Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 20 avril 2013 à 9h30
Sécurisation de l'emploi — Article 3 suite

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

… de la libération de la famille Moulin-Fournier, qui, après une détention de soixante jours – avec ce que cela suppose de souffrance, d’autant que des enfants étaient concernés –, est revenue sur notre territoire ce matin et pourra ainsi profiter de ce beau mot qu’est la « liberté ».

J’en reviens à l’article 3.

Nos débats ont été relativement longs, je vous l’accorde, mais ils nous ont quand même permis de mieux comprendre ce que recouvrait la notion de « mobilité volontaire sécurisée », la MVS, inspirée des formules de congé existant dans le droit du travail, comme le congé sabbatique, le congé pour création ou reprise d’entreprise, le congé individuel de formation et le congé de solidarité internationale, sans toutefois être assortie ni de la plupart des contraintes ni d’une importante partie des droits attachés.

C’est ainsi que nous avons appris de la bouche de M. le ministre, opposant un avis défavorable à l’un de nos amendements, que la période de mobilité volontaire sécurisée ne comptait pas pour l’ancienneté du salarié placé dans cette position. Autrement dit, le demandeur de mobilité devrait renoncer, à son retour dans l’entreprise, au petit plus salarial représentatif de cette ancienneté finalement abandonnée.

Dans un autre ordre d’idées, nous avons aussi eu l’occasion de constater, au fil de nos débats, que la procédure de mise en œuvre du droit à mobilité pouvait elle-même s’opposer au veto de l’employeur.

Le cheminement est décrit par le menu dans le texte.

Le salarié formule une première demande, à laquelle un premier refus est opposé, l’employeur invoquant, par exemple, la désorganisation ou le problème que son absence constituerait. On peut donc être volontaire et se retrouver brimé dans son élan...

Le salarié formule alors une deuxième demande et essuie un deuxième refus, pour des motifs identiques.

Ne perdant pas patience, le salarié effectue une troisième demande – on peut supposer que les trois demandes sont séparées de plusieurs mois. Le salarié ne se voit alors pas opposer un refus mais se retrouve alors en position dite « privilégiée » pour faire valoir son droit individuel à la formation, sous forme de sollicitation du congé individuel de formation, le CIF.

Outre le fait que ledit congé existe depuis une bonne quarantaine d’années, avec l’adoption de la loi de 1971 sur la formation professionnelle, je crois par ailleurs me souvenir que poser sa candidature pour bénéficier d’un CIF nécessite aussi un certain délai d’appréciation de l’employeur – cent vingt jours si mes souvenirs sont exacts quand il s’agit d’un CIF d’une durée supérieure à six mois. Cela montre à quel point le parcours de notre volontaire au titre de la MVS sera une sorte de « chemin de croix ».

Le droit à la mobilité se transforme donc en position dans la liste des aspirants stagiaires de l’entreprise, en attente qu’un droit puisse éventuellement se matérialiser pour avoir ensuite le bonheur d’être financé non par l’entreprise d’origine, mais surtout par les organismes paritaires de collecte et de répartition des droits.

En effet, il ne faut jamais l’oublier, dans tous les cas de figure, même en mettant en œuvre le CIF prévu par « privilège » au troisième refus de MVS, le contrat de travail sera suspendu et, avec lui, la rémunération due par l’entreprise.

Comme on le voit, si, à l’origine, la mobilité volontaire est peut-être le fait du salarié, la mobilité effective est le fait de l’employeur, puisque ce dernier décide de la date de commencement de la suspension du contrat comme de sa date de fin.

Et, comme les choses sont bien faites, pour bien nous faire sentir le bien-fondé du dispositif, la MVS se déroulera, dans les faits, hors plan de formation, hors plan de sauvegarde de l’emploi, hors tout avis des instances représentatives du personnel.

La MVS, c’est l’illusion de l’égalité entre salarié et employeur dans un monde du travail proche de celui des Bisounours !

On notera donc que, si la MVS est une nouvelle voie de parcours professionnel original, elle s’avère moins pourvue en droits que les quatre formules de congés dont elle s’inspire.

Dans ce contexte, toute décision patronale tendant à autoriser le recours à la procédure de MVS sera naturellement sujette à caution. Nous estimons donc avoir eu mille fois raison de nous interroger sur le caractère « volontaire » du processus.

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