Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même s’il a été demandé par nos collègues du groupe CRC avant la succession d’affaires d’évasion fiscale qui ont récemment ébranlé la France et le monde, ce débat est d’une actualité brûlante.
Ces affaires ont éclaté avec d’autant plus de violence qu’elles reflètent en réalité un problème récurrent, très loin d’être résolu malgré les progrès prétendument réalisés ces dernières années, le problème de la fraude et de l’évasion fiscales, qui sont facilitées par l’existence de juridictions où règne la plus grande opacité et où le niveau d’imposition est extrêmement faible, voire nul.
Comment ne pas s’interroger sur l’efficacité, et même l’utilité, des conventions fiscales, qui étaient jusqu’à présent l’un des principaux piliers de la lutte contre l’évasion fiscale internationale, quand notre ministre de l’économie affirme que c’est notamment à cause de la convention fiscale entre la France et la Suisse qu’il n’a pas pu obtenir d’informations concernant une affaire récente ? Il faut reconnaître que la Suisse est un assez mauvais élève en matière d’application des conventions fiscales prévoyant l’échange de renseignements.
Or c’est bien dans l’application effective de ces accords que réside le véritable obstacle à la transparence ; le mot est lâché, mais il ne convainc personne. En effet, ce n’est pas parce que le nombre de conventions fiscales bilatérales a explosé depuis quelques années que l’efficacité de l’échange de renseignements est garantie.
On peut même se demander si ce n’est pas le contraire qui se produit. L’exemple suisse le montre bien. La Confédération helvétique n’a jamais renoncé à son sacro-saint secret bancaire, contrairement à ce qu’on a pu entendre ici ou là.
Le rapport annuel du Gouvernement portant sur le réseau conventionnel de la France en matière d’échange de renseignements souligne qu’il demeure « un problème [...] dans la coopération administrative avec la Suisse, qui a contesté une part importante [des demandes françaises] au motif qu’elles n’étaient pas “vraisemblablement pertinentes” pour l’application de la législation fiscale française » – le mot est très joli, mais il faudra nous expliquer où est la pertinence en la matière –, « ce qui traduit de [la] part [de la Suisse] une application erronée des standards de l’OCDE ». Malgré l’existence de conventions, les difficultés de l’échange effectif de renseignements sont donc bien réelles et surtout bien connues. C’est un fait.
Dès lors, comment renforcer l’efficacité de ces échanges ? Depuis les révélations récentes, les dirigeants des plus grandes puissances, dans le cadre de l’Union européenne ou du G20, ont tous la même priorité : l’échange automatique d’informations. Voilà donc l’antidote tant attendu contre les maux que sont l’évasion et la fraude fiscales.
Les États-Unis ont montré le chemin à suivre, avec une loi qui leur permettra bientôt d’imposer unilatéralement à tous les établissements financiers du monde l’obligation de transmettre à l’administration américaine toutes les données sur les comptes, mouvements de fonds et revenus des citoyens américains. Combinée à la mise en place de l’union bancaire en Europe, cette loi fait chanceler les pays qui continuaient jusqu’à présent, au sein même de l’Union européenne, à s’accrocher à leur secret bancaire : le Luxembourg, le Liechtenstein ou encore l’Autriche. Et que dire de la banque du Vatican ? Il semblerait cependant que ce pays ne constitue pas un refuge très sûr pour ceux qui veulent gagner beaucoup d’argent…