Intervention de Raymond Vall

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 16 avril 2013 : 1ère réunion
Contrôle de la mise en application des lois — Communication

Photo de Raymond VallRaymond Vall, président :

Comme chaque année, il nous revient de dresser le bilan de l'application des lois suivies par notre commission.

Deux mots sur la procédure d'abord. Nous examinons ce bilan en commission du développement durable aujourd'hui, comme le font les autres commissions cette semaine aussi. Puis, la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, présidée par notre collègue David Assouline, se saisira de ces observations et fera une synthèse de l'ensemble de nos remarques. Elle les consignera dans un rapport qu'elle envisage d'adopter fin mai. Ses conclusions feront l'objet d'un débat en séance publique prévu début juin.

Cette procédure, spécifique à notre assemblée, montre l'importance qu'attache, à juste titre, le Sénat à la mise en oeuvre effective des textes votés par le Parlement.

Nous connaissons tous des lois qui, faute de décrets, ne peuvent être appliquées ou, à l'inverse, des décrets qui s'éloignent manifestement de l'intention du législateur. Il est important que nous nous saisissions de ces dysfonctionnements. Ce « service après vote » fait partie de notre mission.

C'est la première fois que nous dressons ce bilan au titre de la commission du développement durable, celle-ci ayant tout juste un an.

Cela étant, notre travail de suivi ne s'est pas limité aux seuls textes législatifs dont notre commission a été saisie ces derniers mois. En effet, nous avons également la responsabilité de contrôler l'application de tous les textes de loi adoptés depuis juin 1981, qui entrent dans le champ de compétences de notre commission. Lors de la scission de l'ancienne CEDDAT, nous avons, d'un commun accord avec Daniel Raoul, fait ce travail de répartition des lois.

Au total, cela représente une veille sur 17 lois dont 3 adoptées au cours de la période sur laquelle porte le présent rapport, c'est-à-dire entre le 14 juillet 2011 et le 30 septembre 2012.

Sur un plan quantitatif d'abord, voici quelques chiffres :

- sur ces 17 lois, 2 sont totalement applicables : la loi du 5 décembre 2011 relative au plan d'aménagement et de développement durable de Corse qui était d'application directe, et la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques dont toutes les mesures réglementaires d'application ont désormais été prises ;

- 15 lois sont partiellement applicables, dont 11 à plus de 75 %. Deux lois en particulier méritent d'être mentionnées : la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle II », pour laquelle de nombreux textes d'application ont été publiés cette année ; plus de 200 mesures réglementaires étaient au total attendues, on est arrivé à un taux d'application de 87 % ; et la loi du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France, dont les principaux textes d'application ont été très rapidement publiés, traduisant ainsi la préoccupation largement consensuelle d'une nécessaire relance de la voie d'eau dans notre pays ;

- aucune loi n'est totalement inapplicable, ce qui est naturellement satisfaisant, mais surtout bien normal.

D'une manière générale, on observe une tendance à l'amélioration du taux d'application des lois votées. Il est impossible de faire des comparaisons chiffrées cette année, car la période de référence du rapport a été modifiée. Mais cette tendance, qui avait déjà été observée dans les deux ou trois précédents rapports, semble se poursuivre et c'est une bonne chose. Il y a une vraie prise de conscience dans les services du Premier ministre et dans les ministères de cette nécessité, mais cette amélioration reste fragile. Les efforts accomplis par les services ministériels doivent se maintenir et le nouvel élan donné, par notre commission de suivi de l'application des lois, au contrôle de ces mesures doit les inciter à continuer.

Trois motifs d'insatisfaction néanmoins méritent d'être soulignés :

- le premier, hélas récurrent, est celui du taux d'application des lois votées après engagement de la procédure accélérée : une fois de plus, on ne constate aucune différence avec celui des lois pour lesquelles la procédure parlementaire normale a été suivie. Je prendrai pour exemple une loi récente, la loi du 22 février 2012 portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État et diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports : en treize mois, seules cinq des dix mesures réglementaires prévues ont été prises, soit un taux d'application de 50 % seulement ; or, cette loi, qui était attendue, revêt une importance réelle pour les ports et l'économie des territoires ultramarins ;

- le deuxième point préoccupant est celui du nombre insuffisant de rapports publiés sur le total de ceux que le Gouvernement doit remettre au Parlement, en application de dispositions législatives. Ainsi, sur les 40 rapports prévus par les lois dont nous assurons le suivi, seuls 23 ont été publiés au 31 mars 2013, dont 4 au cours des dix-huit derniers mois. Nous attendons par exemple encore 8 rapports de la loi « Grenelle 2 » et 3 rapports de la loi relative au Grand Paris ;

- enfin, dernier point problématique et sans doute le plus important, le nombre encore trop élevé de lois simplement partiellement applicables : 15 sur les 17 dont nous assurons la veille. Je ne peux toutes les mentionner ici. Néanmoins, je voudrais évoquer quelques exemples qui me paraissent emblématiques de ce non-respect de la volonté du législateur : nous attendons ainsi depuis 2001 le décret permettant la création d'un fichier des bateaux de navigation intérieure ; nous attendons depuis 2002 le décret en Conseil d'État sur la sécurité des ouvrages d'infrastructures de navigation intérieure ; plusieurs décrets d'application de la loi de 2006 relatifs au transport maritime ne sont toujours pas pris ; la loi de décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique est en panne, etc. Certes, plusieurs textes législatifs annoncés devraient permettre d'avancer sur ces sujets, par exemple dans le domaine du numérique ou dans le cadre de la réforme ferroviaire. Mais la mise en oeuvre de ce que nous avons décidé il y a déjà plusieurs années n'a que trop tardé.

Vous le voyez, mes chers collègues, il y a encore une vraie marge de progrès, notamment pour respecter la circulaire de 2008 relative à l'application des lois, dans laquelle le Gouvernement s'était engagé à respecter l'objectif consistant à prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires dans un délai de six mois suivant la publication de chaque loi.

Il me semble aussi qu'il nous revient d'être plus attentifs à ce que nous demandons lorsque nous votons la loi. En effet, il nous faut éviter de toujours renvoyer au décret ce sur quoi nous ne parvenons pas à nous mettre d'accord ainsi que la détermination de normes toujours plus nombreuses et contraignantes pour nos collectivités et nos concitoyens.

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