Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 19 avril 2013 à 9h30
Sécurisation de l'emploi — Article 1er, amendements 628 509

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot, rapporteur :

… ou toute autre combinaison.

Cette vision de la concurrence est relativement étrange, dans la mesure où elle s’appliquerait non à des acteurs économiques pris individuellement mais à des groupes composés d’acteurs eux-mêmes en concurrence. Il ne me semble pas que nous adoptions une telle approche dans d’autres secteurs de l’économie.

Monsieur Vanlerenberghe, vous avancez, vous, l’argument suivant : ne pas choisir un organisme unique permettrait d’améliorer la concurrence. Cela me paraît contestable.

Au-delà de l’avis de l’Autorité de la concurrence, approuver la mesure que vous nous proposez reviendrait avant tout à prendre une décision dommageable en termes de mutualisation et donc de coûts. §Je vais vous le démontrer.

Dès lors que, pour les entreprises d’une branche, deux organismes pourront être recommandées, cela aura un impact négatif sur le tarif proposé puisque, par définition, la mutualisation sera moindre et que l’organisme retenu tiendra compte, dans sa prévision de coûts, du fait que le champ potentiel peut être divisé par deux. Les études de l’ADRES – association pour le développement de la recherche en économie et en statistique – le montrent clairement : les coûts administratifs et de gestion pèsent sensiblement sur l’équilibre des contrats.

Je vais vous donner un exemple concret : celui du bâtiment et des travaux publics. Ce secteur dispose d’un régime de prévoyance professionnelle, PRO BTP, qui est très apprécié et très favorable. J’en ai d’ailleurs été un temps le bénéficiaire. Si, désormais, on permettait à plusieurs organismes de faire des offres dans ce secteur, je suis certain que, par exemple, les actions de prévention, aujourd’hui importantes, seraient drastiquement réduites.

À mon sens, nous devons adopter une approche réaliste.

Cependant, je m’accorde avec vous sur un point : aujourd’hui, notre système pèche par l’absence de concurrence avant la désignation !

Je l’ai dit en commission, lorsque nous lançons, dans nos collectivités, des appels d’offres de marchés publics, nous faisons concourir plusieurs prestataires de manière équitable, mais, à l’arrivée, nous n’en désignons qu’un. Pourquoi, dans ce cas, y aurait-il nécessairement conflit d’intérêts ? Parlons franchement : il n’y a conflit d’intérêts que si l’appel d’offres n’est pas organisé dans les conditions requises de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats.

Or le projet de loi garantit précisément le respect de ces conditions concernant la désignation d’un opérateur ! Sans doute M. le ministre confirmera-t-il que nous les avons renforcées en plaçant les mutuelles, les assurances et les institutions de prévoyance sur un pied d’égalité, c'est-à-dire sur la même ligne de départ, notamment pour ce qui concerne les actions sociales collectives et les droits non contributifs.

À mon sens, nous devons laisser aux partenaires sociaux la liberté de gérer la prévoyance et les complémentaires de santé, dès lors que les conditions de mise en concurrence sont équitables, ce que le présent texte garantit.

Bien que j’aie défendu avec conviction cette position en commission, celle-ci a décidé, dans sa majorité, de donner un avis favorable sur l’amendement n° 628 rectifié, ce qui entraîne, par cohérence, un avis défavorable sur les amendements n° 509 rectifié ter, 655 rectifié quater, 259 rectifié, 510 rectifié bis et 561 rectifié, dont certains seront d’ailleurs satisfaits si le premier est adopté.

J’en arrive aux amendements n° 271 et 631 rectifié bis qui, comme M. Vanlerenberghe l’a indiqué, visent la clause de migration. De quoi s’agit-il ? Certains accords de branche prévoient que les entreprises doivent rejoindre l’organisme que l’accord désigne, même si elles disposent déjà d’une couverture complémentaire.

Là non plus, je ne vois pas pourquoi il faudrait priver les partenaires sociaux d’un outil qui est à leur disposition et qui est essentiel à la mutualisation. Je n’insiste pas sur l’intérêt que revêt cette mutualisation pour les salariés comme pour les entreprises.

Toutefois, pour conclure sur ce sujet, je ne résiste pas à la tentation de citer la Cour de justice de l’Union européenne, dont l’un des principaux rôles est précisément, vous le savez, de défendre la concurrence. Cette instance a reconnu la validité de la clause de migration et a même précisé, dans un arrêt de 2011 : « La suppression de la clause de migration nuirait à l’objectif de solidarité car elle pourrait aboutir à une impossibilité, pour l’organisme concerné, d’accomplir la mission d’intérêt économique général qui lui a été impartie. »

Comment, chers collègues, mieux défendre la désignation et la migration ?

Néanmoins, en raison d’une égalité de voix, la commission a émis un avis de sagesse sur les amendements n° 271 et 631 rectifié bis.

Qu’en est-il, à présent, des amendements du groupe CRC, n° 45, 46 et 47 ?

Il s’agit, via ces amendements, d’associer le comité d’entreprise ou les délégués du personnel au processus de mise en concurrence en cas de recommandation ou de désignation. Or cette mesure n’est tout simplement pas réalisable puisque les négociations se déroulent au niveau de la branche et non pas dans l’entreprise.

Par ailleurs, l’amendement n° 47 tend à garantir la consultation des partenaires sociaux nationaux qui sont déjà, par définition, les négociateurs de branche !

Je suis donc conduit à vous inviter, chers collègues du groupe CRC, à retirer ces amendements. À défaut la commission y sera défavorable.

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