Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 20 avril 2013 à 14h30
Sécurisation de l'emploi — Article 8

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs jours maintenant, nous parlons beaucoup de précarisation, de flexibilité et de risque accru de licenciement. Malheureusement, ces réalités sont souvent à accorder au féminin.

J’illustrerai mon propos par quelques chiffres qui complèteront l’intervention de ma collègue Annie David.

Les femmes représentent effectivement près de la moitié de la population active, plus de la moitié des chômeurs et environ 80 % des travailleurs précaires, des travailleurs pauvres et des salariés à temps partiel. Leur salaire moyen est inférieur de 27 % à celui des hommes et de 19 % si l’on ne considère que les emplois à temps complet.

Ces chiffres sont connus, mais il n’est pas inutile de les rappeler, car ils pourraient être plus largement médiatisés.

Les femmes sont près de deux fois plus nombreuses que les hommes à toucher le SMIC. Leur taux d’emploi est toujours inférieur à celui des hommes, sans autre raison que la persistance des stéréotypes sexistes. Leur taux d’indemnisation du chômage est inférieur à celui des hommes. Leur pension de retraite ne représente que 58% de celle des hommes et elles constituent 75 % des bas salaires, alors qu’elles représentent plus de 60 % des diplômés.

Ainsi, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas seulement un objectif de justice sociale, qui pourrait en soi être suffisant, mais aussi un moyen de relancer l’emploi et l’activité économique

Il y a de ce point de vue beaucoup de gâchis, dû pour une large part au manque de confiance qui leur est accordé au prétexte même de leur sexe. Ces futures mères de famille auront forcément « la tête plus à la maison et aux enfants qu’à l’entreprise » – j’ose le redire ici car, à l’occasion du débat sur le mariage pour tous, nous avons entendu quelques horreurs, et nous en entendons encore ! – et qui afficheront une moindre résistance psychologique en situation de stress ou de conflit, sans parler de la résistance physique qui ferait défaut pour nombre de métiers dits « masculins ».

Aussi, ce que l’on pouvait attendre de ce projet de loi, ce sont des mesures concrètes qui auraient pu contribuer à en finir avec les inégalités dans le domaine professionnel. De nombreuses associations, syndicats et organisations ont élaboré des propositions que nous pourrions mettre en partage, d’autant que ce Gouvernement comprend, et c’est une bonne chose, un ministère des droits des femmes, que nous avons appelé de nos vœux, et que la ministre en charge a affirmé à plusieurs reprises qu’elle se battait au sein du Gouvernement comme à l’extérieur pour faire avancer ces idées.

En tant que sénatrices et sénateurs, nous devrions soutenir ces propositions, pour qu’elles deviennent réalité et qu’elles ne restent pas lettre morte. On sait en effet combien il est nécessaire de se mobiliser si l’on veut qu’elles aboutissent.

Parmi ces mesures, je pense notamment à une augmentation significative du SMIC, à une revalorisation des salaires des métiers fortement féminisés, en reconnaissant les compétences techniques, relationnelles et la pénibilité de ces métiers, ou encore à des mesures contre l’emploi à temps partiel imposé, avec, par exemple, l’instauration de la possibilité pour toute personne à temps partiel de passer à temps complet à sa demande.

Je pourrai bien évidemment compléter la liste. Si je rappelle ces mesures, c’est parce que nous pensons que la manière dont cet article est rédigé risque fort d’accentuer ces inégalités. En quelque sorte, nous avions voulu attirer l’attention du Gouvernement en parlant à ce sujet d’inconstitutionnalité.

Je le répète, toute mesure qui va à l’encontre d’un principe affirmé d’égalité n’est pas bonne et doit être combattue.

Avant d’examiner les dispositions de l’article 8, je veux de nouveau attirer votre attention, mes chers collègues. Nous sommes en 2013 ! Il est temps que les femmes soient reconnues comme étant à égalité avec les hommes et que toutes les dispositions adéquates en termes d’égalité professionnelle soient introduites dans toutes les lois que nous pourrons adopter, et ce d’autant plus lorsqu’un gouvernement de gauche est à la tête du pays !

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