Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 20 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Vote unique sur les articles 5 à 20 et l'ensemble du texte

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Je voterai contre cet accord, parce que je le trouve déséquilibré. Le débat parlementaire n’a pas modifié la donne, mon avis n’a donc pas changé.

Je l’ai rappelé : à l’Assemblée nationale, 41 parlementaires socialistes n’ont pas approuvé cet accord, 6 ont voté contre et 31 ou 32 – il y a eu une contestation d’une voix – se sont abstenus.

Des avancées intéressantes étaient prévues. Elles auraient mérité d’être consolidées, mais le débat parlementaire ne l’a pas permis.

L’élargissement des assurances complémentaires est très peu financé par le patronat, par les entreprises. Les droits rechargeables à l’assurance chômage sont soumis aux aléas financiers du futur accord UNEDIC. La taxation des CDD est très limitée dans sa portée et très faible dans son ampleur, de sorte que l’on peut craindre que son efficacité ne soit assez limitée.

La présence de représentants des salariés dans les conseils d’administration est un vrai progrès, mais les seuils retenus sont bien inférieurs à ceux qui avaient été préconisés dans le rapport Gallois. J’espère d’ailleurs que cela ne conclut pas le sujet. Il ne faudrait pas que cela fasse jurisprudence et que l’on dise que, puisque l’ANI a fixé le nombre de salariés dans les conseils d’administration, il revient à la négociation sociale d’en définir le cadre. En effet, sur ce point particulier, plus encore que sur d’autres, s’agissant du pouvoir reconnu aux parties dans l’entreprise, à savoir le pouvoir des salariés, je ne pense pas que l’accord du MEDEF, ou d’autres, d’ailleurs, soit un élément déterminant. Il s’agit d’un équilibre des pouvoirs démocratiques, et cela devrait être de la loi « pur sucre ».

Mais cette insuffisance ne justifierait pas un vote contre si en face je n’avais pas le sentiment qu’il y a pour le moins des reculs ou, afin de ne pas blesser les signataires de l’accord, au moins des menaces.

D’abord, les accords de maintien dans l’emploi. Même les journaux économiques les plus bienveillants envers les signataires de l’accord ou même à l’égard de la gauche considèrent que ces accords ne sont pas très différents des fameux accords « compétitivité » présentés par le candidat Nicolas Sarkozy. Ils constituent en tout cas une brèche inquiétante.

En effet, ils remettent en cause la supériorité du contrat sur les accords collectifs et portent donc atteinte aux libertés contractuelles. Et dès lors que n’a pas été retenu le principe selon lequel, quand dix salariés refusent l’accord, ils bénéficient d’un plan social d’entreprise, pour eux, ce sera un recul.

Ensuite, l’effort demandé aux actionnaires et aux dirigeants est très hypothétique et très flou, alors que les efforts demandés aux salariés sont sonnants et trébuchants.

Enfin, les conditions des licenciements économiques sont, selon moi, pour le moins assouplies. Je ne reprendrai pas un débat technique, qui a d’ailleurs eu lieu à l’Assemblée nationale, sur, de fait, l’affaiblissement du recours au juge.

Mais, surtout, – et là il ne s’agit pas uniquement d’une affaire sociale, il s’agit bien de la défense de notre capacité productive, de la défense de l’industrie dans notre pays – ne pas mettre en œuvre un système qui permet de limiter les licenciements économiques abusifs par la voie judiciaire est une fragilité majeure. En effet, nous l’avons bien vu, les licenciements économiques non fondés ou fondés sur un seul impératif boursier sont, dans bien des cas, la cause de la désindustrialisation de certains pans de notre économie.

Or nous n’avons pas aujourd’hui les outils permettant de limiter les abus. Nous avions, en tout cas les socialistes, les écologistes et le groupe CRC, voté avant l’élection présidentielle un projet de loi qui prévoyait justement la reconnaissance du motif économique mieux défini, le recours au juge, avec un référé auprès de celui-ci. Il s’agissait de permettre de vérifier que ce motif est bien fondé économiquement et ainsi de pouvoir mettre un terme à cette horrible spirale qui fait qu’une fois la procédure de licenciements engagée, l’usine ferme même lorsque les salariés ont gain de cause judiciairement.

Le temps m’étant compté, je vais conclure.

J’espère me tromper, j’escompte que mon pessimisme et mes inquiétudes ne seront pas confirmés. Nos concitoyens attendaient une grande loi contre les licenciements économiques et la précarité

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