Garantir l’échange automatique d’informations au niveau mondial, comme semble le souhaiter le G20, si l’on en croit les déclarations faites la semaine dernière à Washington, représenterait certainement un grand pas en avant dans la lutte contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale.
Toutefois, ce ne sera pas suffisant. En effet, si l’échange automatique d’informations parvient à être établi, encore faudra-t-il que l’administration fiscale dispose des moyens suffisants pour traiter efficacement cette masse d’informations.
Or, comme l’a souligné l’excellent rapport de nos collègues de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, les moyens humains et matériels de notre administration fiscale doivent être confortés. Selon la Cour des comptes, les agents de la DGFIP qui travaillent dans les services de contrôle sont aujourd’hui sous-dotés en effectifs par rapport aux services de gestion. De plus, ajoute le rapport de la commission d’enquête, « seuls 1 100 vérificateurs sont affectés dans les trois directions nationales spécialisées dans la fraude complexe ou internationale ».
Si le premier obstacle dans la lutte contre l’opacité que symbolisent les paradis fiscaux est sans doute l’absence d’échange d’informations suffisantes et pertinentes, un autre obstacle, tout aussi important, réside dans la capacité des administrations fiscales à analyser les informations, à réaliser les contrôles nécessaires, mais aussi à s’adapter à la multiplicité des formes de fraude et aux innovations permanentes dans ce domaine.
Le rapport de la commission d’enquête insistait déjà sur la nécessité de « rendre l’administration en mesure de répondre aux nouveaux enjeux de l’évasion fiscale ». Le rapport formulait d’ailleurs plusieurs propositions très intéressantes : « mieux former les contrôleurs fiscaux », notamment à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui sont devenues un important vecteur de fraude, ou encore « créer un corps interministériel d’informaticiens-enquêteurs » ayant les moyens de traiter la variété des fraudes et des montages d’optimisation fiscale.
Enfin, bien que les récentes déclarations du G20 sur l’échange automatique d’informations soient encourageantes, il me semble que le passé nous invite à faire preuve de la plus grande prudence, plutôt que de tomber dans un enthousiasme béat. On se souvient encore du G20 de Londres, en 2009, et des déclarations du Président de la République de l’époque, qui affirmait, pleinement satisfait : « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé !». On sait ce qu’il en est aujourd’hui.