Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 20 avril 2013 à 14h30
Sécurisation de l'emploi — Article 6

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Il est évidemment positif de permettre au salarié privé d’emploi de reprendre une activité professionnelle après une période de chômage sans craindre d’une réduction de son indemnité en cas de nouvelle perte d’emploi.

Pour autant, et c’est là que le bât blesse, le dispositif doit être financé. Or il ne l’est. Le MEDEF a annoncé lors de toute la phase de négociation de l’accord national interprofessionnel ne pas vouloir qu’un euro de plus soit consacré à cette mesure et, plus globalement, à l’indemnisation du chômage.

D'ailleurs, l’exigence patronale a pris corps dans l’ANI, qui prévoit explicitement que « les partenaires sociaux veilleront à ne pas aggraver ainsi le déséquilibre financier du régime d’assurance chômage ». Autrement dit, le nouveau droit des uns, ce sera au détriment des droits des autres !

En réalité, le droit nouveau ne devrait prendre corps définitivement qu’à l’occasion de la prochaine convention UNEDIC, dont la négociation devrait débuter dans le courant de l’année. À l’image de plusieurs observateurs syndicaux, y compris parmi les organisations signataires, nous craignons que le MEDEF ne propose, en contrepartie, pour ne pas grever le déficit de l’UNEDIC, de remettre en place la dégressivité de l’allocation ou d’en baisser le niveau de 10 % à 15 % pour tous les demandeurs d’emploi, c’est-à-dire de déshabiller Paul pour habiller Jacques ! Je note d’ailleurs que certains députés n’ont pas hésité à profiter de l’occasion qui leur était offerte par l’article pour proposer immédiatement, par voie d’amendement, d’instaurer une importante dégressivité des droits.

Par ailleurs, selon un article récent de La Tribune, l’UNEDIC, qui aurait évalué le coût de cette mesure et l’estime peu élevé, envisage déjà de « jouer sur certaines variables comme le salaire de référence pris en compte ou en instaurant, par exemple, un plafond au cumul des périodes indemnisables. »

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que la négociation prévue cette année ne conduira pas à des mesures injustes pour les salariés privés d’emploi déjà indemnisés et n’aura pas pour effet d’imposer aux nouveaux entrants des droits à indemnisation bien inférieurs à ceux qui sont actuellement garantis aux salariés déjà indemnisés ? Je sais que cela dépend partiellement de la négociation entre partenaires sociaux. Pour autant, l’État ne peut pas se désintéresser du sort des salariés privés d’emplois. Si le patronat impose des mesures du type de celle que nous craignons et dont j’ai parlé, il est de la responsabilité du Gouvernement de prendre des mesures fortes pour garantir les droits des salariés.

Il faudra notamment que vous renforciez le coût des contrats précaires bien plus que l’accord national interprofessionnel ne le prévoit, en supprimant les exonérations de cotisations consenties au titre des emplois concernés. Mes chers collègues, au moment où vous devrez vous prononcer sur l’article et le projet de loi, souvenez-vous que les fins de missions d’intérim et de CDD représentent plus de 30 % des entrées au chômage et 63 % des allocataires. Par définition, et en raison même des contrats qui leurs sont opposés, les salariés ne peuvent pas cumuler de droits très longs à l’assurance chômage et perdent très vite le droit à toute forme d’indemnisation.

Alors que le déficit de l’UNEDIC atteint cette année 4 milliards d’euros et que l’endettement cumulé s’élève quant à lui à 17 milliards d’euros, il est grand temps de mettre un terme aux mesures de sous-financement de notre système de protection sociale. C’est d’autant plus important que seuls 48 % des salariés privés d’emploi bénéficient d’une indemnisation chômage.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC, qui se souvient des conditions dans lesquelles se sont tenues les dernières négociations sur la convention UNEDIC et sur les retraites complémentaires, s’abstiendra sur cet article.

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