Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 18 avril 2013 à 15h00
Sécurisation de l'emploi — Article 1er

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Nous considérons que la sécurité sociale, comme le Gouvernement l’affirme dans l’étude d’impact jointe au projet de loi, constitue la base de notre système de protection sociale. Une base dont nous regrettons la réduction, projet de loi après projet de loi !

Monsieur le ministre, vous avez sans doute involontairement participé à cet affaiblissement en invitant les organisations syndicales et patronales à négocier, ou en acceptant qu’elles puissent le faire, sur une mesure tendant à augmenter la couverture complémentaire santé des salariés.

Que l’on ne s’y méprenne pas : nous ne sommes pas opposés à ce que les partenaires sociaux et le Gouvernement réfléchissent aux mesures à mettre en œuvre pour que les salariés, y compris les plus précaires, puissent accéder aux soins. Il devrait s’agir d’un objectif permanent et prioritaire de tous les gouvernements ; du reste, il nous semblait que c’était la mission confiée au Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Par contre, nous nous opposons à la réponse qui a été trouvée, car elle ne tend pas à renforcer la sécurité sociale comme pilier de notre système, mais à renforcer les mécanismes de couverture complémentaire.

Nous partageons le constat dont vous partez : la sécurité sociale ne couvre pas toutes les dépenses de santé et ne répond pas à tous les besoins. Seulement, au lieu de chercher à renforcer son financement pour faire en sorte qu’elle redevienne le cœur de notre système, vous faites le choix de renforcer les complémentaires.

La couverture complémentaire repose, vous le savez, sur un financement radicalement différent de celui qui existe pour le régime obligatoire de base. Alors que la sécurité sociale est financée par les cotisations des patrons et des salariés, les assurances complémentaires sont, quant à elles, financées par une contribution volontaire des employeurs, qui bénéficient d’ailleurs à ce titre d’exonérations de cotisations sociales. En clair, la loi permet aux employeurs qui offrent une assurance complémentaire à leurs salariés de se soustraire en partie au financement de la sécurité sociale.

Cet appauvrissement organisé et volontaire de la sécurité sociale n’est pas le seul de ces mécanismes. Il est la conséquence d’une politique qui se traduit notamment par la multiplication des exonérations de cotisations patronales. C’est cette même logique, monsieur le ministre, qui a vu le gouvernement auquel vous appartenez refuser les amendements que notre groupe a portés lors de la dernière loi de financement de la sécurité sociale visant à soumettre à cotisations sociales les revenus financiers du capital qui y échappent aujourd’hui.

Si le MEDEF accepte, voire prône le choix des complémentaires, c’est parce qu’il est doublement gagnant.

Tout d’abord, il fragilise encore un peu plus la sécurité sociale en l’attaquant sur ce qui fait sa force : son universalité.

Ensuite, il est financièrement gagnant dans la mesure où, toutes les études le prouvent, les contrats obligatoires d’entreprise ne sont que très rarement des contrats mutualistes. Dans l’immense majorité des cas, ils sont proposés par des sociétés privées d’assurance, des assurances commerciales, à l’image de ce groupe d’assurance qui gère la sécurité sociale des agriculteurs et des paysans.

Le pactole généré par l’article 1er, car c’est bien de cela qu’il s’agit et non pas de droits nouveaux, est d’ores et déjà estimé par le MEDEF à plus de 4 milliards d’euros. Ces 4 milliards de recettes se cumuleront avec les 2, 5 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales déjà consenties aux employeurs mettant en œuvre des contrats complémentaires d’entreprise, dont je vous rappelle qu’ils sont mécaniquement appelés à croître avec l’extension du nombre de salariés qu’ils concernent.

Le seul droit nouveau créé par l’article 1er est en réalité celui offert au MEDEF et aux sociétés d’assurance privées de disposer d’un nouveau marché, d’autant plus intéressant que l’adhésion y est obligatoire.

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