Monsieur le ministre, malgré les affirmations maintes fois répétées au cours de nos débats, le présent projet de loi ne contient aucun droit effectif nouveau.
L’article 1er permet aux salariés jusqu’alors non couverts par une assurance santé complémentaire d’y accéder d’ici à 2016, mais cela se fait au détriment de la sécurité sociale. Vous faites le choix de favoriser l’accès à des mécanismes complémentaires, qui sont censés venir compléter le régime obligatoire de base, tout en le ponctionnant de plus de 2 milliards d’euros.
Comment votre gouvernement fera-t-il demain pour respecter une évolution de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, au moins égale à celle de cette année, qui est déjà notoirement insuffisante ?
L’ampleur des déremboursements réalisés par le précédent gouvernement est telle que, malgré cette mesure, les salariés seront contraints de souscrire demain des contrats surcomplémentaires, payés à leurs seuls frais, pour compenser ce que ni la sécurité sociale ni la mutuelle complémentaire ne prennent en charge.
Plutôt que de développer l’accès aux contrats complémentaires, dont la couverture sera inférieure à celle qui est prévue par la CMU-C, la couverture maladie universelle complémentaire, il aurait été plus judicieux, plus solidaire et plus efficace de rompre avec les politiques massives d’exonérations de cotisations sociales et de développer la sécurité sociale, dans l’esprit du Conseil national de la résistance, afin de permettre enfin une prise en charge à 100 %.
De la même manière, l’article 3, relatif à la mobilité volontaire, ne constitue ni une mesure sécurisée ni un droit supplémentaire effectif. Nous craignons qu’il n’en aille comme pour la rupture conventionnelle.
Présentée comme étant un droit nouveau pour les salariés, la mobilité volontaire constitue d’abord et avant tout, on le sait aujourd’hui, un outil supplémentaire de flexibilité pour le patronat.
En outre, l’accès à ce dispositif est conditionné, pour les salariés qui en seraient effectivement demandeurs, à l’autorisation de l’employeur, lequel pourra refuser d’octroyer ce droit deux fois de suite. Après la troisième demande, l’employeur pourra proposer au salarié non pas une mobilité volontaire, mais l’accès à un congé individuel de formation.
L’article 4 quant à lui prévoit la consultation des comités d’entreprises sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Toutefois, à la demande du MEDEF, les CE devront participer financièrement à l’expertise technique et comptable. Autant dire que, faute de ressources, nombre d’entre eux y renonceront, d’autant que leur avis n’est en rien contraignant.
Dans le même temps, vous prévoyez de réduire la portée des CHSCT, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Enfin, les femmes sont, une nouvelle fois, les grandes oubliées de ce projet de loi, pour ne pas dire les principales victimes de l’article 8, relatif à l’encadrement du travail à temps partiel.
Alors qu’elles constituent près de la moitié de la population active, qu’elles comptent pour moitié dans le taux de chômage et qu’elles représentent 80 % des travailleurs précaires, des travailleurs pauvres et des salariés à temps partiel, aucune mesure n’est prise pour réduire considérablement le recours aux contrats précaires.
Nous vous avons pourtant proposé des solutions raisonnables, mesures que le Sénat de gauche avait adoptées en 2012 sur l’initiative de notre collègue Claire-Lise Campion. Or ce qui était possible hier ne l’est plus aujourd'hui, comme si le changement promis avait balayé les exigences et les propositions que nous avions formulées conjointement !
C’est d’autant plus regrettable que, en moyenne, pour qu’une femme gagne autant qu’un homme, à compétences égales, il lui faut travailler 79 jours de plus. Malgré ce constat que personne ne peut ignorer, vous avez refusé chacune de nos propositions.
Croyez bien que nous le regrettons, et nous le regrettons d’autant plus que les timides avancées contenues dans ce projet de loi ne sont elles-mêmes que des leurres.
Le texte prévoit que la durée de travail des salariés à temps partiel ne pourra pas être inférieure à 24 heures. C’est positif, mais, à peine le principe est-il posé que le droit ainsi créé est tempéré à l’alinéa suivant, lequel prévoit qu’un accord collectif pourra décider l’annualisation de la durée de travail. Or l’annualisation constitue, ou peut constituer, une technique de contournement de la loi, comme l’a souligné Catherine Génisson dans son rapport.