Intervention de Jacques Auxiette

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 15 mai 2013 : 1ère réunion
Régions et ferroviaire — Audition de M. Jacques Auxiette président du conseil régional des pays-de-la-loire chargé d'une mission de concertation sur les régions et le ferroviaire

Jacques Auxiette :

Je vous remercie. Voici d'abord l'état d'esprit dans lequel nous avons travaillé, ainsi que les principes que nous avons retenus. Je ne suis pas un spécialiste du ferroviaire, ni un technicien de la SNCF : je ne suis qu'un élu local. J'ai présidé le GART pendant douze ans, avec un mot d'ordre : renforcer la notion d'autorité organisatrice. L'une des difficultés d'aujourd'hui résulte de l'absence de pilote politique, quels qu'aient été les pouvoirs en place, dans le secteur ferroviaire.

Auparavant, l'État était la seule autorité organisatrice. Mais il a toujours abandonné ses responsabilités politiques en matière de stratégie ferroviaire. Aujourd'hui, et depuis plus de dix ans, les régions françaises assument cette responsabilité. La régionalisation des transports a commencé de façon expérimentale en 1997, dans six régions dont les Pays-de-la-Loire, avant d'être généralisée en 2002. Notre interrogation a été la suivante : quelle étape supplémentaire franchir ?

Depuis la régionalisation, huit milliards d'investissement ont été réalisés par les régions en matériel roulant. Sur la période 2015-2020, on identifie quatre milliards de commande potentielle, pour les TER et les TET. Ces montants rappellent que le ferroviaire n'est pas seulement un service, mais aussi une filière industrielle. En 2011, les régions ont dépensé plusieurs milliards pour le fonctionnement des TER, afin de faire rouler 13 000 trains (Île-de-France comprise). Ce dernier chiffre est à comparer au nombre des TGV, qui est de l'ordre de 850.

Ce rapport a fait l'objet d'un travail au sein de la commission infrastructures et transports de l'ARF (association des régions de France), dont je suis président depuis 2010. Deux éléments en ont constitué la toile de fond : la nécessité de conforter la notion d'autorité organisatrice, pour l'État comme pour les régions, ainsi que la nécessité de proposer une organisation « eurocompatible ». Tous les syndicats rencontrés ont été d'accord sur ce point : ce qui sera adopté à l'issue de la réforme ne devra pas être remis en cause six ou douze mois plus tard par le quatrième paquet ferroviaire.

L'autorité organisatrice est une autorité politique. Je siège depuis peu avec Jean-Paul Huchon au conseil d'administration de RFF. L'une de nos premières réunions, début janvier, avait pour objet l'adoption du budget pour 2013, qui prévoyait une augmentation de la dette de 3,4 milliards, avec une courbe d'évolution la conduisant à 60 milliards d'ici dix ans. Nous avons été les premiers, dans l'histoire de RFF, à ne pas voter en faveur de ce budget. Avec notre expérience d'élus locaux, nous savons que ce qu'on emprunte devra à terme être remboursé. L'appareil ferroviaire ne doit pas rester entre les mains des fonctionnaires.

Le rapport est structuré autour de cinq grands thèmes : le rôle de l'État et du Parlement, d'une part, celui des régions, d'autre part, par rapport à RFF et à la SNCF ; l'organisation du système ferroviaire, qui ne figurait pas dans la lettre de mission mais ne pouvait être ignorée - dans ce domaine, nous avons réalisé un travail autonome par rapport à celui de Jean-Louis Bianco, et nous avons abouti à un résultat qui n'en diffère pas sensiblement ; la gouvernance et le contrôle, avec les conditions d'exercice de l'ARAF (Autorité de régulation des activités ferroviaires) et la question de la transparence ; enfin, la notion de filière industrielle. Je siège aussi au sein de Fer de France, organisme de promotion de la filière né des Assises du ferroviaire.

Notre objectif n'a pas été de nous opposer ou de faire plaisir à certains, mais d'imaginer un système qui fonctionne. Un tel service ne peut pas se gérer sans difficultés. J'étais tout à l'heure avec le président Malvy, qui évoquait les grandes difficultés qu'il rencontre sur son territoire. Vous avez par ailleurs vu les déclarations de M. Percheron relatives à la tarification du TGV entre Lille et Paris. Je suis conscient de ces difficultés.

L'organisation du système telle que nous l'avons imaginée, et qui fait à peu près consensus, est la suivante. Il y aurait, d'un côté, la SNCF, exploitant ferroviaire, avec, je le rappelle, un chiffre d'affaire de l'ordre de 34 milliards d'euros, 900 filiales, et des fonctions clairement identifiées. De l'autre côté, RFF, doté aujourd'hui de 1500 salariés, deviendrait le gestionnaire d'infrastructures unifié (GIU), avec les 35 000 cheminots de SNCF Infra, et les 15 000 cheminots de la direction de la circulation ferroviaire. Je regrette qu'il ait fallu attendre 2013 pour modifier le système établi en 1997, qui constitue un élément d'inorganisation industrielle, avec des facturations et des surfacturations entre les deux pilotes. Le GIU correspond aux orientations européennes : il permet d'identifier le patrimoine national nécessaire pour faire rouler les trains.

A ce propos, je rappelle que les quais de gare relèvent de plusieurs propriétaires : la SNCF pour les bords, RFF pour l'intérieur des quais. Cette situation est ingérable pour les collectivités qui veulent acquérir du patrimoine et implique des délais de décision qui peuvent aller jusqu'à trois ou quatre années. C'est la raison pour laquelle il me semble nécessaire de clarifier la question du patrimoine du GIU, qui est propriété de la Nation. J'y inclus les gares, mais je sais que cela ne fait pas consensus.

En Angleterre d'ailleurs, tout ce qui relève de l'infrastructure appartient au patrimoine national.

A cette organisation, j'ajoute un volet pour concrétiser l'exigence que je vous ai indiquée en préambule : instituer un pilotage politique du système ferroviaire français. L'idée serait de mettre en place un pôle public ferroviaire, piloté par les instances politiques, avec notamment la responsabilité d'assurer une gestion unifiée des ressources humaines, ce qui renvoie au débat sur le statut des cheminots. Le pôle aurait également la responsabilité d'être le chef de file de la filière industrielle, qui suppose de coordonner recherche, innovation, ouverture européenne et internationale, pour que le patrimoine et les compétences ferroviaires de la France puissent être exportés à l'international. Trois établissements publics à caractère industriel et commercial existeraient dans cette structure. C'est ce qui nous semble pouvoir le mieux fonctionner sans création d'une usine à gaz. Cette structure faîtière gèrera l'ensemble du dispositif, en ne confondant pas ceux qui exploitent et font rouler les trains d'une part, ceux qui définissent la politique ferroviaire d'autre part.

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