Mais, ce matin, le réveil a été douloureux. En effet, en écoutant les propos du rapporteur et les vôtres, monsieur le ministre, je me suis rendu compte que l’on maintenait l’intégration, d’une manière un peu détournée, de la clause de désignation à travers l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.
Monsieur le ministre, vous avez fait valoir que l’Autorité de la concurrence n’a pas déclaré illégales de telles clauses de désignation. Cela est vrai, mais, quand on analyse de manière approfondie la position prise par l’Autorité de la concurrence, on constate que celle-ci a posé de nombreuses restrictions. En particulier, elle estime que la désignation « constitue la modalité la moins favorable au dynamisme de la concurrence », et parle même d’« opacité ».
De surcroît, l’Autorité de la concurrence préconise que la clause de désignation porte sur plusieurs organismes, sans quoi il y aurait un transfert massif de la couverture des mutuelles et des compagnies d’assurance vers des institutions de prévoyance. Quand on sait que, en 2012, 90 % des clauses de désignation visaient ces dernières, on est fondé à nourrir des craintes au sujet de la généralisation de ces clauses. Les mutuelles ont annoncé que cette généralisation risque de détruire 30 000 emplois en leur sein. Dans le contexte économique actuel, ce n’est pas la moindre des choses !
Enfin, les clauses de désignation risquent de soulever un problème de fond dans les relations entre les organisations syndicales de branche et les institutions de prévoyance : il y aura malheureusement des conflits d’intérêts, puisque l’acheteur et le vendeur de la prestation ne feront qu’un. Du reste, ce phénomène existe déjà actuellement et a donné naissance à un certain contentieux.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je conçois que la clause de désignation ne soit pas illégale. Permettez-moi néanmoins de rappeler les chiffres que j’ai indiqués hier lors de la discussion générale : l’enjeu n’est pas marginal, puisqu’il s’agit de l’ouverture d’un nouveau marché de prestations sociales représentant 35 milliards d’euros à l’échelle nationale, qui entraînera une perte de recettes fiscales de 20 milliards d’euros. Au total, ce sont donc 55 milliards d’euros qui sont en jeu !
S’agissant de montants aussi importants, que l’on puisse mettre en place un tel mécanisme sans assurer une transparence totale en ouvrant une concurrence globale nous laisse dubitatifs, d’autant que l’argument avancé par M. le ministre, selon lequel la clause de désignation aboutira à une meilleure mutualisation, n’est pas totalement pertinent à nos yeux. En effet, afin de récupérer les sommes en jeu, l’ensemble des acteurs de la prévoyance feront des efforts considérables pour offrir des produits compétitifs, de sorte que la mutualisation s’opérera d’elle-même en amont.
Monsieur le ministre, si vous tenez à la clause de désignation, maintenons-là ; mais suivez au moins l’une des recommandations de l’Autorité de la concurrence, consistant à prévoir que les branches désignent plusieurs organismes. À cet égard, nous avons déposé un amendement prévoyant que les branches devront désigner au moins trois organismes, ce qui permettrait de donner le choix entre une institution de prévoyance, un organisme d’assurance et une mutuelle.
Avec ce système, je pense que, malgré la clause de désignation, nous ouvririons encore plus la concurrence ; une telle démarche serait plus saine !