Intervention de Jean-Claude Merceron

Réunion du 25 avril 2013 à 15h00
Débat sur la politique européenne de la pêche

Photo de Jean-Claude MerceronJean-Claude Merceron :

Nous nous retrouvons dans la phase finale d’un processus qui a commencé en avril 2009, avec l’adoption par la Commission européenne du Livre vert pour une vision de la pêche en 2020, après analyse de son fonctionnement actuel et de ses enjeux.

Dès le mois de mai 2009, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques organisait au Sénat un débat sur « la politique de l’État en matière de gestion des ressources halieutiques et des pêches », prolongeant le rapport sur « l’apport de la recherche à l’évaluation des ressources halieutiques et à la gestion des pêches », que notre collègue Marcel-Pierre Cléach à rendu public fin 2008.

Au mois de décembre 2009, la France, à l’issue des assises de la pêche lancées par Michel Barnier et clôturées par Bruno Le Maire, alors ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, présentait, en réponse au Livre vert de la Commission européenne, avec son Livre bleu, le constat partagé d’une nécessaire réforme.

Le 16 juillet 2010, le Sénat adoptait, sur le rapport de notre collègue Charles Revet, la proposition de résolution sur la politique commune de la pêche, déposée le 29 juin précédent par Charles Gautier, au nom de la commission des affaires européennes.

La Commission européenne, les 15 juillet, 20 juillet et 7 décembre 2011, validait plusieurs propositions de règlements communautaires, complétées par des rapports et des communications.

Plus près de nous, le Sénat mettait en place un groupe de travail associant les commissions des affaires économiques et des affaires européennes, dont les conclusions ont abouti, en juin 2012, à la proposition de résolution relative à la réforme de la politique commune de la pêche, présentée par nos collègues Joël Guerriau, Odette Herviaux, Gérard Le Cam, Bruno Retailleau et Charles Revet, proposition que nous avons adoptée le 3 juillet dernier.

Je fais ces rappels pour vous faire comprendre, monsieur le ministre, combien le Sénat se veut acteur de la réforme de la pêche européenne.

S’agissant de la politique commune de la pêche, avant d’aborder les questions qui sont primordiales pour la PCP de 2014 à 2020, je voudrais évoquer la situation actuelle de la ressource et porter une rapide appréciation sur la politique suivie.

Selon les chiffres fournis par la Commission européenne, on est passé, de 2004 à 2011, de plus de 90 % à 47 % des stocks en situation de surpêche, alors que, dans le même temps, le nombre d’espèces dont le stock est évalué est passé de 34 à 38. Ont par ailleurs été autorisées, en 2012 et en 2013, des augmentations des quantités maximales de poissons d’une espèce pouvant être prélevées sur une zone et une période délimitées – les totaux admissibles de captures, ou TAC –, tout en respectant l’objectif d’avoir des stocks en référence au rendement maximal durable, ou RMD.

Le RMD est à la fois un changement d’objectif au regard de la PCP de 2003 et une anticipation sur celle que nous essayons d’élaborer.

En effet, il faut le rappeler, la PCP de 2002 avait pour seul objectif le maintien des stocks dans les limites biologiques de leur exploitation durable.

Comme je l’indiquais dans mon intervention à cette même tribune en 2009, la surpêche n’est pas le seul facteur de raréfaction de la ressource. Il convient de bien identifier l’ensemble des causes et leur impact réel.

À bord des bateaux, la conservation des rejets soulève de multiples problèmes, à commencer par la sécurité même des bateaux quand la pêche est trop importante et le salaire des marins-pêcheurs qui auront la charge de la gestion des rejets.

Au débarquement se pose la question des filières, notamment du renforcement de celle des farines animales, mais aussi de celle de l’approvisionnement en matières premières de l’industrie parapharmaceutique autour du marché des Oméga 3.

Par ailleurs, comment seront considérés les rejets débarqués s’ils sont soumis à la réglementation des quotas ? Il est indispensable, monsieur le ministre, que nous parvenions à un compromis avant une valorisation optimale des rejets.

Dans cette perspective, je demande que l’État français s’engage à soutenir une interdiction progressive des rejets, qui ne devrait pas concerner l’ensemble des espèces exploitées et des espèces règlementées ; un élargissement du calendrier pour correspondre à la capacité d’adaptation des filières ; une révision à la hausse des quotas concernés par l’interdiction ; des niveaux d’exemption de minimis adaptés à la réalité de chaque pêcherie, à fixer lors de la mise en place de plans de gestion.

Ces niveaux pourraient se situer entre 7 % et 9 % ; je sais que le Parlement européen y est opposé, mais le zéro absolu est à mon avis un non-sens économique et il conduira, de surcroît, à une augmentation de la fraude, dont le contrôle sera difficile.

L’État doit enfin s’engager à soutenir l’introduction de mécanismes de flexibilité facilitant la mise en place de l’interdiction des rejets, l’aide à la recherche pour améliorer la sélectivité des engins de pêche et le soutien à un renouvellement de la flotte par des bateaux plus performants et plus éco-responsables.

S’agissant des quotas individuels transférables, les QIT, il semble que les concessions de pêche transférables ne soient plus un sujet, le Parlement européen entendant supprimer cet instrument et la Commission ne souhaitant pas le rendre obligatoire. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ? Savoir que la France ne s’engage pas dans cette direction nous rassurerait !

J’en viens à l’extension dès 2015 du rendement maximal durable, le RMD, à toutes les espèces.

Le RMD est un système de gestion à long terme de la pêche communautaire visant à garantir une exploitation des ressources halieutiques dans des conditions économiques, environnementales et sociales durables.

L’objectif partagé est, à terme, la reconstitution de stocks qui seront de surcroît en capacité de se renouveler. Ce système favorisant une augmentation des captures pour des durées de sortie réduites des bateaux, la compétitivité de la pêcherie européenne serait accrue.

Il faut être réaliste et pragmatique. En effet, certaines pêcheries ont des stocks qui se trouvent déjà au niveau du RMD. C’est le cas pour le cabillaud en mer Celtique, ou pour la sole en Manche Ouest.

Cependant, d’autres stocks exigent plus de temps pour atteindre l’objectif : la fixation de l’année 2020 semble un bon compromis, qui doit être intégré dans le règlement de base.

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