Chacun sait très bien – et cela a été souligné à de nombreuses reprises – que de tels dispositifs existent déjà dans un certain nombre de grandes entreprises et que les représentants des salariés y jouent un rôle dont l’utilité est reconnue par tous, dirigeants compris.
J’aimerais à présent aborder une série de questions.
Premièrement, quelles sont les entreprises concernées ? Le sujet a été soulevé par la commission des lois. Je retiens des discussions que j'ai eues avec les partenaires sociaux, notamment avec les organisations syndicales, même non signataires, leur volonté d'être là où la décision stratégique se prend.
Il s’agit alors de trouver comment définir, dans le cadre du droit commercial, qui est très diversifié, le lieu stratégique. Ce n’est pas forcément la structure de tête. Certaines holdings familiales de gestion d'actifs ne correspondent pas du tout au lieu stratégique de prise de décision et de définition des stratégies industrielles et commerciales de l'entreprise. A donc émergé l’idée qu’il valait mieux appliquer le dispositif aux entreprises dotées d’un comité d'entreprise, qui comptent au minimum 49 ou 50 salariés.
Il pourra m’être rétorqué que certaines holdings de moins de 50 salariés sont des lieux stratégiques. Il fallait toutefois bien trouver un critère, même si celui-ci est discutable. Avec l’expérience, nous pourrons approfondir la question et améliorer le dispositif.
Deuxièmement, quel doit être le nombre d’administrateurs ? Certains n’en voudraient qu’un seul, d'autres demandent qu’il y en ait plus de deux. Un débat a eu lieu sur la formule « au moins deux », introduite par les députés. M. le rapporteur de la commission des lois, se fondant sur des arguments de droit parfaitement légitimes, a préféré supprimer cette expression. Pour ma part, je suis favorable à son maintien. Je soutiens donc l’amendement visant à revenir à la rédaction issue de l'Assemblée nationale. L’objectif est d’inciter le plus possible les entreprises à négocier sur cette question, afin de prévoir, éventuellement, un nombre d’administrateurs supérieur à deux.
Troisièmement, quelle protection pour les représentants ?
Nous avons d'abord voulu assurer leur protection s’agissant du processus électoral. Je ne suis pas d'accord avec la proposition d’appliquer les mêmes sanctions que pour l’élection au comité d'entreprise ou de délégués du personnel, c'est-à-dire le délit d'entrave. Les situations sont différentes, et les organisations syndicales y sont très attentives.
Les représentants des salariés dans un comité d'entreprise et les délégués du personnel ont un rôle et une responsabilité différents des représentants des salariés dans les conseils d'administration. C'est pourquoi toutes les organisations syndicales insistent pour qu’il n’y ait pas de confusion.
Le fait qu'il y ait une séparation, y compris institutionnelle, entre les deux est une bonne chose : chacun est ainsi protégé et peut assumer ses responsabilités de manière libre et autonome. Je ne suis donc pas favorable aux amendements tendant à permettre à une même personne d’être membre à la fois d'un comité d'entreprise et d'un conseil d'administration. Compte tenu de mon expérience, je pense que ce n’est pas une bonne idée, d’autant que cette proposition n’est portée par aucune organisation syndicale, y compris non signataire.
Les députés ont voulu prévoir une protection contre le licenciement. Vous connaissez la réalité : sont désignés au conseil d'administration un délégué du personnel ou un membre du comité d'entreprise ou, comme c'est le plus souvent le cas, un délégué syndical. Lorsque ce dernier quitte le conseil d'administration – il n’a pas vocation à y rester éternellement ! – et espère pouvoir redevenir délégué syndical, il ne faut pas qu’il puisse être sanctionné. C'est la raison pour laquelle la protection des représentants des salariés a été mise en place.
Vous avez également été nombreux à insister sur la parité, que l’Assemblée nationale a souhaité introduire à la demande de sa délégation aux droits des femmes. C'est une bonne idée. Madame Cohen, vous avez souligné que nous serions en avance de ce point de vue. La date a en effet été fixée à 2017 pour le conseil d'administration ; en l’occurrence, ce sera au plus tard le 1er janvier 2016 : c'est une faible avance. Si cela permet aux salariés de montrer l'exemple aux autres administrateurs, c'est une bonne chose !
Enfin, j’en viens au mode d'élection, qui a été très débattu, car il ne figure pas dans l’ANI. C'est un sujet que les partenaires sociaux nous avaient, en quelque sorte, délégué, à nous tous, pour essayer de trouver les meilleures solutions. J'ai mené une grande concertation avec tous les partenaires sociaux pour aboutir à la proposition retenue à l’Assemblée nationale, après les apports utiles des uns et des autres.
Il faut laisser de la liberté et des possibilités d'adaptation aux entreprises, qui sont toutes différentes. Je ne suis donc pas favorable à ce que l'on retienne une seule modalité, en l’occurrence l'élection, même si je pense que ce sera certainement la meilleure solution pour le plus grand nombre d'entreprises, comme c’est le cas, par exemple, dans les entreprises anciennement nationalisées et privatisées depuis.
Il faut laisser aussi une capacité d'adaptation aux organisations syndicales, qui vont avoir à débattre de cette question avec les dirigeants des entreprises, même si, comme il s’agit de droit commercial, le choix sera celui de l'assemblée générale des actionnaires.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je tenais à vous apporter. Vous en déduirez la position du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements.