapporteur Claude Jeannerot : « Cet article représente donc une avancée majeure de nature à atténuer la conflictualité que peuvent susciter les choix stratégiques de l’entreprise. La présence de salariés lors de leur élaboration permettra de faire partager leur expérience et, pour les autres administrateurs ou membres du conseil de surveillance, de mieux mesurer les conséquences concrètes de leurs décisions. » §

C’est précisément l’objectif de la participation. Pour associer salariés et patrons dans la stratégie de leur entreprise, il faut quitter la culture stérile de l’opposition et atteindre celle de la complémentarité. Cette altérité, dont il a été question dans un autre débat sur lequel je ne reviendrai pas, je crois aussi que nous pouvons, nous devons même, la découvrir dans l’entreprise.

Permettez-moi une confidence : ce projet de loi, et particulièrement son article 5, me rajeunit. Il a fallu quarante années de réflexion pour que l’on comprenne l’intérêt d’un tel dispositif ; je m’en félicite, mais, quarante ans, n’est-ce pas un peu long, mes chers collègues ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion