Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 18 avril 2013 à 21h45
Sécurisation de l'emploi — Article 1er

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Aujourd’hui, l’accord interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi, dont ce projet de loi est la traduction, est dépeint comme un accord gagnant-gagnant. Un examen attentif montre que la réalité est moins évidente.

En effet, les seuls points positifs pour les salariés seraient la généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé, ainsi que la création de droits rechargeables à l’assurance chômage et d’un compte personnel de formation. Nous reviendrons ultérieurement sur ces deux derniers points.

Pour ce qui concerne la couverture complémentaire des frais de santé, si l’on peut a priori se féliciter du principe d’une généralisation des contrats collectifs, qui, à prestations égales, sont moins coûteux pour les salariés que des contrats individuels, puisque l’employeur participe à leur financement, on ne peut que regretter le manque d’ambition de l’accord interprofessionnel.

Ma première remarque portera sur les délais nécessaires pour conclure un accord. En vertu du calendrier prévu par les signataires, il faudra attendre parfois jusqu’à trois ans pour bénéficier de ce droit.

Par ailleurs, le panier de soins a été établi sur une base minimaliste très éloignée de ce que couvrent généralement les contrats collectifs déjà en cours : remboursement sur la base des tarifs conventionnels pour les consultations, les actes techniques, les médicaments et le forfait hospitalier, prise en charge des prothèses dentaires à hauteur de 125 % de la base de remboursement de la sécurité sociale, soit actuellement un peu moins de 94 euros, et un forfait optique de 100 euros par an.

Au vu de ces chiffres, nous comprenons aisément que les remboursements seront très loin de couvrir la dépense réelle. Par exemple, pour une prothèse dentaire facturée 900 euros, le remboursement total de la sécurité sociale et de la complémentaire de santé, avec l’application de ce panier minimal, ne dépassera pas 169 euros. Quand on connaît les salaires dans les métiers de la métallurgie, on sait que le reste à charge sera difficilement supportable.

Ensuite, il faut noter le caractère obligatoire de ces couvertures complémentaires, qui obligera certains salariés à abandonner le contrat individuel qu’ils avaient librement choisi, voire à cumuler deux contrats, puisque les conjoints et les enfants ne seront pas obligatoirement pris en charge.

La conséquence directe sera une baisse de leur pouvoir d’achat, ainsi qu’une diminution de leur couverture sociale globale. Le danger est grand qu’ils reportent leurs soins essentiels, comme c’est déjà trop souvent le cas. Attention donc à la baisse sensible de l’état de santé général de la population !

Un autre point de désaccord concerne la discrimination qui s’ensuivra dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Ces employés risquent en effet de ne pas être couverts par un accord collectif de santé, car il faudra d’abord obtenir un accord de branche étendu, qui n’est nullement garanti. Une telle situation pourra devenir, dans les mains des employeurs, un moyen de chantage contre les représentants des personnels : si vous n’acceptez pas l’accord de branche que nous vous présentons, vous n’aurez pas de prise en charge de la complémentaire santé ! Dans la réalité, ce nouveau droit bénéficiera directement au patronat des assurances, au détriment des mutuelles de santé.

Notons également que cet accord exclut la prévoyance, renvoyée à des négociations qui ne s’ouvriront qu’à l’issue de la généralisation de la couverture en frais de santé.

En fait, et c’est là probablement le point principal, la mise en place et l’extension des couvertures complémentaires se fait le plus souvent au détriment de la sécurité sociale. Les remboursements de base deviennent ridicules, il suffit de se référer à ce qui se passe pour l’optique et les soins dentaires.

Chaque annonce d’un déremboursement de médicament par la sécurité sociale s’accompagne d’un transfert de charges équivalent sur les complémentaires de santé, qui se livrent une guerre sans merci pour capter des assurés et utilisent tous les artifices du marketing pour s’attirer la sympathie de ceux qui deviennent ainsi des consommateurs.

Aujourd’hui, il est nécessaire de donner toute sa place au débat sur la santé : c’est un défi qui est actuellement loin d’être relevé ! Nous avons la possibilité, au travers de l’adoption de cet amendement, de rééquilibrer ce texte, en exigeant des employeurs du secteur de la métallurgie qu’ils financent intégralement la couverture complémentaire de leurs salariés.

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