Le débat nourri que nous avons eu sur cet article 1er ainsi que les amendements adoptés en commission et en séance publique ne nous conduisent pas à porter une appréciation autre que celle que nous avons présentée lors de nos interventions sur cet article. Je le déplore.
Le Gouvernement et sa majorité font comme si l’adoption de cet article n’avait au final aucune conséquence sur le régime obligatoire de base tel qu’il s’applique au travers de la sécurité sociale ni aucune conséquence sur les relations qui existent entre ce régime et la diversité des offres proposées par les mutuelles ou les sociétés d’assurances.
À l'Assemblée nationale, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a déclaré : « Les choses doivent être claires sur ce point. Il n’y a pas, dans l’article 1er du projet qui vous est proposé, une construction, une reconstruction ou un aménagement global de notre système de santé, qu’il s’agisse des relations entre l’assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires ou de la conception de l’organisation des dispositifs complémentaires. »
Nous pensons que cette voie n'est pas la bonne. J'observe d'ailleurs que certains députés socialistes s'en inquiètent également, puisque M. Germain, rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, n'a pas hésité à qualifier cet article d’Obama care pour les complémentaires.
Non, ce n’est pas la bonne voie, car il n'aura échappé à personne que l’Obama care, à la différence de notre système de protection sociale, repose essentiellement sur les assurances privées. C’est au moins une manière d’affirmer que, contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, les grands gagnants seront non pas les organismes mutualistes, qui ne se fixent pas de but lucratif, mais les assurances privées, qui n’ont qu’un objectif, maximiser les profits pour les distribuer aux actionnaires.
Les groupes dont il s’agit, dont certains gèrent d’ailleurs les régimes de sécurité sociale de base obligatoire des assurances, entendent bien profiter de la manne financière que fournira cet article.
Je pense sincèrement que cela participera à la marchandisation de notre système de santé. C'est tout un processus qui peut s'accélérer.
Devant les députés, reconnaissant en quelque sorte la véracité de mes propos, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a déclaré : « Les couvertures complémentaires sont, elles, dans une logique de marché, donc d’individualisation des risques. Plus on élargit la base sur laquelle s’applique la couverture complémentaire, mieux on est à même de proposer une couverture de qualité. Ainsi, plus on généralise la couverture complémentaire, plus on se rapproche d’un dispositif de mutualisation positif. »
Ne nous propose-t-on pas, tout simplement, de renoncer petit à petit à notre modèle, ce qui permet au passage de donner des gages à la Commission européenne, qui, toujours plus soucieuse de la réduction des déficits publics que des droits des femmes et des hommes, voudrait mettre en concurrence la sécurité sociale avec les assurances privées ?
En réalité, on assiste à un basculement progressif et continu de la prise en charge des dépenses de santé de la sécurité sociale vers les mutuelles.
Le 10 septembre dernier, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, a rendu un rapport public portant sur la situation des comptes nationaux de la santé en 2011.
Il révèle que les organismes complémentaires ont supporté en 2011 une part plus importante des dépenses de santé de nos concitoyens qu’en 2010, leur participation passant de 13, 5 % à 13, 7 %. Année après année, les contrats complémentaires jouent un rôle de plus en plus important, proportionnel au désengagement de la sécurité sociale.
Voilà comment, en renforçant le caractère obligatoire de ces contrats et en puisant dans les ressources de la sécurité sociale, vous opérez un basculement du solidaire vers le contributif.
Le groupe CRC ne votera donc pas cet article 1er !