Intervention de Jean-Pierre Bel

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 5 décembre 2012 : 1ère réunion
Réunion commune avec le cese : affronter les défis du long terme inventer une nouvelle planification

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel :

Président du Sénat. - Monsieur le Président du CESE, Monsieur le Président de la commission des lois, Messieurs les Présidents des délégations à la prospective du Sénat et du CESE, Mesdames et Messieurs les sénateurs, Mesdames et Messieurs, je vous prie d'accepter mes excuses. En effet à peine aurai-je terminé cette brève introduction que je devrai m'éclipser en raison de contraintes liées à ma fonction. Je le ferai néanmoins le coeur plus léger sachant que Monsieur le Premier ministre, mon collègue Vice-Président du Sénat, Jean-Pierre Raffarin, demeurera présent à vos côtés.

C'est avec grand plaisir que le Sénat accueille cette réunion sur les défis du long terme et la nécessité d'une vision stratégique pour guider les décisions politiques, organisée conjointement par les délégations à la prospective du Sénat et du CESE.

Ce sujet s'avère particulièrement d'actualité puisque le Premier ministre a reçu hier, de la part de Madame Yannick Moreau, Présidente de la section sociale du Conseil d'Etat, le rapport de la mission qui lui avait été confiée sur les modalités de la création d'un nouveau commissariat à la stratégie et à la prospective. Il est également d'actualité car il est nécessaire de prendre de la hauteur par rapport au temps médiatique, qui ne favorise pas la prise en compte du long terme, et par rapport aux évolutions de plus en plus rapides de la société. La désindustrialisation de notre pays, le réchauffement climatique, la hausse des prix des matières premières énergétiques et alimentaires permettent de constater les difficultés que nous rencontrons pour anticiper et même pour réagir à temps et avec la force nécessaire à des phénomènes qui semblent nous prendre de vitesse. Dans le cadre de mes réflexions sur l'avenir du bicamérisme et de cette assemblée, j'ai toujours considéré qu'il était de notre responsabilité de donner au Sénat une dimension spécifique, notamment par rapport à l'Assemblée nationale, et d'essayer de nous situer dans une vision plus prospective et de long terme. Cette nécessité me semble d'autant plus impérative que la question de la prospective se pose aujourd'hui pour plusieurs raisons.

Rappelons-nous tout d'abord que la planification française a montré par le passé qu'elle pouvait être « réducteur d'incertitudes », selon les mots du Commissaire au plan Pierre Massé. Elle a permis la réalisation de succès industriels et la création de champions nationaux et européens, par exemple dans les secteurs de l'énergie, de l'aéronautique et du spatial. Les ambitions industrielles d'alors demeurent d'actualité : assurer l'indépendance énergétique de la France, encourager le développement d`industries nouvelles, fournir un cadre approprié à l'évolution des structures et aux réformes indispensables de notre tissu industriel.

Il ne s'agit pas de répéter les propos ou actions engagés hier. Nous vivons aujourd'hui dans une économie globalisée, très ouverte, mais aussi encadrée par des règles européennes et mondiales. Nous avons l'obligation, pas seulement politique ou économique, mais morale, de redresser nos finances publiques. Il ne paraît plus possible de faire porter à l'Etat, comme ce fut le cas durant les années 1960 et 1970 et même plus récemment dans certains pays asiatiques, le lancement de nouvelles filières industrielles nécessitant des investissements de départ considérables et plusieurs années pour atteindre un seuil de rentabilité. Ces efforts ne peuvent s'envisager qu'à l'échelle européenne. J'ajoute que nous devons les favoriser dans ce cadre, particulièrement en cette période de difficultés économiques et tandis que le projet européen doit trouver un nouveau souffle. Pour autant, l'Etat ne saurait demeurer cantonné à un rôle d'observateur ou de régulateur des forces du marché. L'Etat peut arrêter une stratégie, définir des priorités, dégager des moyens et encourager les initiatives. Nous l'avons vu avec les investissements d'avenir, qui ont été un exercice de prospective, et je salue Michel Rocard qui fut l'un des principaux artisans pour en définir les priorités.

Nous avons besoin, dans une période où les événements s'accélèrent, d'élaborer des stratégies à moyen et long termes, qui ne se limitent pas à la prise en compte des contraintes immédiates et ne s'égarent pas dans des considérations purement théoriques. Nous avons besoin qu'une instance de prévision, de réflexion, de concertation puisse également impulser la réalisation de nouveaux projets. La représentation parlementaire et les partenaires sociaux doivent avoir leur place dans ce travail d'évaluation et de prospective qui sert l'intérêt national. Je souhaite que nous puissions, avec les délégations à la prospective du Sénat et du CESE, réfléchir aux outils qui permettront d'insuffler un nouvel état d'esprit et de relever les défis de demain. Mesdames et Messieurs, je vous souhaite de fructueux travaux et vous remercie.

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