Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 18 avril 2013 à 9h30
Sécurisation de l'emploi — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Cet amendement n’est pas directement rattaché au texte, mais il en est très proche, car il est plus qu’important de rééquilibrer dans la loi l’application des principes fondamentaux que sont la liberté d’entreprendre, d’une part, et le droit pour chacun d’obtenir un emploi, d’autre part, en précisant les finalités de l’activité économique.

La multiplication des licenciements spéculatifs, abusifs, boursiers, nous rappelle chaque jour la réalité sociale écrasante que connaissent les salariés qui ont travaillé toute une partie de leur vie dans des entreprises et qui se voient remerciés du jour au lendemain. Je pense ici – mais pas seulement, car la liste serait trop longue – aux salariés de Michelin, Total, Alstom, Danone, Renault, Goodyear, PSA Peugeot Citroën, Sanofi, ArcelorMittal ; la liste est longue !

Nous souhaitons, pour notre part, rappeler avec insistance l’utilité sociale et collective des entreprises.

Le Conseil constitutionnel – M. le ministre y a fait référence – a reconnu que la liberté d’entreprendre mais également le droit à l’emploi sont deux principes à valeur constitutionnelle.

Le droit au travail a également été proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, de 1948, en ces termes : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. » Ce droit est également garanti par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, en son article 6, texte que la France a précisément approuvé et dont elle doit tenir compte, nous semble-t-il, dans son ordre juridique interne.

De même, la Constitution de 1946 pose que « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi », droit qui est d’ailleurs repris dans la Constitution de 1958 fondant les bases de la Ve République.

La loi doit donc non seulement respecter les règles internationales, mais aussi ne pas entrer en contradiction avec les règles émanant du corpus constitutionnel. Or, depuis la décision dite « Liberté d’association » du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel a procédé à une extension du domaine constitutionnel, puisque s’ajoutent désormais aux articles du texte de la Constitution de 1958 stricto sensu les dix-sept articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen votée par l’Assemblée constituante le 26 août 1789, ainsi que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui proclame les principes politiques, économiques et sociaux considérés comme « particulièrement nécessaires à notre temps ».

Il est vrai que le Conseil constitutionnel donne la primauté à la liberté d’entreprendre, et nous le regrettons, en préférant toujours un dispositif libéral à un dispositif social. Ainsi, dans sa décision du 12 janvier 2002, il censure la nouvelle définition du licenciement économique, considérant qu’elle porte une atteinte manifestement excessive à la liberté d’entreprendre.

, il ne censure pas, au nom du cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, pour atteinte excessive au droit de chacun d’obtenir un emploi, la liberté donnée à l’employeur de licencier, à tout moment, pendant deux ans et sans motif, un jeune de moins de vingt-cinq ans recruté par un contrat première embauche.

Enfin, dans sa décision du 6 août 2009, le Conseil refuse d’accorder une valeur constitutionnelle au principe de repos dominical en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il reconnaît toutefois, dans cette même décision, la valeur constitutionnelle du principe de repos hebdomadaire.

Le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui s’inscrit dans cette tendance, ce que nous déplorons. Il méconnaît, selon nous, trop fortement ce droit à l’emploi, sans pour autant assurer une relance de l’emploi. C’est d’ailleurs en substance ce que disait l’un des membres du bureau exécutif du MEDEF, M. Patrick Bernasconi, qui, devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, se réjouissait de toutes les avancées du texte pour le patronat, tout en ne garantissant pas que celui-ci serait efficace pour créer des emplois !

Et c’est bien là tout l’enjeu : pourquoi demander aux salariés tous ces sacrifices, pourquoi renoncer à leurs droits élémentaires au travail et à la formation, pourquoi oublier leur bien-être, si les salariés restent livrés aux appétits financiers de patrons peu scrupuleux ?

Cet amendement, qui a pour objet de rappeler les principaux objectifs de l’activité économique, nous semble donc plus nécessaire que jamais !

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