Cet amendement a été présenté pour la première fois au cours de l’examen, en octobre 2009, du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui avait introduit l’article L. 313-7 dans le code de l’éducation.
Cet article oblige les établissements de l’enseignement secondaire, ainsi que les centres de formation des apprentis à communiquer à des organismes désignés par le préfet les coordonnées des élèves qui ne sont plus inscrits dans aucune formation.
À l’époque, nous avions interrogé le rapporteur et le secrétaire d’État chargé de l’emploi sur la nature des organismes mentionnés dans cet article, redoutant que la notion ne puisse regrouper, outre Pôle emploi, des opérateurs privés de placement, dont des sociétés d’intérim. Nous n’avions pas reçu de réponse claire et je m’adresse donc à vous, monsieur le ministre, pour savoir, alors que nous bénéficions d’un certain recul, ce qu’il en est aujourd’hui.
S’il existe des cas où les coordonnées d’élèves « décrocheurs » ont été confiées à ce type d’opérateurs privés, qui réalisent du profit tout en étant les premiers pourvoyeurs d’emplois précaires, il me semble qu’il serait bon d’adopter cet amendement, afin de préciser que seuls les opérateurs publics ou privés à but non lucratif peuvent se voir confier les coordonnées de ces milliers de jeunes.
Il s’agit bien ici d’éviter de fragiliser les parcours de jeunes déjà en rupture avec le milieu scolaire, qui n’ont pas besoin d’être en plus précarisés.
Je sais bien que le terme d’« agences d’emploi » tend à remplacer celle d’« agences d’intérim », en référence au fait que certains contrats proposés par ces agences peuvent relever du CDI ou du CDD. Mais cela se vérifie plus pour des emplois relativement qualifiés que pour ceux auxquels aura accès le public concerné par cet article du code de l’éducation. Ainsi, le secteur des « agences d’emploi privées » reste avant tout pourvoyeur de contrats d’intérim, c’est-à-dire de contrats précaires. À cet égard, la prime de précarité qui y est associée est évocatrice.
Par ailleurs, les intérimaires sont plus fréquemment sujets à des accidents du travail, et on peut aisément penser que les jeunes intérimaires, qui ne disposent ni de l’expérience ni de l’application de leurs aînés, peuvent être plus touchés encore.
Plus fondamentalement, la possibilité de recours aux opérateurs privés de placement doit nous inciter à nous interroger sur l’opportunité de confier au privé le suivi des publics les plus difficiles à insérer ou réinsérer. Elle pose aussi la question de leur efficacité, qui est loin d’être démontrée, bien au contraire.
La montée conjoncturelle du chômage fragilise à l’évidence le service public de l’emploi et rend toujours plus délicat l’accompagnement et le suivi des dossiers des publics les plus éloignés de l’emploi. Nous ne souhaitons pas que ces difficultés entraînent un transfert vers des opérateurs privés qui privilégieraient la recherche de profits au détriment de l’accompagnement, comme c’est parfois le cas.
Enfin, l’argument mettant en avant la capacité de discernement du préfet du département, chargé de désigner les organismes en question, ne nous satisfait pas. Il serait facile en réalité de retenir tel opérateur privé, qui pourrait être privilégié tel un « ami », sans qu’une telle pratique puisse être facilement mise en cause.
S’il peut parfois être pertinent de ne pas concevoir des lois trop bavardes, la précision, en l’espèce, nous semble plus que justifiée.
Pour que la tentative de remettre aux jeunes décrocheurs le pied à l’étrier soit efficace, elle doit leur apporter un minimum de stabilité et de sécurité, en évitant de les placer au cœur d’un marché fortement concurrentiel et lucratif, faute de quoi nous passerons à côté d’une grande partie du problème. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.