La loi de 2010 n'est pas seulement une loi d'ouverture du marché des jeux en ligne. Au Sénat, elle avait provoqué beaucoup d'inquiétude et de réserves : risque de déstabilisation des opérateurs historiques, risques d'addiction, de dérives délictuelles. Le projet avait d'ailleurs été largement amélioré au Sénat sur ce dernier point.
Son premier objectif était d'attirer dans le secteur légal la plus grande partie des opérateurs. M. Vilotte nous dira quelle part du marché reste dans l'illégalité. Il s'agissait aussi de fiscaliser la majeure partie du marché : c'est fait, bien que nous ayons eu beaucoup de difficultés à obtenir de certains ministères les résultats chiffrés. Le législateur a également souhaité préserver la Française des Jeux et le PMU d'une concurrence trop frontale des opérateurs de jeux en ligne devenus légaux. L'inquiétude était alors partagée par les élus de la majorité et de l'opposition. Reconnaissons aujourd'hui que la réactivité et la capacité d'anticipation de ces deux entreprises ont été remarquables.
Pour dépister et sanctionner les sites de jeux illégaux, des amendements importants ont donné à l'Arjel les moyens de contrôler efficacement le marché.
Nous entendions créer une autorité et lui donner les moyens législatifs et matériels d'assurer sa mission : l'Arjel donne entière satisfaction aux pouvoirs publics, et sert d'exemple aux autres pays européens qui prennent eux aussi le chemin de la libéralisation.
Créer un Comité consultatif des jeux et un Observatoire des jeux n'a pas été facile : les ministères travaillaient alors chacun dans leur secteur - l'agriculture avec les chevaux, Bercy avec la Française des jeux, sa fille chérie... Il a été difficile de rassembler tous les ministères, les experts, cet observatoire, la commission supérieure des jeux, ce comité consultatif dans une instance unique à la disposition du Gouvernement. Il a fallu beaucoup d'effort, voire de malice pour arracher cet instrument au gouvernement de l'époque. Il est toutefois loin de donner la satisfaction que l'on attendait de lui j'y reviendrai.
Enfin, il fallait prévenir l'addiction et soutenir la lutte contre celle-ci. François Marc s'en souvient : nous avions essayé, en séance, d'affecter les recettes tirées de cette nouvelle activité vers cet objectif, mais le Gouvernement nous avait fait valoir l'inopportunité du fléchage en matière budgétaire. J'ai eu toutes les peines du monde, durant la première année de fonctionnement du comité, à obtenir des renseignements sur l'utilisation des recettes nouvelles. Certains ministères sont plus réticents que d'autres à divulguer leurs informations. Cependant, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) ont coopéré de manière satisfaisante, mais les données sont encore incomplètes.
La loi sur les jeux en ligne a étendu cette spécialité à des opérateurs jusqu'alors exclusifs qui n'avaient pas ou très peu exploité cette activité. On voit désormais des grands groupes de casinos diversifier leur activité, ce qui n'est pas une mauvaise chose.
Les gouvernements successifs ont jusqu'à présent prêté plus d'attention à la tonte des moutons qu'au troupeau lui-même. Ils devraient à l'avenir faire porter leurs efforts sur la lutte contre l'addiction. Pour ma part, j'avais demandé que le Comité consultatif des jeux soit sous la tutelle de Matignon, en vain : le Gouvernement, ayant fait déclasser par le Conseil constitutionnel l'article de la loi relatif à cette tutelle, l'a finalement placé auprès du ministère de l'intérieur et de Bercy ! J'indique en outre que je n'arrive pas à réunir pleinement ce comité, censé être présidé alternativement par le Sénat et par l'Assemblée nationale : je n'obtiens notamment pas que les deux députés désignés veuillent bien siéger en même temps que moi. Il n'est pas acceptable de laisser ce comité en friche, à moins de considérer qu'il fait partie des instances amenées à disparaître pour simplifier le paysage administratif français.
La tâche n'est pas achevée. Il est urgent de donner de l'attractivité à ce marché, sous peine de faire perdre des parts de marché à ses principaux acteurs, et donc des recettes à l'Etat.