Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 23 avril 2013 à 22h00
Débat sur l'efficacité des conventions fiscales internationales

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Je n’évoquerai pas le cas des bananes, que chacun connaît : là aussi, par le jeu des prix de transfert, les paradis fiscaux absorbent 80 % du prix, le pays producteur n’en conservant que 20 %. La Cour des comptes évoque ce sujet dans son rapport sur la division des vérifications nationales et internationales.

Étant donné l’importance des profits en jeu, il ne faut pas s’étonner que la possibilité offerte par la sous-direction du contrôle fiscal aux entreprises qui le souhaitent de sécuriser juridiquement leurs prix de transfert, c'est-à-dire de les faire agréer par l’administration, soit peu usitée ! Le succès est mitigé, puisqu’il n’y a eu qu’une vingtaine d’accords par an, ce qui est assez faible compte tenu du nombre d’entreprises concernées. En outre, les contrôles sont minimes.

Néanmoins, l’administration de Bercy, que le monde entier nous envie, ne reste pas inactive. La direction générale des finances publiques, la DGFIP, a développé des coopérations bilatérales. Des jumelages ou appels d’offres ont été menés en Algérie, en Albanie, au Cameroun, en Croatie ou encore, ce qui vaut la peine d’être noté, au Liban. De nouveaux accords de coopération ont été conclus. Un travail est donc réalisé. Par ailleurs, la DGFIP a été élue à la présidence de l’Organisation intra-européenne des administrations fiscales pour 2010-2011, ce qui a permis d’importants échanges d’informations.

Dans cette nuit fiscale marquée par l’inefficacité des conventions internationales, je voudrais saluer les initiatives d’un certain nombre de régions françaises pour augmenter la transparence.

Le 17 juin 2010, la région Île-de-France a été la première région française à prendre une délibération contre les paradis fiscaux. Elle fut ensuite suivie par l’Alsace, qui a voté une mesure de transparence contraignante : elle impose aux banques avec lesquelles elle travaille de faire un reporting pays par pays ; c’est une mesure que nous réclamons à cor et à cri pour les entreprises. Ce reporting est de nature à faire connaître la réalité des activités ; on peut ainsi savoir si la contribution fiscale est juste au regard de la richesse produite. Monsieur le ministre, puisque vous venez, comme moi, de Basse-Normandie, je vous signale que tout reste à faire dans cette région ; nous pourrions travailler ensemble sur le terrain.

Lors de son audition par notre commission d’enquête, le directeur général des douanes et des droits indirects, Jérôme Fournel, a déclaré à plusieurs reprises que nous manquions d’outils juridiques de prévention et de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale et que notre meilleure arme restait encore une coopération qui n’est pas toujours au rendez-vous. Une seule certitude : la multiplication des conventions n’y changera pas grand-chose. Les conventions sont utiles pour limiter les cas de double imposition, pas pour endiguer les flux financiers colossaux mis en évidence notamment par l’Offshore Leaks.

En revanche, je crois fermement que les possibilités de notre droit ne sont pas encore épuisées. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, je pense que nous pourrions commencer par balayer devant notre porte.

Nous pourrions, à notre petite échelle, modifier notre règlement de manière à donner davantage d’importance à l’examen en séance publique des conventions internationales. Nous examinons les projets de loi autorisant leur ratification en procédure simplifiée, c'est-à-dire en quelques secondes, sans étude d’impact. Nous pourrions revoir complètement les modalités d’examen de ces conventions. Cela ne représenterait pas un très gros travail, et notre assemblée a un peu de temps libre, à en juger par l’ordre du jour chaotique de la semaine dernière, où nous n’avons pas siégé le mardi.

Il est également apparu au cours des travaux de notre commission d’enquête qu’il fallait améliorer la formation et les échanges. De ce point de vue aussi, nous avons du travail, car notre marge de progression est extrêmement importante.

Pour conclure, je voudrais vous poser deux questions, monsieur le ministre.

Premièrement, notre collègue Jean-Claude Merceron, sénateur de Vendée, m’a indiqué que certaines entreprises de son département avaient des problèmes avec le Pérou : apparemment, nous n’aurions pas conclu de convention relative à la double imposition avec ce pays.

Deuxièmement – Marie-France Beaufils a vaguement évoqué ce point il y a quelques minutes –, je rentre d’une mission dans les pays du Golfe, que je connais un peu, et il semblerait que la convention fiscale qui nous lie au Qatar prévoie des conditions plus favorables que celle qui nous lie aux Émirats arabes unis. Pourriez-vous m’expliquer la raison de cette différence de traitement entre deux pays voisins et amis ?

Le Sénat travaille sur ces questions. Vous nous trouverez tous unis à vos côtés sur ce sujet important non seulement pour notre morale, mais aussi pour améliorer l’état de nos finances publiques, qui en ont bien besoin.

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