 
        Le groupe CRC évalue l’opportunité de ce projet de loi à l’aune des situations rencontrées par les salariés et de son utilité dans leurs mobilisations pour la préservation de l’emploi.
Nous n’oublions pas que cette mesure, outre le fait qu’elle soit inscrite dans l’ANI, figurait déjà dans le rapport de M. Gallois, dans lequel elle jouait le même rôle que dans le présent projet de loi : apporter une touche sociale supplémentaire. Pourtant, à bien y regarder, l’introduction de représentants des salariés dans les instances de gouvernance des entreprises ne donne pas de droits nouveaux. Pour que cette mesure soit réellement créatrice de droits nouveaux, il aurait fallu, comme nous le proposons, permettre aux représentants des salariés de disposer d’un droit de veto. À défaut, on se contente de demander à ces représentants de prendre acte de la suppression de leurs emplois et de ceux de leurs collègues ou de s’y opposer, en vain.
Dominique Plihon, président du conseil scientifique d’ATTAC, a rendu publique une note dans laquelle on apprenait que, depuis les années quatre-vingt-dix, la part des représentants des salariés dans les conseils d’administration des entreprises publiques ou privatisées était en déclin. Il y précisait : « La loi permettant une représentation des salariés dans les entreprises publiques, aujourd’hui souvent privatisées, n’a jamais empêché que, sur certaines grandes décisions, la voix des salariés soit totalement ignorée ».
Qui plus est, bien qu’elle soit prévue dans la loi, la consultation des conseils d’administration de certaines de ces entreprises tend à devenir optionnelle. En 2003, M. Philippe Douste-Blazy, qui présidait alors la commission d’enquête parlementaire sur la gestion des entreprises publiques, rappelait « que certains d’entre eux [n’étaient] toujours pas consultés sur d’importantes décisions ».
Nicolas Galepides, secrétaire fédéral Sud-PTT et ancien administrateur à La Poste, révélait : « Lorsqu’en juin 2011, La Banque postale a acheté des titres subordonnés à Dexia pour 3 milliards d’euros, le CA n’a absolument pas été consulté. Or Dexia faisait faillite trois mois plus tard ».
D’une manière générale, cet article aurait été sans effets sur le sort des salariés de Virgin et de Sanofi, par exemple. Certes, les salariés pourront désormais faire part de leur mécontentement, mais ils ne pourront obtenir aucun infléchissement de la direction ou de la majorité des membres du conseil d’administration, dont mon collègue Dominique Watrin vient parfaitement de décrire les mécanismes de cooptation.
Seule la création d’un droit de veto suspensif permettrait de venir en aide utilement aux salariés. Les administrateurs pourraient, en cas de plan de licenciement ou de plan de restructuration, user de ce droit afin, par exemple, de saisir le juge et de faire acter de l’existence ou non de difficultés économiques. Ce droit de veto pourrait également être utilisé pour permettre aux représentants des salariés de travailler avec eux à l’élaboration d’alternatives crédibles.
Les quatre millions d’électeurs du Front de gauche qui se sont portés sur François Hollande au second tour de l’élection présidentielle et qui ont contribué à son élection attendent non pas une participation symbolique des salariés à la gouvernance de leur entreprise, mais un réel rééquilibrage des pouvoirs au sein de leur lieu de travail afin de pouvoir redevenir maîtres de leur avenir.
Entre les deux tours de l’élection présidentielle, Bernard Thibault a expliqué pourquoi son organisation syndicale appelait à voter pour le candidat de gauche arrivé au second tour. Il a déclaré que l’on ne pouvait plus accepter « qu’au nom du droit de propriété, les salariés soient réduits à être des exécutants aveugles ». Nous partageons cette analyse et constatons que cet article ne changera malheureusement pas la donne.
Si nos amendements ne sont pas adoptés, le groupe CRC votera contre cet article.