La présentation de cet amendement me donne l’occasion d’évoquer la question de l’égalité professionnelle. Comme celui que vient de défendre Isabelle Pasquet, il vise à insérer un paragraphe dans le code de la sécurité sociale et à imposer, en quelque sorte, une obligation de résultat aux employeurs.
Je déplore que la question de l’égalité salariale n’ait pas figuré ni dans la feuille de route de la négociation ni dans le présent projet de loi et qu’elle ait été renvoyée à une autre négociation, toujours en cours elle, sur la qualité de vie au travail. Cette situation me rappelle d’autres négociations, qui, elles non plus, n’ont pas abouti. Je pense à celles qui sont relatives aux conditions de travail, qui ont suscité de nombreux débats, sans toutefois aboutir.
En l’espèce, l’impasse actuelle est choquante et contradictoire avec la politique portée depuis bientôt un an par la ministre des droits des femmes et avec certains propos du Président de la République. En effet, le 9 juillet dernier, lors de la conférence sociale, ce dernier, s’adressant aux partenaires sociaux, déclarait : « En ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, trop de retards ont été accumulés. [...] Le droit à l’égalité existe, il faut l’appliquer. J’attends de vous [il s’adressait aux partenaires sociaux] des propositions précises, assorties d’un calendrier exigeant ». Je ne peux que souscrire à ces propos.
Par conséquent, ne pas avoir introduit cette dimension de « genre » lors de la négociation de l’ANI est aberrant tant les inégalités professionnelles perdurent.
À cet égard, au moment de la présentation du rapport annuel de la délégation aux droits des femmes, sa présidente, Brigitte Gonthier-Maurin, a bien décrit ce fait. Pour ne prendre qu’un exemple, en 2012, à emploi et compétences égales, les salaires des femmes étaient encore, en moyenne, inférieurs de 27 % à ceux des hommes.
Cette absence de prise en compte est pire encore s’agissant du temps partiel, quand on sait que celui-ci concerne à 82 % des femmes, chiffre qui dépasse les 90 % dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’action sociale, observation qui rejoint celle de notre collègue Ronan Kerdraon.
Rappelons que cette dimension « genrée » ne figure pas non plus dans l’étude d’impact du projet de loi, et ce malgré l’engagement du Gouvernement de rendre systématiques les études d’impact « genrées » à propos de tous les projets de loi, engagement rappelé le 16 octobre dernier par la ministre des droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem, lors de son audition par la délégation aux droits des femmes du Sénat.
Il est donc temps aujourd’hui de passer de l’égalité formelle à l’égalité réelle, pour reprendre la formule de notre collègue Catherine Génisson. C’est ce que je vous propose, mes chers collègues, par le biais de cet amendement, qui, je le répète, vise à imposer à l’employeur une obligation de résultat en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, assortie d’une menace réelle et dissuasive de sanction financière.
Outre ses effets positifs immédiats pour les comptes sociaux, cette disposition donnerait plus de poids à la négociation, notamment sur la question des écarts et des inégalités salariales, et aux actions des organisations syndicales contre le recours au temps partiel subi.