On pourrait s’étonner du contenu de l’article 5 et se demander, en regardant l’article 4 avec une vision rétrospective, pourquoi les partenaires sociaux signataires de l’ANI n’ont pas préféré renforcer davantage les pouvoirs des comités d’entreprise jusqu’à leur donner un droit de veto suspensif sur certaines décisions. Cela permettrait d’ouvrir le champ de la nécessaire réflexion sur le bien-fondé de telle ou telle décision contestée.
Le fait d’autoriser la présence de salariés au sein des organes dirigeants de nos plus importantes entreprises nous est présenté comme une avancée majeure du droit.
Selon les estimations qui figurent dans l’étude d’impact annexée au projet de loi et dans les rapports rédigés au sein des deux assemblées, ce ne sont pas moins de 4 millions de salariés qui sont employés dans les 200 groupes à base française comptant un minimum de 5 000 salariés au sein de la société mère et de ses filiales, et ce sont vingt fois au moins 10 000 salariés qui sont concernés par celles des entreprises dont les effectifs sont inférieurs, dans notre pays, au seuil des 5 000 employés.
Nous pourrons donc avoir demain des représentants des salariés dans des entreprises employant dans notre pays de 4 millions à 4, 5 millions de salariés, soit une part importante des salariés du secteur privé. Par exemple, le chiffre est aussi significatif que celui des salariés des entreprises de moins de dix salariés qui ont été invités l’automne dernier à voter lors d’élections de représentativité sur sigle syndical.
La remarque n’est pas innocente. Cela mérite que nous nous arrêtions sur quelques faits essentiels.
En un certain sens, prévoir un nombre réduit de représentants des salariés dans les conseils d’administration conduit à faire des récipiendaires de la fonction des sortes d’« idiots utiles », des faire-valoir commodes… C’est un gage donné à l’évolution des temps et des relations sociales ; on espère que la baisse de conflictualité qui en découlera ira de pair avec l’absence de mise en cause des critères de rentabilité.
Aller plus loin, comme le proposait par exemple Louis Gallois, présente deux avantages.
Premièrement, cela donne un poids relatif plus élevé aux représentants des salariés. Louis Gallois parle d’expérience : il a été dirigé d’une entreprise publique où les administrateurs salariés étaient plutôt nombreux, ce qui n’a jamais empêché les trains de rouler, bien au contraire !
Deuxièmement, cela confère une légitimité à l’organisation d’une élection spécifique, sur listes syndicales, avec constitution d’une liste électorale en bonne et due forme.
Eu égard aux règles fixées par le code de commerce, nous pourrions donc compter demain jusqu’à six représentants des salariés, soit un effectif permettant de respecter la représentation pluraliste des forces syndicales dans l’entreprise et, plus généralement, dans le groupe, notamment s’il a quelques établissements à l’étranger avec des sections syndicales d’organisations inconnues dans notre beau pays.