Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement.
Le débat démocratique n’a pas eu lieu au Parlement sur le projet de loi dit « de sécurisation de l’emploi », qui, contrairement à ce que laisse croire son nom, est un projet de loi de fragilisation des droits des salariés dans l’entreprise.
Le débat démocratique n’a pas eu lieu pour trois raisons principales.
Premièrement, le texte soumis aux parlementaires a été présenté d’emblée comme étant à prendre ou à laisser : l’accord passé entre certains partenaires sociaux – je rappelle ici que la première et la troisième confédérations syndicales n’ont pas signé ce texte – devait s’imposer à la représentation nationale, comme l’a explicitement indiqué le Président de la République, de même que Mme Parisot, présidente du MEDEF, et conformément à ce que vous aviez dit vous-même, monsieur le ministre.
Une telle démarche est contraire à l’esprit et à la lettre de la Constitution puisque, aux termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, une partie de la nation, si importante soit-elle, ne peut imposer ses vues à l’ensemble de la nation, que les parlementaires ont vocation à représenter.
La voie choisie, consistant à imposer un accord très loin de faire l’unanimité, est dangereuse pour l’avenir de la démocratie parlementaire. Les deux assemblées, après avoir été dessaisies du pouvoir budgétaire, confié aux libéraux européens, vont-elles être, à l’avenir, dessaisies de la politique sociale ?
Monsieur le ministre, ce n’est pas un débat doctrinal de salon : c’est une question politique fondamentale.
La volonté d’imposer au Parlement un accord social s’est soldée par un échec. Seule une majorité relative de députés, puis de sénateurs, a voté ce texte, et seule la bienveillance de la droite en a permis l’adoption.
Deuxièmement, le Gouvernement a opté pour la procédure accélérée, qui limite l’examen du texte à une lecture par assemblée.
L’importance et la technicité de ce projet de loi auraient justifié que cette procédure, dénoncée par toute la gauche sous Nicolas Sarkozy, ne soit pas utilisée. Y avoir recours est d’autant plus regrettable que l’article 44, alinéa 3, de la Constitution a été mis en œuvre par le Gouvernement. Car ce fut là la troisième atteinte au débat démocratique sur ce texte. En effet, au Sénat, le vote bloqué a coupé court au débat.
De fait, la combinaison du vote bloqué et de la procédure accélérée prive le Sénat de tout débat réel sur l’ensemble du texte. Cette combinaison de deux procédures entraîne, selon nous, une violation de la Constitution.
Cette remarque nous apparaît d’autant plus fondée que le vote bloqué a été « dégainé » par vous-même, monsieur le ministre, après moins de quarante-huit heures de débat sur les articles du projet de loi. Faut-il rappeler que Lionel Jospin n’avait jamais utilisé une telle procédure, même à l’encontre de l’opposition, et que François Fillon ne l’a utilisée sur les retraites qu’au bout de trois semaines de discussion ?