Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 17 avril 2013 à 21h45
Sécurisation de l'emploi — Question préalable

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

… qui, aujourd’hui, s’apprête à bafouer les droits des salariés, au motif qu’aurait été signé un accord prétendument historique ! Encore faudrait-il s’entendre sur le sens du mot « accord » et sur celui du mot « historique » ! Quelle occasion manquée après dix-sept ans de déferlante libérale et de « casse » sociale !

La majorité de gauche élue était attendue sur des mesures concrètes et efficaces pour mettre un terme à la toute-puissance patronale, incarnée par le MEDEF, qui fait chaque jour la preuve de son incompétence, voire de sa suffisance. Avec ce texte, vous lui offrez une main-d’œuvre flexible, soumise et peu chère, mais vous lui permettez aussi d’ouvrir de nouveaux marchés aux assureurs privés. Ainsi, la flexibilité, c’est maintenant ! Mais la sécurisation de l’emploi, c’est pour quand ? Quelles avancées pour les salariés ? Ce projet de loi multiplie les fausses avancées.

Pour ne citer que quelques exemples, le CDI dont on parle pour les intérimaires ne touchera que les plus qualifiés d’entre eux, qui représentent seulement 15 % de cette catégorie de salariés. En réalité, il ne s’agit que de la concrétisation d’une revendication du patronat de ce secteur, destinée à rendre les intérimaires qualifiés plus captifs. En effet, une fois le CDI signé, l’intérimaire ne sera plus en mesure de travailler pour une autre agence.

Concernant la taxation des CDD, si le projet de loi prévoit la mise en place d’une légère augmentation des cotisations patronales pour certains contrats, celle-ci n’est en aucun cas dissuasive. Il s’agit là d’un faux recul du patronat, puisque, pour un CDD de moins d’un an, cette mesure ne coûtera que 42 euros de plus à un employeur.

En clair, ce projet de loi est synonyme de garantie de souffrances au travail. Peut-être parviendrons-nous à égaler l’Allemagne et à atteindre ainsi le pourcentage de 20 % de travailleurs pauvres ?

Nous ne pouvons pas cautionner le recul historique du droit que représente ce projet de loi.

Par ailleurs, comment ne pas être choqué que le Parlement doive, en l’occurrence, se cantonner à un rôle de pure chambre d’enregistrement ? Que dire aussi des propos du Président de la République qui voudrait soumettre les éventuels amendements à l’accord des signataires ?

Je le répète, puisque la Constitution de notre République semble avoir été oubliée par certains, le Parlement tire sa légitimité du suffrage universel et non d’un quelconque accord national et interprofessionnel.

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de le rappeler le 28 décembre 2011 : « il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ». Or l’article 34 confie au seul Parlement la compétence de déterminer « les principes fondamentaux […] du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ». Un tel accord ne peut en conséquence nous être imposé !

Comment le Président de la République ose-t-il s’empresser, par voie de communiqué, de demander au Gouvernement de préparer, et ce sans délais, un projet de loi afin de retranscrire fidèlement les dispositions législatives contenues dans l’accord ? Que penser de l’insistance avec laquelle le Gouvernement nous « invite » à nous tenir au texte de l’accord ? C’est bien là un vice qui affecte l’élaboration de ce texte et il est assimilable à de l’antiparlementarisme !

Je tiens pourtant à souligner que, dans une décision du 9 décembre 2004, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler « qu’il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et les obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d’application des normes qu’il édicte en matière de droit du travail ». Aujourd’hui, on voudrait nous imposer la procédure inverse !

Nous ne pouvons accepter, monsieur le ministre, de voir notre prérogative législative bafouée, notre Constitution de facto méprisée et, plus encore, nous ne pouvons accepter de voir transposées dans la loi des mesures qui ne permettent en rien de répondre aux défis de l’emploi et au besoin de sécurisation effective des trajectoires professionnelles des salariés.

Pour toutes ces raisons, nous demandons au Sénat d’adopter cette motion.

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