Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 14 mai 2013 à 14h30
Sécurisation de l'emploi — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Certes, vous avez prévu, pour donner l’illusion que les salariés ne seraient pas les seuls à être mis à contribution, que les dirigeants et les actionnaires le seraient aussi. Mais ce parallélisme est un leurre.

Tout d’abord, la contribution de ces derniers doit être prévue « dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance ». Comme si les actionnaires allaient se faire hara-kiri !

Mais surtout, on ne peut pas comparer les deux situations : d’un côté, des actionnaires qui détiennent toutes sortes d’actions dans leur portefeuille, qui perçoivent des dividendes de plusieurs entreprises et qui, s’agissant des cadres dirigeants, cumulent parfois dividendes, actions gratuites, stock-options, jetons de présence et rémunérations ; de l’autre côté, des travailleurs qui n’ont que leur salaire pour vivre !

De la même manière, à l’opposé de la promesse formulée par le candidat Hollande de rendre les licenciements boursiers plus coûteux, vous réduisez le coût de tous les licenciements en favorisant la réparation forfaitaire – que les employeurs réclament depuis des années – au détriment de la réparation intégrale des préjudices.

Les procédures de licenciement collectif seront même simplifiées, là encore, dans le seul intérêt des employeurs, qui n’auront plus à prouver la réalité économique des licenciements.

Pourtant, ce sont elles qui engendrent le plus de contentieux et, par voie de conséquence, donnent lieu aux indemnisations les plus importantes. Là encore, obéissant aux injonctions du MEDEF, vous avez sécurisé non pas l’emploi mais le licenciement, de telle sorte que, demain, les salariés ne pourront plus contester collectivement la réalité économique du licenciement.

D’ailleurs, comment le pourraient-ils quand l’autorité administrative chargée d’homologuer la procédure se limitera, elle-même, à de simples contrôles ? Des contrôles au demeurant particulièrement limités compte tenu des effectifs des DIRECCTE – les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – et des délais dérisoires prévus dans ce projet de loi.

De plus, alors que, en l’état actuel du droit national et international, les licenciements individuels pour motif économique sont requalifiés en licenciement collectif à partir de dix salariés, un employeur pourra licencier en France sans limite, pour un même motif prétendument économique, au cours du même mois, sans que jamais ces licenciements puissent être qualifiés d’économiques ! Voilà, en vérité, un bien joli cadeau au patronat, ainsi dispensé de tout effort particulier en matière de reclassement, de formation ou de priorité de réembauche.

Enfin, ce texte impliquera, lors d’une procédure de contestation d’un plan de licenciement collectif, que le silence d’une juridiction entraîne la transmission automatique de l’affaire à la juridiction supérieure. Cela revient, ni plus ni moins, à organiser un déni de justice ! Vous privez ainsi, le cas échéant, les salariés du droit, dont disposent tous les autres justiciables, à un double degré de juridiction.

À l’issue de cette procédure parlementaire, qui a apporté bien peu de changements, les salariés se verront reconnaître moins de droits que les autres créanciers des patrons. Alors que les banquiers, par exemple, pourront demander réparation pendant cinq ans, les salariés, eux, n’auront plus que trois ans pour le faire, comme si les droits de la finance devaient l’emporter sur ceux des travailleurs !

Cette situation a même ému le rapporteur pour avis de la commission des lois ; néanmoins, bien qu’hostile à cette mesure, tout comme l’ensemble de la commission, il n’a pas déposé d’amendement : une inaction que l’on s’explique mal, eu égard au contenu de son intervention dans la discussion générale, sinon par la volonté de ne pas embarrasser le Gouvernement.

Nous éprouvons une pareille incompréhension à l’égard de notre collègue Catherine Génisson qui, en qualité de rapporteur pour avis au nom de la délégation aux droits des femmes, reconnaît explicitement dans son rapport que l’article 8, relatif au temps partiel, constitue en l’état une discrimination indirecte. Mais elle ne s’y est pas opposée et n’a proposé aucune rédaction alternative.

C’est donc, mes chers collègues, un texte anticonstitutionnel que vous vous apprêtez à adopter. Comme pour le bonus-malus en matière d’énergie, vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été prévenus ! Nous en tirons, pour notre part, toutes les conclusions et voterons contre ce projet de loi. §

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