Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 17 avril 2013 à 21h45
Sécurisation de l'emploi — Question préalable

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Ce qu’il faut pour notre pays, c’est non pas un texte de soumission au MEDEF, ce que vous appelez un accord, mais un texte centré sur les voies et les moyens d’une véritable sécurisation de l’emploi et de la formation. Voilà ce que nous allons donc démontrer dans nos interventions et à travers nos amendements.

Certes, il y a une concurrence mondiale, dont on parle beaucoup, mais celle-ci n’impose pas pour autant de rassembler salariés et syndicats derrière les entreprises et de se couler dans le moule d’un modèle de compromis social européen, au service des politiques d’austérité.

D’autres choix sont possibles, monsieur le ministre, et il va falloir que vous les entendiez !

Dans notre pays, les leviers pour préserver et développer l’emploi sont nombreux : assurer la reprise des entreprises viables, réformer l’impôt sur les sociétés, encadrer la rupture conventionnelle, etc. Nous avons fait des propositions, comme l’interdiction des licenciements boursiers, mais elles n’ont pas été prises en compte, encore moins au moment de la négociation du fameux accord.

Votre texte, monsieur le ministre, accroît encore la précarisation. Il est à ce titre bien mal nommé : c’est un projet de loi à contre-emploi ! Que l’on ne vienne pas nous dire que nous ne comprenons rien et qu’il faut faire preuve de pédagogie pour expliquer les bienfaits de ce projet de loi aux salariés. L’exigence exprimée par le patronat de ne rien changer à l’accord et les signes marqués de sa satisfaction, une droite parlementaire qui s’apprête à le voter pourvu que les amendements éventuels n’en modifient pas la substance sont autant d’indices qui suffisent à éclaircir son contenu.

Ce projet de loi revient à inscrire l’emploi dans les mouvements aléatoires des marchés financiers et c’est aux salariés qu’on laisse payer l’addition ! Il est donc nocif, et ce à bien des égards.

En ce qui concerne la mobilité, l’employeur peut imposer aux salariés, sous réserve d’un accord d’entreprise, des changements de poste ou de lieu géographique sans limitation kilométrique. En cas de refus du salarié, celui-ci est licencié pour motif personnel, sans aucune obligation pour l’employeur de motiver le licenciement ou de proposer des mesures de reclassement.

Une telle disposition est grave : en plus de la mobilité forcée, elle permettra aux employeurs de proposer des mobilités inacceptables, de façon à pouvoir licencier en masse pour motif personnel. Cette disposition, je le rappelle, est en contradiction avec la législation internationale et européenne en ce qu’elle est contraire à l’objet de la négociation collective qui doit porter sur l’amélioration des conditions de travail. Elle est contraire aux obligations de l’employeur en matière de licenciement économique, telles que les définit la directive 98/59/CE. Elle est contraire au droit concernant la justification du licenciement, tel qu’il résulte de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail. Enfin, elle est contraire au droit de mener une vie normale.

Comme le soulignent à juste titre des médecins du travail, dont Alain Carré, les effets de ce projet de loi seront extrêmement négatifs en matière de santé au travail. Si un niveau de revenu très bas ne va pas dans le sens d’un bon état de santé physique, mental et social, la mise en œuvre des dispositions de ce texte aura bien d’autres conséquences néfastes sur la santé des salariés. La mobilité interne « forcée », puisque c’est ainsi qu’il faut véritablement la nommer, détruira les valeurs collectives qui président à la construction de la santé au travail.

En effet, et comme le confirment de nombreux spécialistes en la matière, « c’est la prise de pouvoir du management libéral sur la qualité comme qualité pour le marché dans le temps du marché, son imperméabilité voulue à la réalité du travail pour promouvoir la culture unique de son résultat qui sont les vecteurs de la souffrance au travail ». Or ce projet de loi ne pousse que dans ce sens !

Il en va ainsi s’agissant du maintien de l’emploi : le projet de loi réintroduit une demande exprimée par le gouvernement Fillon, avec son accord « compétitivité-emploi », à savoir l’échange d’une baisse de salaire contre l’hypothétique maintien de l’emploi.

Il en va également ainsi s’agissant du licenciement et de l’évitement de l’accord du juge. Ce texte, en facilitant les licenciements et en réduisant considérablement le contrôle du juge sur l’exécution et la rupture du contrat de travail, constitue une grave régression pour les droits des salariés et une nouvelle source de précarité. Malheureusement, la liste de ses effets néfastes est encore longue !

Nous ne pouvons pas accepter de voir le patronat s’attaquer aux garanties associées au contrat à durée indéterminée. La compétitivité ne peut pas être le cadre de la réforme du droit du travail, il faut affronter la logique financière et l’exigence de rentabilité exorbitante. Ce n’est sûrement pas au moment où la circulation des capitaux est totalement libre, au moment où les actionnaires ont la possibilité de reporter les risques sur les autres parties prenantes au sein de l’entreprise, qu’il faut réduire, qu’il faut rendre flexibles les droits des travailleurs !

Ce projet de loi est un nouveau rêve, mais un rêve du patronat exaucé, un rêve qui se joue sur tous les plans, le salaire, le travail et la mobilité. Mes chers collègues, quel reniement des engagements pris pendant la campagne pour l’élection présidentielle ! Quelle grave déception pour tous ceux qui ont fait confiance à cette gauche, …

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