Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 18 avril 2013 à 9h30
Diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports — Vote sur l'ensemble

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’instauration de l’écotaxe vise à favoriser le report modal, c’est-à-dire à encourager le transfert du trafic de marchandises de la route vers le rail, la mer ou les canaux.

Il faut pourtant reconnaître que, dans certaines régions françaises, quand bien même les poids lourds seraient fortement taxés, le report modal serait impossible, tout simplement parce que l’offre de fret, et donc la possibilité d’une alternative, n’existe pas ; dans ces conditions, l’écotaxe sera un nouvel impôt sans effet. C’est à cette contradiction que le Gouvernement est aujourd’hui confronté : mener une politique de report modal efficace nécessite de renforcer l’offre de transport de marchandises par le fer, la mer et les canaux.

Pour que les chargeurs aient recours au rail, il faut également que les réseaux soient performants, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. À cet égard, je vous rappelle que nous demandons depuis plusieurs années au Gouvernement de s’engager dans la voie du désendettement de Réseau ferré de France, afin de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour la régénération des réseaux. Nous avons suggéré de nouvelles sources de financement dans la proposition de loi visant au rétablissement de la confiance et à l’amélioration du dialogue social dans les entreprises de transports, déposée il y a peu.

Il faut aussi rappeler que, quoi que nous fassions, les derniers kilomètres seront toujours parcourus par la route.

L’intérêt de la taxe poids lourds est donc réellement conditionné au périmètre des infrastructures qui sont l’objet de son assiette. Reconnaissons-le : là où elle est pertinente, c’est sur les grands linéaires, où le report modal est pertinent.

Nous adhérons donc au principe de l’évolutivité du réseau taxé afin de tenir compte de la possibilité réelle, pour les chargeurs, de recourir à un mode de transport alternatif. À défaut, cette taxe poids lourd appliquée y compris dans les zones les plus enclavées, où nous avons du mal à dynamiser le tissu des PME, apparaîtrait comme injuste.

De plus, un certain nombre de pays ne signeront pas la charte de l’écotaxe française, de sorte que les transporteurs venant d’autres pays auront un avantage concurrentiel accru. Je vous accorde que ce phénomène ne se produira pas partout, puisqu’en définitive seulement 1 % du réseau routier sera taxé. Reste que nous ne pouvons pas nous permettre que cette taxe, juste dans son principe, se révèle injuste en certains endroits, notamment en Bretagne, ou fortement pénalisante pour certains secteurs, comme l’agriculture et l’agroalimentaire.

Sénateur costarmoricain, il m’appartient ici d’être le porte-parole, d’une part, des élus régionaux et, d’autre part, des professions agricoles et agroalimentaires, et plus particulièrement des PME, qui seront impactées par l’écotaxe.

Le conseil régional de Bretagne, se fondant sur ces constats, a formulé lors de sa session des 7 et 8 février dernier les vœux suivants : les modalités qui seront mises en œuvre devront respecter les acquis obtenus dans les textes législatifs établissant l’écotaxe poids lourds ; le dispositif devra être assorti de mesures d’encouragement pour les transporteurs qui font le choix du transfert modal en mettant leurs camions sur des navires ou sur des trains ; les ports régionaux devront être rendus éligibles aux financements d’État issus des produits de la taxe.

Des aménagements allant dans le sens de la prise en compte des vœux de l’assemblée régionale sont possibles. Ils ont fait l’objet d’échanges avec votre cabinet, monsieur le ministre, lors d’un entretien qui s’est tenu en janvier dernier avec Gérard Lahellec, vice-président du conseil régional de Bretagne chargé de la mobilité et des transports.

Les professions agricoles et agroalimentaires estiment à 2 000 emplois perdus les 40 millions d’euros de taxe envisagés. L’exonération de la RN 164, celle des transporteurs de lait et la minoration liée à la périphéricité montrent combien cette écotaxe peut être dangereuse en Bretagne, au regard de la situation géographique de la région, de la faiblesse des modes alternatifs de transport et des hinterlands.

Chez moi, à Lamballe, le directeur de la Cooperl estime à 3 millions d’euros les pertes, dans un secteur très tendu où la concurrence étrangère déloyale sévit.

Les portiques étant déjà installés - avant même le vote de ce projet de loi !-, je vous demande, monsieur le ministre, d’envisager un moratoire expérimental en Bretagne jusqu’en octobre 2014, afin que l’on puisse mesurer, pendant un an, l’impact de cette écotaxe, sans l’appliquer. Ensuite, nous verrons si une telle mesure est négative ou positive pour notre économie régionale.

L’égalité des territoires ne se décrète pas, elle se construit par des politiques ambitieuses. Nous attendons de ce gouvernement qu’il agisse pour l’intégration des coûts externes de la route et pour le report modal, par la création de l’écotaxe, sans oublier, dans le même temps, le développement du fret ferroviaire et des services publics au sein de tous les territoires de la République, afin de renforcer la présence d’un tissu économique performant et d’œuvrer concrètement pour la réindustrialisation des territoires.

Très favorable au report modal, le groupe CRC votera ce texte. Toutefois, renouvelant l’ensemble des remarques qui viennent d’être formulées par mes collègues, j’insiste sur nos inquiétudes concernant les régions.

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