Intervention de Christian Cambon

Réunion du 20 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Vote unique sur les articles 5 à 20 et l'ensemble du texte

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conditions du vote qui interviendra dans quelques instants resteront sûrement comme un moment particulièrement sombre de l’histoire de notre institution.

Au moment où le nombre de chômeurs s’accroît de 1 000 personnes chaque jour et où tant d’entreprises, d’usines, d’exploitations agricoles sont dans les difficultés voire cessent leurs activités sous l’effet conjugué de la crise économique et des mesures négatives que vous prenez, vous avez proposé un texte issu de la négociation des partenaires sociaux dont l’importance n’avait échappé à personne.

En permettant aux entreprises d’être plus flexibles dans la gestion quotidienne de leurs effectifs et en apportant en contrepartie plus de sécurité aux salariés, vous aviez une occasion unique de donner enfin un commencement de réponse aux difficultés auxquelles les entreprises et les salariés sont confrontés du fait de la crise.

Encore fallait-il donner au temps du débat parlementaire toute l’importance qu’il nécessitait.

Sur ce sujet essentiel, vous aviez le devoir et même l’impérieuse obligation de laisser chaque groupe s’exprimer et traduire par des votes successifs les amendements qu’ils souhaitaient apporter à votre texte.

C’est la loi de la démocratie, l’essence même du Parlement que de pouvoir y discuter, contredire et amender les projets de l’exécutif.

Alors que, pendant tant d’années, vous n’avez cessé de nous donner des leçons à ce sujet et que vous nous avez si souvent reproché, à tort, d’avoir bafoué les droits du Parlement, vous n’hésitez pas à organiser un véritable coup de force contre l’une des composantes de votre majorité présidentielle, et ce quelques dizaines d’heures seulement après le début de la discussion.

Tout le monde le sait, nous ne partageons pas les positions de nos collègues du groupe CRC et nous combattons régulièrement les caricatures qu’ils donnent des chefs d’entreprise, de leurs motivations et de leurs méthodes. Nous partageons néanmoins avec eux la volonté de voir respectés les droits du Parlement.

L’article 44, alinéa 3, de la Constitution, utilisé une seule fois pas l’ancienne majorité au terme de plus de trois semaines de débat relatif à la réforme des retraites, est, vous le savez, une arme atomique à la disposition du Gouvernement pour faire taire le Parlement.

Vous avez cru devoir l’utiliser, alors qu’un tel sujet nécessitait, tout autant que le mariage pour tous, la confrontation des idées, la discussion des amendements. Pourtant, nous aurions dû comprendre vos intentions dès le début de cette discussion.

Nous avons une seule satisfaction, qui est ce soir d’importance : à l’article 1er, nous avons réussi à rétablir la liberté de choix des entreprises pour leur complémentaire santé, comme le prévoyait, du reste, l’accord signé par les partenaires sociaux. Hélas ! vous avez immédiatement brandi l’arme de la seconde délibération pour nous remettre au pas.

Ce soir, et alors même que vous ne cessez d’appeler à la moralisation de la vie publique, vous donnez du Sénat l’image d’un théâtre d’ombres, qui dégrade la réputation du Parlement et des parlementaires qui ont travaillé sur ce projet de loi. Même si leurs opinions ne vous conviennent pas, même si le calendrier allait à l’encontre de vos prévisions, vous n’aviez pas le droit moral d’utiliser une telle procédure.

Le résultat, vous le connaîtrez bien vite. À partir d’un projet de loi qui pouvait apporter des solutions importantes pour dynamiser le monde économique en pleine crise tout en renforçant les droits des salariés, vous avez organisé un simulacre de démocratie, imposant à vous seul, avec le soutien de vos collègues socialistes, un texte qui aurait pu être le fruit d’un consensus non seulement beaucoup plus large, mais aussi sûrement beaucoup plus efficace.

Alors, enfermez-vous dans vos certitudes et privilégiez les longs débats sur les modes de scrutin : cela va certainement passionner les Français et régler une part de leurs difficultés. Nos concitoyens portent déjà un jugement sans appel sur votre capacité à nous sortir de la crise et, une fois de plus, ils apprécieront vos méthodes.

Dès lors, ne vous étonnez pas que les débats tronqués au Parlement se déplacent dans la rue, avec les débordements que nous regrettons et condamnons.

Ce soir, le groupe UMP s’abstiendra sur ce texte, mais condamne fermement l’atteinte particulièrement grave que vous venez de porter aux droits du Parlement.

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