La question de la gouvernance des conseils d’administration et de surveillance des entreprises est éminemment importante. Elle dépasse largement celle qui a été soulevée ici de la participation des représentants salariés, particulièrement lorsque l’on mesure le cadre contraint et réduit de celle-ci.
Il y a un an environ, le site d’information en ligne Altantico, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il ne fait pas partie de nos références habituelles et qu’il n’est pas notre tasse de thé, titrait à propos de la gouvernance des instances de direction des sociétés : « Cet étouffant huis clos des patrons français qui tue la compétitivité tricolore ».
Dans cet article, Éric Verhaeghe, ancien président de l’APEC, l’Association pour l’emploi des cadres, y affirmait, et c’est assez savoureux : « Il ne faut surtout pas le répéter, mais les initiés savent pertinemment que le principal problème de la compétitivité française n’est pas le coût du travail, mais le manque de diversité à la tête des entreprises du CAC 40. » Voilà une analyse intéressante, que nous partageons.
Les patrons ont en effet tendance à organiser une forme permanente de cooptation entre membres des conseils d’administration, parfois accompagnée d’importants jetons de présence. Au final, cette cooptation contribue à ce que les décisions soient prises par des organes de direction standardisés, où chacun est et pense comme son voisin.
Cette consanguinité, en quelque sorte, est redoutable, comme cela est indiqué dans l’article : « […], ils sont entre eux, comme une coterie, ces sociétés restreintes de personnes entretenant de très étroites relations fondées sur des intérêts communs. Ils ne voient nulle nécessité de s’ouvrir à une concurrence effective avec des administrateurs véritablement indépendants, susceptibles de remettre en cause leur gouvernance et leurs décisions. »
Cette pratique n’est pas nouvelle, et les entreprises publiques, lorsqu’elles ont été privatisées, ont obéi à la même règle, avec des entreprises qui détiennent des participations croisées. Le but est non pas de créer une forme de solidarité entre les entreprises ou d’élaborer des stratégies communes, ce qui pourrait s’entendre, mais de s’assurer que personne ne viendra remettre en cause les choix effectués par les dirigeants.
La situation est telle que, « dans la pratique, le CAC 40 repose aujourd’hui sur deux grands investisseurs et gestionnaires d’actifs : AXA et la BNP, qui sont présents dans le capital de tous les autres. La Société générale y joue le rôle de troisième larron ».
Compte tenu de l’implication de ces groupes financiers dans la crise actuelle, il y a de quoi s’inquiéter. À ce jour, 39 des 40 entreprises du CAC 40 ont au moins un administrateur en commun les unes avec les autres. Certains administrateurs siègent même dans six conseils à la fois. Total et Lafarge partagent quatre administrateurs, de même que Alstom et Bouygues. Les deux tiers des membres du conseil d’administration de Total sont également administrateurs d’une autre société du CAC. Et 94 dirigeants du CAC 40 exercent aujourd'hui des fonctions d’administrateur dans une autre entreprise ! Ces chiffres sont très significatifs.