Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 24 avril 2013 à 21h30
Débat sur l'immigration étudiante et professionnelle

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

De fait, plus des trois quarts des étudiants étrangers en France sont inscrits à l’université. Viennent seulement ensuite les écoles de commerce et d’ingénieurs.

Si 18, 6 % de ces étudiants sont issus de l’Union européenne, la majorité vient de pays attachés historiquement et linguistiquement à la France, à savoir du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. Il apparaît plus difficile d’attirer les élites des pays émergents, même si la Chine fournit 10, 3 % du contingent. Les femmes sont majoritaires, puisqu’elles représentent 52, 9 % des étudiants étrangers venant de tous les continents, à l’exception de l’Afrique, où leur proportion n’est que de 42, 8 %.

Ce constat, nuancé, doit l’être encore d’une autre façon. Qui dit immigration dit aussi fuite des cerveaux. On sait par exemple que la moitié des migrants hautement qualifiés se concentrent aux États-Unis, ce qui explique qu’ils obtiennent tant de prix Nobel. L’émigration qualifiée n’induit cependant un préjudice pour le pays source que lorsqu’elle se transforme en émigration durable. Pour volontariste qu’elle doit être, notre politique ne saurait, en la matière, faire fi de cet aspect des choses.

Cela étant dit, la France doit indéniablement se donner les moyens de devenir une destination de premier choix pour l’immigration de haut potentiel en augmentant les moyens alloués à la coopération universitaire et en créant des antennes des établissements d’enseignement supérieur à l’étranger.

De nombreux pays ont développé des stratégies de recrutement d’étudiants internationaux avec des objectifs ambitieux. Certains sont même entrés en compétition pour attirer des étudiants au niveau de masters et doctorats. Ce n’est pas encore notre cas. Chaque établissement d’enseignement supérieur doit pouvoir définir sa propre politique internationale dans le cadre des grandes orientations définies par l’État, Campus France pouvant ensuite aider ces établissements à atteindre leurs objectifs.

Notre pays doit aussi impérativement améliorer les conditions d’accueil – vous l’avez dit, madame la ministre –, souvent déplorables, réservées aussi bien aux étudiants qu’à la main-d’œuvre hautement qualifiée. La généralisation du titre de séjour pluriannuel pourrait être un élément important de cette amélioration, de même que la création d’un titre de séjour permanent pour les doctorants.

Pour que l’immigration estudiantine donne tous les résultats qu’on est en droit d’en attendre, il serait tout aussi indiqué d’améliorer le processus de sélection et d’orientation de ces étudiants, afin de limiter leur taux d’échec, plus élevé que celui des étudiants français. Il n’est sans doute pas tout à fait normal qu’un étudiant recalé à l’entrée de l’université de Rabat puisse venir poursuivre ses études, sans autre forme de procès, à l’université Paris-Sorbonne, où j’enseigne, laquelle, de son côté, ne pratique pas la sélection.

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