Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 23 avril 2013 à 22h00
Débat sur l'efficacité des conventions fiscales internationales

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Le débat du jour proposé par nos collègues du groupe CRC fait suite à la commission d’enquête sénatoriale, dont le travail fut assidu, et précède celle qui va bientôt se dérouler.

Comme vous le savez, l’objet initial des conventions fiscales internationales est de prévenir les doubles impositions, lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, ainsi que le blanchiment, faciliter la coopération internationale à l’échelon des administrations fiscales et douanières et organiser la coopération entre les différents parquets.

D’emblée, puisque nous sommes entre nous – ce sujet n’a pas l’air de passionner les foules –, reconnaissons-le, les conventions fiscales internationales ne sont pas les outils les plus efficaces contre la fraude et l’évasion. Pis, notre réseau de conventions n’est pas cohérent et crée parfois lui-même les mécanismes de l’évasion fiscale.

La question des prix de transfert est, de ce point de vue, une caricature ! Instrument pour éviter la double imposition, ces conventions deviennent des outils de l’évasion fiscale.

Les prix de transfert, on ne s’en lasse pas ! En droit interne, on en trouve une définition à l’article 57 du code général des impôts. Pour l’OCDE, les prix de transfert sont « les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées. […] Ils se définissent plus simplement comme étant les prix des transactions entre sociétés d’un même groupe et résidentes d’États différents : ils supposent […] le passage d’une frontière. » Il s’agit finalement d’une opération d’import-export au sein d’un même groupe.

D’après les estimations que nous avons recueillies dans le cadre de la commission d’enquête, le commerce intra-groupe représenterait 70 % du commerce international. Sur la base d’une étude des économistes Pak et Zdanowicz portant sur le commerce extérieur des États-Unis, la perte fiscale résultant de ces transferts aurait atteint en 2001 53, 1 milliards de dollars pour les États-Unis et 23, 6 milliards d’euros pour la France, soit 1, 24 % de notre PIB, c'est-à-dire peu ou prou le montant du budget que nous mendions pour la défense nationale ; ce dernier est de 1, 5 % du PIB, comme vous le savez, monsieur le ministre.

Je prendrai quelques exemples ; ce sera sûrement plus parlant. La société suisse Glencore, entreprise minière implantée en Zambie, fait perdre près de 200 millions de dollars à ce pays. Première tricherie : surévaluation des coûts de production. Deuxième tricherie : sous-évaluation des volumes de production. Troisième tricherie : manipulation des prix de transfert, le cuivre produit étant systématiquement vendu à la maison mère en Suisse à un prix inférieur à celui du marché.

Prenons maintenant l’exemple de brasseries implantées au Ghana, qui n’ont évidemment pas à supporter une augmentation de 160 % des droits d’accise ; les sénateurs du Nord savent de quoi je parle. Dans un rapport publié en 2010, ActionAid a révélé le schéma des versements réalisés par ces brasseries africaines.

L’enquête a permis de dénoncer les manipulations suivantes. Première tricherie : redevance en échange de l’utilisation de marques situées aux Pays-Bas ; manque à gagner pour le Ghana : 250 000 euros. Deuxième tricherie : versement pour des frais de gestion à une filiale en Suisse ; manque à gagner pour le Ghana : 200 000 euros. Troisième tricherie : enregistrement des services d’approvisionnement à l’Île Maurice ; manque à gagner pour le Ghana : 790 000 euros.

D’autres exemples témoignent de l’inefficacité de nos conventions internationales : des rasoirs en provenance du Royaume-Uni à 113 dollars l’unité, des seringues hypodermiques venant de Suisse à 140 dollars l’unité – c’est tout de même très cher ! –, ou encore des diamants naturels à 13, 45 dollars le carat, ce qui est franchement très intéressant, mes chères collègues !

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