Intervention de Michel Sapin

Réunion du 19 avril 2013 à 9h30
Sécurisation de l'emploi — Article 1er

Michel Sapin, ministre :

La question ne se pose donc que si la négociation a lieu au niveau de la branche.

À cet égard, je souhaite simplement faire un constat, sur lequel nous nous accorderons sans doute : puisque les salariés sont représentés par leurs organisations syndicales au niveau de la branche, c’est à ce niveau que la négociation doit être menée ! On ne peut pas prévoir des mécanismes d’allers et retours continuels, ne serait-ce que d’une branche vers chacune des entreprises concernées. Je vous laisse imaginer la complexité de ce système ! De surcroît, ce dispositif serait contraire au principe même de la représentation de branche.

Or nous accordons tous une grande importance à ces négociations de branche, qui donnent plus de force et de capacité de négociation aux salariés vis-à-vis des employeurs.

Ainsi, même si ces amendements partent d’une bonne intention, ils recèlent une certaine contradiction.

Parallèlement, à l’échelle nationale, chaque syndicat aura sans nul doute à cœur de transmettre l’information, afin que, dans d’autres branches, ces négociations puissent bénéficier du contexte et des manières de procéder de tel ou tel secteur. Cependant, je ne vois pas à quel titre on pourrait contraindre les branches à se dessaisir pour aller informer le niveau national. Ce système ne fonctionnerait pas.

C’est la raison pour laquelle, eu égard au bon fonctionnement de la mécanique sociale, et compte tenu de l’importance que nous accordons tous aux organisations syndicales et à leurs capacités de négociation au niveau de la branche, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements. À défaut, il émettra un avis défavorable.

J’en viens aux autres amendements et me tourne maintenant vers l’autre côté de l’hémicycle.

Sur le sujet de la clause de désignation, je répéterai d’une manière aussi simple que possible ce que j’ai déjà dit hier. Les partenaires sociaux doivent avoir la plus grande liberté, pour pouvoir occuper tout le spectre de la négociation, depuis l’entreprise qui choisit seule, en toute transparence – je l’espère ! –, la meilleure garantie qu’elle peut souhaiter pour elle-même et pour ses salariés, jusqu’à la mutualisation la plus forte possible, obtenue lorsqu’un seul organisme contracte dans la branche considérée.

Certes, vos propositions ont évolué pour tenir compte des arguments que j’ai pu apporter, ce dont je vous remercie. Toutefois, d’une manière ou d’une autre, ces amendements conduisent à se priver d’au moins une solution : celle où l’on ne compterait qu’un seul organisme.

Je le répète : à mon sens, il convient de préserver la plus grande liberté possible pour les syndicats, afin qu’ils puissent couvrir tout le spectre, comme c’est le cas aujourd’hui.

Une partie de votre raisonnement se fonde sur l’avis de l’Autorité de la concurrence. Vous l’avez rappelé, cette institution ne considère pas le dispositif actuel comme illégal ou illicite. Aucune juridiction, aucun organisme n’estime du reste qu’il serait contraire à notre droit, à la Constitution ou à je ne sais quelle convention. Il est légal et licite. L’Autorité de la concurrence constate simplement, à travers de nombreux éléments d’appréciation, qu’elle est aujourd’hui en capacité de formuler quelques remarques concernant la transparence et la concurrence. En conséquence, elle s’appuie sur un certain nombre d’inconvénients que le dispositif présente aujourd’hui pour empêcher, demain, les partenaires sociaux d’utiliser la clause de désignation.

Pour ma part, je vous propose simplement d’inverser le raisonnement : supprimons ce qui, aujourd’hui, ne fonctionne pas, pour permettre à chacun des partenaires sociaux d’utiliser de manière efficace et transparente l’ensemble du dispositif.

L’Autorité de la concurrence considère en somme que le dispositif actuel est malade et qu’il faut s’en protéger demain, alors que, moi, je propose qu’on le soigne aujourd’hui afin d’assurer ensuite la plus grande liberté possible.

C’est, me semble-t-il, un raisonnement sur lequel nous devrions pouvoir nous rejoindre.

Je le répète, les deux piliers de ce projet de loi sont la liberté et la transparence.

Les partenaires sociaux auront ainsi la liberté d’utiliser tout dispositif de leur choix, jusqu’à la mutualisation totale, qui est à l’avantage des entreprises et des salariés, mais ils devront le faire dans le cadre de mécanismes qui assureront une transparence et une concurrence absolues, mécanismes qu’il m’appartiendra de fixer par décret, en coordination avec divers organismes et après avoir pris, bien entendu, l’avis de l’Autorité de la concurrence.

C’est là que réside la réforme qui mettra fin, je l’espère, à des situations que l’on peut effectivement considérer, aujourd’hui, comme anormales.

C’est pourquoi je ne peux qu’être défavorable à tous ces amendements, qui forment un dégradé, en termes non pas de qualité, bien sûr, mais de coloration…

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