Intervention de René Teulade

Réunion du 17 avril 2013 à 21h45
Sécurisation de l'emploi — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de René TeuladeRené Teulade :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai pas l’intention, pendant les sept minutes du temps de parole qui m’est imparti, de paraphraser les excellentes analyses de ceux qui m’ont précédé à cette tribune sur les différents articles du projet de loi. Je me contenterai de vous donner mon opinion sur la philosophie de ce texte, qui me paraît revêtir une extrême importance.

Ces dernières semaines, en effet, la modernité, le progrès, entendus comme la progression inébranlable des droits et de la justice, se sont imposés, après quelques débats passionnés, sur les bancs de nos assemblées parlementaires.

Hier, il était encore question de modernité et de progrès sociétal ; aujourd’hui, avec ce texte, il s’agit bien de modernité et de progrès économico-social.

En premier lieu, ces deux leitmotive sont symbolisés par la philosophie même du présent projet de loi, qui est la transposition de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier. Nous devons mettre en lumière le renforcement du dialogue social. À cette culture d’opposition systématique, étrangère outre-Rhin, la négociation, le compromis, la discussion ont été préférés, et ce à une période où il eût été plus facile de se braquer sur des intérêts personnels.

C’est pourquoi je salue l’esprit d’ouverture et de responsabilité des partenaires sociaux, qui doit perdurer, car il est seul de nature à consolider leur légitimité et leur crédibilité aux yeux de nos concitoyens.

Au-delà, l’avènement de la démocratie sociale au sein de notre Constitution s’annonce proche et accompagne le mouvement de transformation du rôle de l’État. D’un État omniscient, nous évoluons vers un État garant agissant, si nécessaire, en dernier ressort. Il ne s’agit ni d’un désengagement ni d’un recul, mais d’une mutation salvatrice qui vise à briser le mythe selon lequel l’État peut tout.

À cet égard, en 2007, dans un essai intitulé La société de défiance, Yann Algan et Pierre Cahuc développent la thèse selon laquelle l’étatisme et le corporatisme du modèle français alimentent la défiance entre citoyens. C’est un vaste cercle vicieux puisque la demande d’intervention de l’État, jugé comme figure arbitrale et suprême, augmente en retour.

Par conséquent, il se révèle primordial que l’État prenne de la hauteur, qu’il réponde aux aspirations de proximité manifestées par les citoyens, singulièrement en relançant le processus de décentralisation, ce que le Gouvernement a prévu et continue de développer, en laissant place au dialogue social. La verticalité n’est plus la pierre angulaire de notre modèle social et sociétal.

Par ailleurs, bien que certains dispositifs prévus par ce projet de loi puissent heurter notre louable désir de permettre à tous les salariés de se voir garantir un emploi de bonne facture, loin des contrats atypiques, les dispositions de ce texte, au regard du contexte économique notoirement difficile, sont majoritairement porteuses de modernité et de progrès.

Deux exemples étayeront mon propos.

Premièrement, la création d’une mobilité volontaire sécurisée est en parfaite symbiose avec notre ère mondialisée, où le vécu d’expériences diverses et extérieures à notre pays, la capacité d’adaptation et d’intégration ainsi que la polyvalence sont prisés et valorisés.

Cette possibilité offerte à un salarié de bénéficier d’une mobilité externe, après accord avec son employeur, doit favoriser la diversification de son parcours, sur une base volontaire, avec la garantie qu’il retrouvera, de plein droit, son précédent emploi ou un emploi similaire s’il le souhaite.

L’idée sous-jacente est de favoriser l’accomplissement et l’épanouissement personnels du salarié par le truchement d’une mobilité de plus en plus recherchée et, par là même, de mettre à mal un excessif cloisonnement des activités qui enferme les individus dans des filières sans passerelles.

Cette pensée, où la vie de l’homme, professionnelle en l’espèce, loin d’être figée, est en constant mouvement au creux de ses mains, incarne l’esprit libéral, voire libertaire, qui caractérise notre époque et, en particulier, les plus jeunes générations.

D’ailleurs, les dispositions de l’article 10 portant sur la mobilité interne négociée entrent dans cette perspective et témoignent de la volonté croissante de l’homme de rester maître de son destin en ne se voyant pas imposer une mobilité qui entraverait la conciliation toujours délicate entre vie professionnelle et vie personnelle. En tant que législateur, nous devrons veiller à ce que cette mobilité interne soit toujours négociée et soit toujours un choix éclairé et non subi.

En outre, modernité et progrès apparaissent au cœur de ce texte législatif à travers l’émergence d’une gouvernance partagée entre salariés et dirigeants ; encore à ses prémices, elle est néanmoins le reflet de la tendance à la mise en œuvre de mécanismes décisionnels horizontaux.

Ainsi, les comités d’entreprise pourront désormais consulter les orientations stratégiques de l’entreprise et évaluer leurs conséquences, notamment sur l’activité et l’emploi. Ils disposeront d’une nouvelle prérogative qui leur permettra de proposer des solutions alternatives à la direction de l’entreprise, qui aura l’obligation de leur répondre. Autrement dit, un véritable dialogue entre salariés et patrons sur l’évolution de leur bien commun se nouera.

De manière analogue, les comités d’entreprise disposeront d’un pouvoir de contrôle sur l’utilisation des sommes perçues au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

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