Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire

Réunion du 15 mai 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • BPI
  • SNCF
  • doctrine
  • ferroviaire
  • métropole

La réunion

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La commission procède à un échange de vues sur le projet de loi n° 495 (2012-2013) de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Nous examinerons la semaine prochaine le rapport détaillé de Jean-Jacques Filleul sur les huit articles du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dont notre commission s'est saisie pour avis.

Toutefois, compte tenu de l'importance des sujets inclus dans ce texte et de la compétence généraliste de notre commission en matière d'aménagement du territoire, j'ai souhaité que nous ayons, dès cette semaine, un premier échange de vues sur l'ensemble du projet de loi.

Je vous indique d'ailleurs que le compte rendu de nos propos figurera en annexe du rapport de Jean-Jacques Filleul, auquel je laisse maintenant la parole pour qu'en introduction de nos débats, il nous rappelle les principaux éléments du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Comme vous le savez et comme nous l'a rappelé la ministre Marylise Lebranchu lors de son audition devant notre commission le 16 avril, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui - sur la modernisation de l'action publique et l'affirmation des métropoles - est issu de la division en trois du texte initialement prévu.

Si l'on peut naturellement comprendre le souci du Gouvernement de ne pas soumettre au Parlement un texte trop volumineux, il n'en demeure pas moins que cette séparation n'est pas parfaitement satisfaisante car elle nous nous prive d'une vision globale de la réforme.

Or, comme l'ont montré les états généraux de la démocratie territoriale, organisés à l'initiative du président Jean-Pierre Bel à l'automne dernier, il est tout à fait nécessaire de procéder aujourd'hui à une réforme de notre fonctionnement territorial dans le but essentiel d'améliorer l'efficacité de l'action territoriale au profit de nos concitoyens. C'est l'objectif que nous devons nous fixer et que je retiendrai comme fil directeur pour mon rapport.

Nous examinerons la semaine prochaine le détail des différents articles dont nous nous sommes saisis, c'est-à-dire : les articles 3, 4 et 5 qui fixent le cadre général de cette réforme ; les articles 15 à 17 sur le STIF et la Société du Grand Paris ; l'article 31 sur les compétences des métropoles ; l'article 35 sur les pouvoirs de police en matière d'assainissement et de collecte des déchets.

Pour notre échange de vues, et au regard de notre compétence « aménagement du territoire », il me semble que nous devons nous concentrer sur les articles 3, 4 et 5.

L'article 3, d'abord, définit les collectivités chefs de file pour assurer la coordination de l'action publique locale dans des domaines de compétence particuliers : les régions pour le développement économique et l'organisation des transports ; les départements pour l'action sociale, le tourisme, l'aménagement numérique et la solidarité des territoires ; le bloc communal pour la qualité de l'air et la mobilité durable.

Comme certains d'entre vous j'en suis sûr, cette répartition ne me satisfait pas pleinement. Nous devrons donc en discuter.

L'article 4 instaure les conférences territoriales de l'action publique, qui se déclineront en deux formations : l'une destinée au dialogue entre les collectivités territoriales, présidée par le président du conseil régional, et l'autre consacrée aux échanges entre l'Etat et les collectivités territoriales, coprésidée par le préfet et le président du conseil régional.

Elles se substitueront aux conférences des exécutifs mises en place par la loi de 2004 et verront leurs pouvoirs renforcés. L'article 4 détermine précisément la composition des conférences territoriales, leurs missions ainsi que leurs règles de fonctionnement.

Ce degré de précision n'est peut-être pas le plus opportun, compte tenu de la diversité de nos territoires. Doit-on rester dans ce cadre précis, ou laisser davantage de place à l'expérimentation locale ? Nous sommes ici pour en débattre.

L'article 5 crée le pacte de gouvernance territoriale, qui consiste à regrouper l'ensemble des schémas d'organisation conclus par les collectivités pour régler les questions de délégations de compétences, de mutualisation des services et de coordination de leurs actions respectives.

Là encore, le caractère très complexe et détaillé de cet article fait craindre la mise en place d'une véritable « usine à gaz » - le mot n'est pas de moi -, et, au contraire de l'objectif recherché, un alourdissement de l'action publique.

Ce dispositif comporte également des sanctions, durcissant les règles applicables aux financements croisés et à la participation minimale du maître d'ouvrage dans le financement des investissements, pour les collectivités qui n'auraient pas adopté le schéma proposé.

Je souhaite pouvoir entendre vos remarques sur ces différents points.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Je voudrais rappeler le débat sur la réforme précédente qui avait abouti, dans la douleur, à l'adoption de la loi du 16 décembre 2010. A l'époque, le texte prévoyait déjà la création des métropoles, mais sans élément de souplesse pour tenir compte de la diversité des territoires. Aujourd'hui, le projet de loi introduit, enfin, cette nécessaire souplesse : l'article 31 prévoit la création d'un nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre - la métropole - qui devrait logiquement se mettre en place dans un certain nombre de grandes villes.

Mais le texte permet aussi de prendre en compte les différences de situations. Ainsi, l'article 12 crée la Métropole de Paris sous forme d'établissement public, l'article 20 définit la Métropole de Lyon comme collectivité territoriale à statut particulier et l'article 30 institue la Métropole d'Aix-Marseille-Provence comme établissement public de coopération intercommunale.

Il s'agit donc d'une avancée importante, car elle permet de prendre en compte la diversité de nos territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je salue l'honnêteté du rapporteur qui évoque à juste titre le terme d'« usine à gaz ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

J'ai cru comprendre que cet avis est relativement partagé par la commission des lois. En termes de gouvernance, on nage dans l'hypocrisie et la complexité. Ce texte ne tranche pas entre clause générale et blocs de compétences ; en ce qui me concerne, je suis plutôt favorable à cette seconde approche.

Au lieu de cela, il prévoit de mettre en place une « usine à gaz » avec deux conférences territoriales censées faire fonctionner le tout. En arrière-plan se dessine surtout le risque d'une mise sous tutelle des communes et des départements par les présidents de région. Je suis donc plus que réservé sur cette partie du projet de loi.

Quant à l'optimisme de Michel Teston sur la souplesse du texte, nous aurons l'occasion d'en reparler la semaine prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Ce texte est quand même plus souple que la loi précédente !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Si j'avais choisi d'intervenir sur la question des métropoles ce matin, j'aurais également parlé de souplesse. Je vous proposerai d'ailleurs d'aller au-delà du texte du gouvernement, pour permettre une vraie prise en compte des réalités territoriales.

La rigidité et la vision technocratique apparaissent surtout à l'article 5. Il faudrait se diriger vers un système plus conventionnel, faisant davantage confiance aux élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

J'émets des réserves sur ce projet de loi, qui prône une clarification et une simplification, mais se maintient plutôt dans la lourdeur. Il y a un vrai décalage entre le titre ambitieux et la réalité du texte. Celui-ci va sans doute évoluer, vu le nombre d'amendements annoncés en commission des lois. Et je dois dire que j'attends ces amendements avec impatience, car la version actuelle manque de vision.

J'ai assisté à un grand nombre d'auditions. Certaines associations - comme l'association des maires de France ou l'association des régions de France - ont eu des mots très durs, dont il faut sans doute tenir compte.

D'emblée, le découpage de cette réforme en trois textes est discutable. Sans vision d'ensemble, on peine à voir où tout cela nous mène.

En ce qui concerne la répartition des compétences entre les chefs de file, on a bien du mal à s'y retrouver. Comment articuler la mobilité durable dévolue au bloc communal avec la compétence de la région en matière de transports ? Par exemple, en Ile-de-France, on se retrouve avec un plan de mobilité pour la métropole tandis que la qualité de l'air et les transports sont gérés au niveau régional.

Enfin, ce texte donne l'impression que l'on instaure un tutorat sur les collectivités.

Le pacte de gouvernance territoriale suppose un accord entre élus de sensibilités politiques différentes, sous peine de sanction financière. Il favorise donc mécaniquement les plus grosses formations politiques.

Ensuite, se pose un problème de représentativité : par exemple, dans mon département de Seine-Saint-Denis, nous aurions au final cinq intercommunalités, soit un élu pour 300 000 habitants siégeant au conseil de la Métropole.

Il est donc légitime de s'interroger sur la philosophie globale du texte. L'association des régions de France se demande d'ailleurs si la conférence territoriale d'action publique ne constitue pas un « conseil régional bis ». Beaucoup de questions se posent ; un renvoi en commission serait utile pour en permettre une étude plus approfondie.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Nous sommes au pied du mur. J'étais président de l'association des régions de France à l'époque de l'acte II de la décentralisation engagée par le gouvernement Raffarin. Aujourd'hui, j'entends à nouveau les mêmes choses avec des interlocuteurs différents.

Il faut savoir ce que nous voulons. Si l'on ne pense pas que les objectifs sont l'équité générale entre les citoyens, la modernisation du pays et l'utilisation plus efficiente de l'argent public, alors je pense que le débat n'a pas d'intérêt.

Tout le monde souhaite une réforme. Mais nous devons aujourd'hui constater que nos associations - l'association des maires de France, l'association des départements de France, l'association des régions de France - ne sont pas parvenues à s'entendre pour proposer unanimement un projet qui simplifierait le travail du législateur. Alors mettons-nous au travail, puisque c'est notre responsabilité.

La question du chef de file s'était déjà posée en 2003. Le gouvernement de l'époque ne l'avait pas tranchée, et le gouvernement actuel ne va pas le faire non plus. Il est donc nécessaire aujourd'hui d'en définir clairement les contours juridiques.

En tant que législateur, notre responsabilité consiste à faire en sorte que chaque acteur dispose de compétences précises et puisse les mettre en oeuvre. Je suis favorable à un schéma prescriptif. Sur quels domaines porte principalement le débat ? En matière de sport et culture. Par exemple, il semble légitime de maintenir une compétence générale.

En revanche, le développement économique ne peut souffrir d'une confusion. Je prends l'exemple de la métropole rouennaise, plus importante en termes démographiques et économiques que le reste de la région. Si on laisse à la métropole une compétence en développement économique, on créée un déséquilibre dans la mesure où la région s'occuperait seulement du territoire extra-métropolitain. On place donc les entreprises dans une situation infernale, avec potentiellement deux interlocuteurs. Il faut donc une clarification du bloc de compétences économiques. Le projet de loi initial prévoit d'ailleurs de réserver les questions immobilières et foncières au bloc communal, et de laisser le développement économique à la région.

La deuxième difficulté concerne les transports. Entre la région qui gère les TER, le département qui s'occupe des lignes régulières, la métropole responsable du transport urbain, il est difficile de s'y retrouver sans chef de file pour organiser l'intermodalité. En Haute-Normandie, nous mettons en place un titre de transport partagé par une quinzaine d'autorités organisatrices de transports. Mais tant qu'aucune d'entre elle ne porte juridiquement ce titre de transport, on reste dans l'illégalité.

Je suis donc d'accord avec mon collègue Michel Teston : ce texte apporte de la souplesse. Je suis président de région depuis quinze ans. En pratique, nous avons déjà mis en place des conférences territoriales sur notre territoire et cela fonctionne. Nous décidons ensemble et de façon transparente, pour donner de la cohérence à l'action publique locale. Je crois que sur beaucoup de sujets, nous avons besoin de telles instances de concertation.

Aussi, j'en conjure chacune et chacun ici : faisons cette loi. Le pays en a besoin car il est actuellement tétanisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je crois que ce projet de loi est un signal d'alerte, comme en témoigne l'extrême difficulté de sa préparation. Les réseaux de collectivités n'ont pas été capables de se mettre d'accord. Ce sujet dépasse largement les clivages politiques et il existe un consensus sur l'incapacité des uns et des autres à dépasser leur propre intérêt pour arriver à une réforme lisible. Ce texte est donc un signal d'alerte : la société française peine à se réformer. L'échec du référendum en Alsace en est une illustration.

Ce constat étant posé, je souhaiterais souligner deux points. Le premier concerne les conférences territoriales et le chef de file : c'est la seule possibilité qui existe aujourd'hui. Il n'y a pas d'autre solution, à partir du moment où les réseaux de collectivités sont incapables de se mettre d'accord sur un schéma. On fait donc le pari que l'intelligence collective, qui ne s'est pas exprimée dans la préparation de la loi, s'exprime demain dans la conférence territoriale.

Le second point concerne le découpage de la réforme en trois textes. Je regrette cette manière de brouiller le message. Il aurait, a minima, fallu examiner la métropole et la région ensemble, s'il n'est pas possible de tout faire.

S'agissant plus précisément de la métropole, ce texte constitue une avancée sur au moins un point, dans la mesure où il acte la reconnaissance du fait urbain pour l'avenir du pays. Cependant, plusieurs problèmes demeurent.

Le projet de loi ne précise pas l'articulation entre les territoires, notamment en ce qui concerne les villes moyennes. Il n'y a rien de plus dangereux qu'un discours purement métropolitain, car les métropoles ont aussi une responsabilité sur l'ensemble des territoires périphériques. La conférence territoriale ne suffira pas à imposer le dialogue, a fortiori entre des collectivités qui ne sont pas dans le même département ou la même région. Il faudrait donc renforcer le pôle métropolitain comme instance de concertation, mais, en l'état actuel, le projet de loi ne le prévoit pas.

Enfin, l'autre difficulté majeure concerne la gouvernance. Il est inimaginable de renforcer les métropoles sans prévoir d'élire au scrutin direct ses dirigeants. On ne peut pas avoir une structure qui concentre autant de pouvoirs et entretenir un tel manque de légitimité pour son président.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ce texte ne suscite aucun enthousiasme, car il manque totalement de vision politique. On attendait l'acte III de la décentralisation, et l'on se retrouve avec les bribes d'une réforme découpée en trois morceaux. Le citoyen attend davantage de lisibilité, mais avec ce texte, il pourra encore moins comprendre comment tout cela fonctionne. Il s'agit bien d'une « usine à gaz ».

En matière de déplacements, je pense que l'on peut aller beaucoup plus loin. Il n'est pas normal que l'on renvoie la question de la mobilité durable au troisième texte. Cela montre la difficulté à faire fonctionner une vision d'ensemble.

Je ne vous parle même pas de la dépénalisation du stationnement, pour laquelle un consensus politique existe. Le président Sarkozy y était déjà favorable en 2007. J'ai été rapporteur du groupe de travail mis en place sur ce sujet, et je peux vous dire que les obstacles ne sont pas politiques mais technocratiques.

Quant à la métropole, il est normal que cela fasse peur, car les élus craignent de disparaître. Mais nous avons créé la métropole Nice Côte d'Azur et la réalité du terrain montre que c'est là que se trouve la vraie souplesse. En tant que premier vice-président de Nice Côte d'Azur, j'ai eu la charge de bâtir la charte des maires, sorte de constitution interne qui établit l'équilibre des pouvoirs et des contrepouvoirs cher à Montesquieu. Cet équilibre nous permet de prendre les grandes orientations politiques pour 46 communes et 550 000 habitants. Et ce dynamisme inclut majoritairement des communes rurales. Je vous invite à venir voir, tout cela fonctionne depuis deux ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Camani

Ce texte répond à une demande d'innovation et d'expérimentation. Certes le concept de chef de file reste à affiner, mais je vois bien la cohérence d'ensemble. La clause de compétence générale est demandée par tous les présidents de régions et de départements. Je ne suis pas favorable aux blocs de compétences, car cela ne correspond pas à notre histoire, à notre organisation. Il vaut mieux faire confiance à l'intelligence des territoires.

Il est également positif que ce texte affiche clairement le fait métropolitain pour la première fois. Même si je me pose également la question des espaces interstitiels et de leur articulation avec la métropole. C'est un texte qui va permettre aux territoires de mieux s'organiser, pour peu que l'on y ajoute un peu de souplesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Je suis certaine d'une chose : les citoyens ne peuvent pas s'y retrouver. Il faut faire un effort pour que les gens puissent avoir des repères, car c'est ce qui fait fonctionner la démocratie.

La compétence générale attribuée à tous les niveaux permet d'autant mieux les transferts de compétences que l'on peut se saisir d'un sujet lorsque l'on est concerné. Nous l'avions demandée, et c'est une satisfaction.

En revanche, l'idée que la puissance réside dans les métropoles avalise une conception foncièrement libérale de l'organisation du pays. Nous tenons beaucoup à la nation et à la commune comme lieux fondamentaux de la démocratie. Ils correspondent aux repères du citoyen.

Je me pose aussi la question des espaces abandonnés. Les conférences territoriales sont déjà une réalité dans quelques régions. Avec de l'intelligence collective, cet outil peut fonctionner correctement et a le mérite d'une plus grande transparence, notamment pour l'attribution des subventions.

Mais si l'on ajoute le pacte de gouvernance et le plan local d'urbanisme intercommunal, alors on acte la disparition des communes. A fortiori si l'on met en place une élection directe du président de la métropole, même si je suis d'accord pour dire que les pouvoirs impliquent de rendre des comptes.

Au final, il s'agit bien moins de décentralisation que d'une réorganisation des pouvoirs dans un contexte de pénurie des ressources financières. Il faut clairement le dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Je crains que l'acte III de la décentralisation ne soit un rendez-vous manqué. Au-delà des clivages politiques, chacun regrette ce malheureux découpage des textes. La méthode n'est pas bonne, ni sur la forme, ni sur le fond. Ce que l'on souhaite au départ, c'est davantage de lisibilité et de proximité pour le citoyen. Or avec ce texte, on ne comprend plus rien.

Comme la rappelé Ronan Dantec, on continue à ménager les intérêts de telle ou telle collectivité. La clause de compétence générale pour tous illustre un rendez-vous manqué.

En revanche, mon avis diverge de celui de Ronan Dantec sur la question du plan local d'urbanisme intercommunal et sur le suffrage direct pour l'élection du conseil de métropole. Car on acte bien la disparition des communes, cela paraît évident. Si on veut faire disparaître les communes, alors il faut l'assumer et le dire clairement.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Il restera aux maires la compétence scolaire, et encore !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Je souhaite également attirer l'attention sur un autre point. Il faut être vigilant lorsque l'on parle de souplesse. Nous ne sommes pas un état fédéral. Je ne voudrais pas que l'on puisse avoir une image différente de la France au gré des particularismes locaux. Nos concitoyens se déplacent et déménagent. La loi doit s'appliquer partout de la même façon. Les Français ne sont pas habitués au fédéralisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Je redis que la métropole de Paris pose un problème particulier. Avec un élu pour 300 000 habitants, cela ne va pas être simple !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

L'argument qui consiste à dire que ce texte est un rendez-vous manqué est trop simple. Le débat a lieu depuis plusieurs mois, avec les associations et les élus. Nous sommes à une étape importante, avec une vraie volonté du gouvernement et des élus, de parvenir à une organisation territoriale plus efficace pour l'action publique.

Il y aura des évolutions au cours du débat. Vincent Capo-Canellas parlait de la représentativité d'un élu pour 300 000 habitants dans l'espace parisien. Certains amendements pourront revoir ce niveau.

Concernant la conférence territoriale, il existe déjà des expériences réussies sur le territoire, comme Alain Le Vern l'a rappelé.

Je rejoins également Ronan Dantec sur la question des métropoles : le fait urbain est important aujourd'hui, ce n'est pas être libéral que de le reconnaître. Nous devons prendre comme horizon le territoire européen. Pour autant, les métropoles ne doivent pas être puissantes pour elles-mêmes, mais pour le territoire. Il faut donc avancer vers un fait métropolitain qui permette aux petites collectivités de s'impliquer. Les métropoles ont vocation à participer à l'irrigation du réseau rural.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

On va le dire. En matière de compétences, il faut bien cerner la logique du projet de loi. Le chef de file comme les conférences territoriales deviennent des éléments essentiels à partir du moment où l'on rétablit la compétence générale pour tous. En revanche, le schéma prévu pour ces conférences pourra être allégé, en privilégiant la piste d'une conférence qui doit donner des avis. En pratique, c'est comme ça que cela fonctionne à Nice ou en Haute-Normandie. Les amendements que je vous proposerai iront dans ce sens.

En ce qui concerne les compétences du bloc communal, je crois qu'il va falloir progresser vers l'accès aux services publics et l'aménagement du territoire local. Les amendements devront témoigner d'une volonté de subsidiarité. Sinon, on pourrait se diriger vers la suppression des communes, ce que personne ne souhaite.

Quant à la compétence des régions en matière de transport, le débat s'oriente dans le sens d'une véritable affirmation de leur rôle dans le domaine de la mobilité durable.

Deux points ne sont pas complètement réglés. Sur l'aménagement numérique du territoire, la compétence doit, à mon sens, relever exclusivement soit de la région soit du département. En revanche, pour le tourisme, je suis favorable à un schéma où la région coordonne, avec des compétences exercées par le département. Le projet de loi va davantage dans le sens du département, mais il y aura des amendements, et il faudra décider à ce moment-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Merci à tous pour ces interventions intéressantes et constructives.

- Présidence commune de M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, de M. Albéric de Montgolfier, vice-président de la commission des finances, et de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques -

La commission auditionne, en commun avec la commission des finances et la commission des affaires économiques, M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement (BPI), sur la doctrine d'intervention de la BPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Mes chers collègues, je vous rappelle qu'aux termes du II de l'article 12 de la loi du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement (BPI), « un mois avant sa présentation au conseil d'administration, le directeur général présente aux commissions permanentes compétentes du Parlement le projet de doctrine d'intervention de la société anonyme BPI-Groupe ». C'est en vertu de ces dispositions que nos trois commissions entendent aujourd'hui conjointement M. Nicolas Dufourcq.

Monsieur le directeur général, vous avez été nommé par un décret du Président de la République en date du 7 février 2013, mais vous exerciez déjà la mission de préfigurateur de la BPI depuis l'automne 2012.

Dès le premier conseil d'administration de la nouvelle banque, qui s'est tenu le 21 février à Dijon, vous avez présenté la feuille de route que vous entendez suivre afin de structurer la BPI dans les meilleurs délais. A cet égard, vous pourrez nous rappeler les principales étapes déjà franchies et préciser le calendrier des rendez-vous à venir. En effet, si les « éléments de base » de la BPI existaient déjà - je pense à OSEO, au Fonds stratégique d'investissement (FSI) ainsi qu'à CDC Entreprises - le chantier reste malgré tout complexe. Il s'agit, en particulier, de créer les deux filiales d'investissement et de financement de la BPI, et donc de se mettre d'accord sur la valeur des actifs apportés par les deux actionnaires que sont l'État et le Caisse des dépôts et consignations ; il faudra également obtenir le feu vert des autorités de régulation concernées, à savoir l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de la concurrence mais aussi procéder à une notification à la Commission européenne. Vous devrez mettre en place les instances de gouvernance de la BPI, au niveau national comme au niveau régional.

Enfin, il s'agit de définir la doctrine d'intervention de la BPI, à propos de laquelle le conseil d'administration du 22 avril a commencé à débattre - et tel est l'objet de l'audition de ce jour, à savoir nous présenter les grandes lignes du projet de doctrine.

Avant cela, je tiens à souligner que, durant la période de transition en cours, la BPI travaille, tant dans les missions « traditionnelles » qui revenaient à OSEO, au FSI ou à CDC Entreprises que dans de nouvelles actions comme le préfinancement du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) ou du crédit d'impôt recherche (CIR), à la garantie renforcement de la trésorerie, ou encore au prêt pour l'innovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Avec Michèle André, il m'a été donné de participer à certaines opérations de lancement de la BPI puisque nous avons été nommés membres du comité national d'orientation du groupe par le Président du Sénat.

S'agissant de l'audition du jour, qui s'annonce très intéressante car elle devrait permettre d'éclairer l'action au quotidien de la banque, je souhaiterais simplement qu'elle nous permette d'entrer dans le vif du sujet, de manière très pratique.

A cet égard, je me limiterai à une question relative à l'avenir d'Euronext, la Bourse de Paris, qui devrait bientôt être cédée à la suite de la fusion entre NYSE et l'entreprise américaine ICE. La doctrine d'intervention de la BPI lui permettrait-elle de devenir actionnaire d'Euronext, au côté, par exemple, des principales banques françaises ? Auquel cas, Monsieur Dufourcq, envisagez-vous une telle prise de participation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. - La commission que je préside aborde le sujet principalement sous deux angles : nous assurer que la BPI sera un instrument majeur du financement de la transition énergétique en France et, au titre de l'aménagement du territoire, faire en sorte que cet établissement soit réellement un acteur de proximité, présent sur le terrain. Par ailleurs, notre collègue Alain Le Vern, président du conseil régional de Haute-Normandie, m'a chargé de vous indiquer qu'il est impatient de voir les conseils régionaux d'orientation (CRO) de la banque être créés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le rapporteur général, vous qui avez été rapporteur au fond du projet de loi, et messieurs les rapporteurs pour avis, souhaitez-vous poser vos questions dès à présent ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Pour ma part, je préfèrerais interroger le directeur général après son exposé liminaire, sur la base de ce qu'il aura dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Juste quelques questions rapides. Quel sera précisément le rôle de la BPI, aux côtés d'Ubifrance, de la Coface ou encore des régions, pour accompagner les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises à l'exportation ? C'est là un enjeu essentiel.

Par ailleurs, s'agissant du financement des entreprises, il est important que la BPI puisse être présente dès la création des entreprises mais aussi qu'elle accompagne les entreprises dans la durée, de manière personnalisée. Sur quels outils la banque publique s'appuiera-t-elle afin de relever ce défi d'une importance cruciale ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement

Je suis très content de vous présenter les principaux éléments de la doctrine d'investissement de BPIfrance. En introduction, je vous donne les chiffres de ce que nous allons pouvoir investir entre 2013 et 2017, à savoir 9,2 milliards d'euros en direct, au capital d'entreprises françaises, soit :

- 1,7 milliard d'euros dans les PME françaises, en direct, hors capital-risque ;

- 500 millions d'euros dans le capital-risque ;

- 7 milliards d'euros dans les ETI, les très grosses PME, et les grandes entreprises françaises - étant entendu que la doctrine nous autorise, si nécessaire, de temps en temps, c'est-à-dire une fois par an ou une fois tous les dix-huit mois, à investir de très gros tickets comme nous l'avons fait par exemple lorsque le FSI a repris Eramet à Areva, ou quand il s'est agi de défendre Valeo contre le fonds d'investissement Pardus.

En ce qui concerne les investissements indirects, en fonds de fonds, ils s'élèvent à 2,7 milliards d'euros sur les quatre prochaines années, au travers de 280 fonds privés, alimentés et cofinancés par nos équipes.

La doctrine d'intervention de bpifrance dont je vous présente le projet aujourd'hui s'appliquera à la fois aux investissements directs et indirects.

S'agissant de la doctrine d'investissement en fonds propres, nous sommes des investisseurs minoritaires, nous investissons dans tous les secteurs sauf l'immobilier, les infrastructures, la banque, la presse, les instituts de sondage et les entreprises qui seraient directement contraires à nos normes de responsabilité sociale et environnementale. Ainsi, nous pourrions être amenés à investir dans une société d'armement, mais seraient alors immédiatement exclues les entreprises qui ne respectent pas nos critères de responsabilité environnementale, sociale et de gouvernance (ESG).

Les cibles vont des très petites jusqu'aux très grandes entreprises. Nous pouvons investir 250 000 euros dans une toute petite entreprise en création, 100 000 euros dans un secteur innovant (Internet, transition écologique, biotechnologies), ou encore un milliard d'euros dans une plus grande structure.

Nous intervenons en direct sur le capital-risque et le capital-développement, et seulement en indirect sur le capital-amorçage. Nous avons ainsi décidé que les 600 millions d'euros du Fonds national d'amorçage du programme d'investissements d'avenir, dont nous sommes les gestionnaires, doivent être gérés au travers de fonds d'investissement privés, de manière à obtenir un effet multiplicateur important. Sur ces 600 millions d'euros, nous avons déjà investi 313 millions dans des fonds qui ont eux-mêmes collecté de l'argent à l'extérieur, de sorte que nous arrivons au total à 550 millions d'euros disponibles pour les entreprises françaises.

Nous intervenons dans le segment du retournement, bien entendu. Nous sommes là pour accompagner les repreneurs : nous ne sommes pas et ne serons pas des repreneurs. Nous pouvons simplement envisager d'intervenir pour accompagner les repreneurs, dont c'est le métier, très spécifique et très risqué. A cet égard, le FCDE (Fonds de consolidation et de développement des entreprises), créé par la médiation du crédit, est le fonds de retournement le plus important que nous finançons.

En matière sectorielle, nous portons une attention particulière à certains secteurs, comme les biotechnologies, Internet ou la transition écologique. Ensuite, nous avons des fonds en direct pour des filières particulières : équipementiers automobiles, nucléaire, ferroviaire, bois, mode, patrimoine, etc. En indirect, nous finançons des fonds eux-mêmes spécialisés dans ces mêmes filières, comme par exemple l'agroalimentaire. Nous avons par conséquent une politique de filière assez soutenue, et qui continuera de l'être.

Nos objectifs de rendement sont pour l'instant, avant un débat plus poussé avec nos actionnaires, ceux qui ont été accomplis par les entreprises dont j'ai la charge, à savoir le FSI et CDC Entreprises. Entre 1995 et 2001, les équipes de CDC Entreprises ont engendré un rendement moyen de 2 %, parce qu'elles ont fait beaucoup de capital-risque et de capital-amorçage, les segments les plus risqués du marché. Le FSI, lui, a un rendement de 6 % en moyenne. Pour cela, il faut viser 15 % sur certains dossiers, afin de financer ceux qui ont pris des risques et font - 10 %. Les rendements cibles par entreprise sont donc et doivent donc être supérieurs, pour financer la sinistralité.

Au total, le retour sur capitaux investis de bpifrance est de 4 % en 2012, soit moins que les grands réseaux bancaires. Ces 4 % donnent accès à une liquidité de l'ordre de 2 % : s'ajoutent en effet le coût de la sinistralité - plus important car nos risques sont significatifs - et les frais de gestion, ainsi qu'une petite marge, qui est honnêtement relativement faible aujourd'hui. Par comparaison, pour un bilan de 30 milliards d'euros, le résultat net d'OSEO est de 80 millions d'euros chaque année, qui remonte d'ailleurs en dividendes vers nos actionnaires. Nous sommes donc, déjà, une banque d'intérêt général. Les principaux indicateurs de profitabilité ne vont pas changer, et ne seront en tout cas pas dégradés par rapport à aujourd'hui : la discipline du résultat reste absolument inaltérable.

Dans la doctrine de nos investissements, en matière de gouvernance, nous avons vocation à être minoritaires, sans pour autant être passifs ou dormants. Nous sommes également patients, pour identifier les chefs d'entreprise qui seront l'élite de l'entreprenariat français de 2020-2030 et les accompagner dans la durée. S'il faut dix ans, nous prendrons dix ans ; s'il faut vingt ans, nous prendrons vingt ans, mais nous les aiderons à engendrer « France 2030 ». Même si nous ne détenons que 20 % de leur capital, nous serons constamment à leurs côtés. Il nous appartient de créer avec eux une relation de proximité, qui est plutôt une relation de type majoritaire. L'accompagnement, fondamental, se traduit par un extrême souci de la gouvernance des entreprises : les administrateurs de bpifrance nommés dans les entreprises ne doivent pas être des policiers, mais ils doivent être influents.

La responsabilité sociale va de soi, l'environnement également. Nous publions déjà chaque année les créations d'emplois engendrées par les entreprises dans lesquelles nous avons une participation, et nous allons continuer à le faire.

En priorité, nous investissons dans les entreprises de l'argent dit « frais », c'est-à-dire de l'argent nouveau sous forme d'augmentation de capital. Cela dit, nous nous autorisons à racheter à des fonds d'investissement leur participation au capital des entreprises dans lesquelles nous sommes, ce qui est une nouveauté. En effet, il est souvent arrivé que de très belles entreprises passent sous contrôle étranger de ce fait parce que le FSI ne pouvait intervenir lors de la sortie d'un fonds. Nous voulons garder ces entreprises en France : il doit donc désormais être possible, dans des cas particuliers, de le faire.

Par ailleurs, il peut y avoir des exceptions à la doctrine d'investissement minoritaire. Ces exceptions seront traitées en conseil d'administration de bpifrance et devront faire l'objet d'une décision à l'unanimité des administrateurs.

Nos décisions d'investissement seront prises à 90 % en région, pour tous les tickets inférieurs à 4 millions d'euros, c'est-à-dire la quasi-totalité des investissements dans les PME françaises.

J'insiste encore sur le point fondamental de l'accompagnement, notamment à l'international. Notre philosophie est d'être une banque de démarchage : nous allons vers les entrepreneurs, et c'est chez eux, en tête à tête, que les décisions se prennent - et non pas dans les bureaux d'OSEO ou à un guichet. Chaque chargé d'affaires d'OSEO aujourd'hui et de bpifrance demain va voir 150 entrepreneurs par an. Désormais, il sera accompagné des chargés d'affaires internationaux que nous avons recrutés chez Ubifrance, et qui sont maintenant implantés dans nos directions régionales. Il sera également accompagné des vingt salariés de la Coface, logés chez nous, pour placer l'assurance-prospection. Nous irons plus loin encore : je considère que l'accompagnement d'un entrepreneur ne peut bien se faire que par un entrepreneur lui-même. Nous créerons à l'intérieur de « bpifrance excellence » un pôle « bpifrance excellence export », réunissant 200 entrepreneurs qui accepteront de donner gratuitement de leur temps pour aller parrainer leurs pairs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous avons été nombreux au moment du débat sur le projet de loi portant création de la BPI à nous intéresser à ce dossier. Nous avions alors demandé que les choses aillent vite. De ce point de vue, je crois qu'on peut se réjouir que vous ayez pris ce dossier à bras le corps et veillé à ce que, très vite, la BPI soit mise en mouvement. Je pense, par exemple, au crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE), pour lequel la BPI a été sollicitée dans le cadre de son pré-financement. A ce titre, je crois que 600 millions d'euros ont déjà été avancés et ce, dans des délais très rapides.

Vous avez également su engager la mise en synergie entre les différentes entités appelées à travailler ensemble. Nous savons que, comme dans toute organisation, ce n'est pas forcément aisé de créer ces synergies. De même, sur le plan territorial, le dispositif que vous avez mis en place est capable de répondre aux attentes dans nos différentes régions. Nous devons vous féliciter de l'engagement qui est le vôtre et de l'efficacité de la gouvernance de la BPI.

S'agissant de la doctrine d'intervention, vous avez exprimé un certain nombre de principes qui figurent dans le document que vous nous avez remis.

Mes premières questions portent sur le statut de cette doctrine. Aura-t-elle un caractère véritablement contraignant pour l'ensemble des décisions d'interventions des différentes entités du groupe ? Cette doctrine aura-t-elle un lien avec celle de l'Agence des participations de l'État (APE) ? Existera-t-il des actions de concert, des liens avérés ou formalisés ? Quels seront les modes de consultation réciproques ? Le projet a-t-il été transmis à la Commission européenne ou bien la doctrine elle-même, une fois adoptée par le conseil d'administration, le sera-t-elle ?

Je voudrais également revenir sur les rendements que vous avez évoqués. La banque aura-t-elle des objectifs chiffrés en termes de rendement pour chacune de ses branches d'activité ? En particulier, le groupe aura-t-il une « norme » en matière de niveau de dividendes versés par les entreprises au capital desquelles bpifrance investissement aura souscrit ?

En ce qui concerne la sortie des investissements, y aura-t-il des objectifs en termes de durée minimale, moyenne et maximale d'investissement au capital des entreprises cibles ? Quels critères guideront sa décision de vendre ses parts ? Le groupe s'autorisera-t-il tout type de cession ?

Enfin, comment le groupe s'organisera-t-il pour participer aux conseils d'administration d'assez nombreuses entreprises de la manière la plus efficace possible ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement

Toutes ces questions sont fondamentales. La doctrine, c'est la loi de l'entreprise : elle n'est pas indicative, elle est contraignante. Elle est validée par le Parlement et actée définitivement par un prochain conseil d'administration, ce sera la « loi » de la branche fonds propres de bpifrance. Il est prévu que, pour des cas très exceptionnels, un débat puisse avoir lieu en conseil d'administration qui devrait alors se prononcer à l'unanimité.

Elle est, de plus, très importante dans le dialogue que nous avons engagé avec la Commission européenne. Ce dialogue n'est pas terminé. Je retourne à Bruxelles à la fin du mois de mai afin de présenter la doctrine. Je précise qu'il ne s'agit pas d'une notification, au sens formel mais d'un échange de questions/réponses qui pourra d'ailleurs se poursuivre dans les semaines qui viennent.

Par conséquent, je m'autorise à lancer bpifrance en juin, partout en France, sans trop attendre. A partir du 3 juin, nous commencerons un déplacement dans les vingt-deux régions françaises. Nous n'allons pas seulement inaugurer des locaux, nous allons lancer officiellement l'incarnation de bpifrance en régions.

S'agissant du lien avec la doctrine de l'APE, qui est notre actionnaire, je crois savoir que David Azéma, commissaire aux participations de l'État, présentera bientôt un projet de doctrine. Sans dévoiler les travaux de l'Agence, vous pourrez constater qu'il y a un emboîtement très propre entre les activités de nos institutions.

En l'occurrence, nous sommes là pour nous occuper des PME et des ETI. C'est notre rôle fondamental. Actuellement, à l'intérieur du FSI - dont la marque disparaît dans quinze jours pour devenir France investissement - vous avez des investissements dans des petites entreprises (Viadeo, Dailymotion, etc.) jusqu'à Eramet. Et vous avez beau publier doctrine sur doctrine, on peut facilement penser que le FSI n'en a pas puisqu'il investit dans tout type d'entreprise.

Par conséquent, à l'intérieur de ce qui s'appelait le FSI, nous allons créer un fonds commun de placement à risques (FCPR), sur 99 ans, 100 % fonds propres BPI, consacré exclusivement aux ETI françaises et qui sera doté de 3 à 4 milliards d'euros. Non seulement nous avons une doctrine, mais nous l'incarnons en sanctuarisant le fléchage des fonds vers les différentes lignes de la doctrine. Le fonds « ETI 2030 » aura sa propre équipe de gestion.

De même, à l'intérieur de l'actuel FSI, il y a une petite équipe qui fait du capital-risque très risqué. Ce sont des tickets de 10 à 30 millions d'euros dans des toutes petites sociétés. Nous allons également l'isoler dans un FCPR de 500 millions d'euros, avec une équipe exclusivement consacrée à sa gestion. Ce fonds s'appellera « large venture » - capital-risque profond. Là encore, ce n'est pas le domaine d'intervention de l'APE, avec laquelle nous travaillons sur une base quotidienne.

Sur la question des rendements, la politique de dividende de BPI sera décidée en septembre 2014. J'ai convaincu nos deux actionnaires qu'il fallait attendre d'avoir terminé un exercice entier de bpifrance avant d'arrêter une politique de dividende. D'ailleurs, ce sujet dépend pour partie des assurances que nous obtenons de notre actionnaire État sur les dotations budgétaires dans les années qui viennent pour financer l'innovation et la garantie. Nous avons reçu, à ce titre, pour 2013 environ 350 millions d'euros de dotations budgétaires. S'agissant de la garantie, il n'y avait rien dans le budget, il a fallu que j'aille convaincre le Président de la République de nous octroyer, sur fonds du Programme d'investissement d'avenir (PIA), 150 millions d'euros pour alimenter le fonds de garantie. Si nous avons la certitude, à moyen terme, d'obtenir ces dotations, nous pourrons alors remonter d'importants dividendes. Dans le cas contraire, nous devrons conserver une partie de nos bénéfices pour financer notre mission d'intérêt général.

En ce qui concerne les ambitions affichées sur les rendements et le retour sur capitaux propres, aujourd'hui, nous atteignons 4 %, avant dépréciation de notre participation dans France Telecom, soit 2,8 milliards d'euros, ce qui détruit bien évidemment le ROE de l'année 2012, qui sera négatif.

Est-ce que 4 % est le bon chiffre ou non ? Nos actionnaires, État et Caisse des dépôts, sont en train d'en discuter. Nous aurons probablement des objectifs spécifiques par métier. Pour la garantie et l'innovation, cette question n'a pas de sens puisqu'il s'agit d'activités subventionnées. Pour le crédit, en revanche, on peut se poser la question de savoir s'il faut s'aligner sur les niveaux proches de ceux de BPCE (5,5 %). Dans le domaine de l'investissement, j'ai donné les chiffres et, pour l'instant, on en reste là. Mais il est possible que nos actionnaires nous demandent de faire plus.

Pour ce qui concerne la durée de nos investissements, nous ne nous fixons pas de minimum ; dans certains cas précis, il pourrait être opportun d'aller vite. En tout cas, ce n'est pas uniquement le critère financier qui guidera notre décision de sortir. Pour prendre l'exemple récent de la cotation en bourse de la société Constellium, nous aurions pu réaliser une plus-value très substantielle. Mais nous avons préféré rester au capital de cette entreprise prometteuse, et même accroître notre part, afin de protéger les sites français et le centre de recherche et développement, qu'une prise de contrôle par un groupe étranger aurait pu menacer. Pour autant, nous sortirons un jour car notre portefeuille, qui n'est pas indéfiniment extensible, doit « tourner » sur une base de temporalité moyenne de sept ans.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je déduis de vos propos que c'est la logique industrielle qui primera dans vos décisions de sortir du capital d'une entreprise.

Debut de section - Permalien
Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement

Absolument, il n'y a pas d'ambiguïté.

Je conclurai sur la question importante de nos administrateurs au sein des sociétés que nous détenons. Nous avons une communauté vivante d'une centaine d'administrateurs indépendants, qui constituent une richesse. Nous les sélectionnons, avec l'aide de « chasseurs de têtes », nous les formons, nous les réunissons... Cette communauté doit incarner l'attitude et le comportement de notre établissement. J'ai ainsi souligné devant eux la nécessité qu'ils soient au côté des chefs d'entreprises, leur « devoir de proximité » dans chacun des conseils d'administration où nous sommes représentés, c'est-à-dire les 77 participations du FSI ainsi que dans les PME dans lesquelles notre « ticket » est très significatif, au-delà de 4 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je vous remercie pour les précisions apportées concernant la doctrine de la BPI. Après les déclarations parfois divergentes de ses principaux responsables, au cours des derniers jours, vos propos sont de nature à rassurer. Néanmoins, je tiens à dire que la réalité que j'observe sur le terrain n'est pas tout à fait en phase avec vos déclarations. Les interlocuteurs au sein de la BPI font preuve de frilosité. Les procédures d'instruction des dossiers sont très lentes. Je prendrai l'exemple d'une société de mon département. Elle a besoin de reprendre un site nécessaire pour son développement. Pour le territoire également, cette reprise constitue un enjeu important car ce site est inoccupé depuis dix-huit mois. Or, les choses n'avancent pas. Les chefs d'entreprises ont le sentiment que les conseillers de la BPI sont moins impliqués et moins réactifs que ceux d'une banque commerciale. Quelle est la valeur ajoutée réelle de la BPI sur le terrain pour les entreprises et les territoires ?

Je voudrais savoir aussi ce qui garantit que l'intérêt général sera effectivement pris en compte, sachant que les actionnaires de la BPI attendent sans doute un retour sur investissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Jusqu'à présent, les outils d'appui au financement de l'innovation n'ont pas été capables de prendre en compte l'innovation sociale, qui c'est vrai est une notion encore floue. Le futur projet de loi sur l'économie sociale et solidaire prévoit cependant de donner un contour précis à ce concept. La BPI interviendra-t-elle pour soutenir ce type d'innovation ? Comment ? Avec quels outils ? Quels moyens ?

Plus généralement, les structures de l'économie sociale et solidaire, en raison de leurs principes fondateurs, notamment en ce qui concerne la gouvernance démocratique et la non-lucrativité, ont beaucoup de mal à trouver des financements, même lorsqu'elles interviennent dans le champ concurrentiel et sont capables de créer des richesses marchandes. La BPI pourra-t-elle intervenir pour soutenir la création et le développement de ces entreprises, notamment celles qui ont un statut associatif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

La doctrine d'intervention de la BPI prévoit des interventions exceptionnelles dans des entreprises en difficulté. Permet-elle aussi des investissements à caractère défensif en cas d'OPA hostile sur des entreprises françaises, notamment pour éviter que des concurrents étrangers prennent possession de savoir-faire stratégiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Je voudrais revenir sur deux principes que vous avez cités.

D'abord la proximité. Le pays souffre d'un double décalage. Celui entre le pessimisme excessif de certains acteurs et la réalité économique, qui est difficile mais comporte aussi des motifs d'espoir et des points positifs. Il existe en France une culture de la négativité qu'on rencontre parfois même au sommet des entreprises du CAC 40. Vous devez donc prendre le temps, lors de vos déplacements, d'expliquer, d'impulser, de recréer de la confiance. Le décalage existe aussi entre les élites économiques et politiques et le reste de la société française. La BPI peut contribuer à le combler en s'appuyant sur les collectivités. Vous avez évoqué le rôle des régions, mais vous ne devez pas oublier non plus le rôle des métropoles, qui disposent d'une grande capacité d'impulsion en matière universitaire, économique, technologique. L'avenir de la France dépendra de la capacité de ses collectivités à coopérer et la BPI doit être capable d'avoir un dialogue et une coopération avec l'ensemble d'entre elles.

Le second principe que vous avez évoqué est la transparence. La mission de la BPI au service du financement des entreprises fait d'elle un observateur remarquable des comportements bancaires et financiers. Il ne faut pas que, d'un côté, la BPI ait un comportement exemplaire et que, de l'autre, les institutions financières s'exonèrent de tout effort.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est le montant du capital de la BPI ? Comment est-il composé ? Quel est le montant des fonds propres ? Quelle est la politique d'endettement ?

Je relaie aussi une question de Valérie Létard. Les conditions pour réaliser un travail effectif en région sont-elles déjà réunies ?

Enfin, où en est la mise en place du Fonds de modernisation des équipements ferroviaires ? Quels seront ses moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Vous indiquez, parmi les éléments de la doctrine d'intervention, la volonté de déconcentrer au niveau des régions toutes les décisions d'intervention d'un montant inférieur à 4 millions d'euros, de façon à ce que 90 % des décisions soient prises au plus près du terrain. Cependant, outre-mer, les entreprises s'inquiètent de l'absence totale de la BPI, alors même que les difficultés économiques de ces territoires sont considérables. Quand la BPI y sera-t-elle effectivement présente ?

Par ailleurs, je tiens à souligner que les régions, au sens des collectivités territoriales régionales, ne sont pas la seule réalité institutionnelle sur nos territoires. Il y a des départements, des métropoles, etc. La BPI doit dialoguer avec tous les échelons.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Vous avez mentionné les vingt-deux régions hexagonales mais pas les régions d'outre-mer. Or, la loi donne à la BPI la mission d'intervenir également dans les outre-mer. Il semblerait qu'on s'oriente en réalité vers la simple reconduction de la convention qui existait entre l'AFD et OSEO, convention qui était mal appliquée puisque de nombreux produits financiers d'OSEO n'étaient pas distribués outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Assiste-t-on à la naissance d'un fonds souverain à la française ? Pourquoi pas si la doctrine que vous avez exposée est bien appliquée. Cependant il faut relativiser : la BPI n'apporte qu'une toute petite partie des financements nécessaires à notre économie, l'essentiel provenant du système bancaire privé.

Ma première question porte sur le CICE. La BPI a préfinancé le CICE à hauteur de 600 millions d'euros depuis le début de l'année. Or, le montant total annuel du CICE est censé être de 20 milliards d'euros. Le préfinancement est donc bien modeste ! A quoi tient cet écart ? Comment la BPI finance ce préfinancement ? Avec quelles ressources ?

Ma deuxième question concerne la non déductibilité fiscale des emprunts réalisés par les entreprises pour financer leurs investissements. Ne faudrait-il pas revenir sur cette mesure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

L'intérêt économique général est bien au coeur de la doctrine de la BPI et je m'en félicite.

Vous avez pour mission de préparer l'avenir en soutenant l'innovation, l'export, la croissance des PME et des ETI. N'est-il pas aussi nécessaire cependant, dans la conjoncture actuelle - je rappelle que la croissance au premier trimestre est négative : - 0,2 % - d'agir aussi de façon défensive en aidant des entreprises structurellement saines à passer un cap difficile ?

Les dispositifs de soutien aux entreprises sont trop nombreux et trop complexes. Il faut simplifier !

Mon dernier point porte sur la gouvernance. Les régions sont très impliquées dans le soutien aux petites et moyennes entreprises. Elles doivent se coordonner avec les départements et les métropoles, mais elles ont une compétence économique forte, qui sera d'ailleurs encore plus forte demain. Ne faudrait-il pas organiser une sorte de co-gouvernance formalisée entre la BPI et chaque région, de manière à avoir une logique de co-décision et de co-investissement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Parmi les interrogations concernant la reprise des activités d'OSEO par bpifrance, j'ai une question concernant le devenir du mécanisme de soutien aux sociétés de recherche sous contrat - les SRC - géré par OSEO-Innovation avec une enveloppe de 10 millions d'euros de subventions. L'effet de levier de ce mécanisme est indéniable : sera-t-il pérennisé ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement

Le dossier évoqué par le sénateur Maurey est caractéristique des cas que nous traitons au quotidien. C'est une entreprise qui ne se porte pas très bien, dont le projet doit être cofinancé avec une banque et cette dernière hésite, car les perspectives de l'entreprise la situent dans la zone grise.

Euronext fait partie du périmètre d'action de la BPI et vous avez raison de dire qu'il y a potentiellement là un sujet intéressant et stratégique.

Concernant l'économie sociale et solidaire (ESS), nous avons décidé avec la Caisse des dépôts que cette dernière, au travers de ses directions régionales, garderait le réseau des contacts avec les acteurs de ce secteur : Initiative France, France active, l'Institut de développement de l'économie sociale (Ides)... Nous n'avons pas au sein de la BPI, dans le réseau d'OSEO, l'équipement et le personnel nécessaire pour prendre ce relais. D'ailleurs la Caisse fait très bien ce travail. Après, est-ce que la BPI pourra apporter une couche de financement supplémentaire pour renforcer l'action de la Caisse ? Pourquoi pas... C'est à discuter entre nous et notre actionnaire.

La Caisse nous transfère dans ses apports l'argent qu'elle a injecté dans des fonds privés orientés vers l'ESS, gérés par Amundi, Société générale, etc. Nous avons donc une activité à ce titre et nous allons la renforcer.

De façon générale, injecter de l'argent dans les entreprises de l'ESS n'est pas facile, car il faut toujours penser à la sortie du capital. Pour sortir du capital d'une coopérative, il faut soit vendre aux salariés, soit à la coopérative elle-même, il y a donc de grosses difficultés liées à la liquidité. Cela ne veut pas dire que la BPI ne fera pas du capital investissement dans ce secteur, mais ce sera forcément dans des proportions plus faibles que le capital développement normal.

L'investissement dans des entreprises stratégiques pour la France, ce n'est pas nouveau. Nous l'avons fait avec Danone, Valéo et, très récemment, avec Technicolor. On le refera si nécessaire.

Proximité, transparence : oui, ce sont des valeurs que nous défendons. Il y a quatre principes que nous avons décidé de mettre en avant : proximité, simplicité, optimisme et volonté. Je reviens en particulier sur l'optimisme. Il y a des opportunités d'investir partout en France ; il y a des idées partout ; nous avons le crédit aux entreprises le moins cher d'Europe, moins cher qu'en Allemagne même. Le crédit trésorerie manque, mais le capital et le crédit nécessaire au développement est abondant. Ce qui manque : c'est le moral ! Les agents de la BPI feront ce travail : expliquer que c'est le moment d'investir.

La BPI travaillera avec les métropoles bien sûr. Il se trouve que nos fonds communs de garantie, d'innovation et de financement sont bâtis avec les conseils régionaux. Mais cela ne signifie pas qu'à l'avenir nous ne travaillerons pas avec elles aussi.

Concernant la transparence, je signale que la BPI lancera en novembre le « think tank » bpifrance. Il sera le lieu où l'on pourra tout savoir du monde de la PME française. Au travers d'OSEO et des filiales de la CDC, nous avons accès à des données d'une profondeur incroyable. Ces données vont être rassemblées dans une grande direction des études et nous allons mettre en place un centre de ressources ouvert.

Pour ce qui est du capital de la BPI, il comprend les fonds propres d'OSEO pour 2,5 milliards d'euros et ceux de bpifrance investissement, pour 18 milliards d'euros. Les 12 milliards d'euros qui seront investis dans les années qui viennent sont les 18 milliards d'euros de bpifrance investissement, qui vont « tourner » par l'effet de monétisation décrit précédemment.

Le fonds ferroviaire sera lancé en juin et doté de 40 millions d'euros.

Est-ce que la BPI s'endettera pour faire plus d'investissement en fonds propres ? Non. En revanche, elle s'endette pour financer son activité de crédit. Nous levons chaque année pour 4 à 5 milliards d'euros de liquidités sur les marchés mondiaux. Nous le faisons actuellement à des taux incroyablement bas grâce à la garantie implicite de l'État (OAT plus 18 points de base).

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Pouvez-vous revenir sur la dotation du fonds ferroviaire ? Que fait-on avec 40 millions d'euros ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement

On fait cinq tickets de cinq millions d'euros, sachant qu'on se garde toujours une marge de manoeuvre pour pouvoir réinvestir par la suite. Mais attention : ce sont des fonds destinés à des entreprises qui fabriquent du matériel, pas pour financer les infrastructures. La BPI ne finance pas d'infrastructures. Ce n'est pas sa mission. Les 40 millions d'euros du fonds ferroviaire suffisent à répondre à son objet.

Concernant la présence dans les régions d'outre-mer, cela relève d'un choix de notre tutelle. À titre personnel, je suis favorable à une présence directe de la BPI. Il y a cependant toute une palette de choix alternatifs, qu'il s'agisse du maintien de l'intermédiation de l'AFD ou de l'intermédiation via les directions régionales de la Caisse des dépôts. La direction du Trésor travaille sur cette question.

Sur le CICE, il faut se garder des confusions. Le préfinancement ne concerne qu'une fraction des 20 milliards d'euros de crédit d'impôt. Les grandes entreprises vont percevoir 10 milliards d'euros au titre du CICE : elles n'ont pas besoin du préfinancement de la BPI ! Sur les 10 milliards d'euros destinés aux PME, nous estimons qu'un préfinancement ne se justifie que pour une enveloppe de 2 milliards d'euros. Donc les 600 millions d'euros que nous avons engagés depuis le début de l'année correspondent bien à l'ambition affichée.

Concernant la déductibilité fiscale des intérêts d'emprunt, cela ne relève pas de mes compétences et il ne m'appartient pas de faire des commentaires.

Le soutien transitoire aux entreprises saines, c'est notre quotidien. La culture d'entreprise d'OSEO est d'aller toujours au bout de ce qui est possible quand il s'agit d'apporter un soutien. Nous le faisons parce que nous avons une culture de la PME, qui existe beaucoup moins dans le réseau bancaire traditionnel. Mais quand on ne peut pas sauver l'entreprise, nous n'injectons pas de fonds.

Concernant la gouvernance avec les régions, les choses sont simples : quand on co-finance, on co-décide. Ceci étant, la co-décision n'implique pas de formaliser et d'alourdir les procédures. Toutes les co-décisions se font par échange de courriels, dans la journée, avec fluidité. C'est l'intelligence collective moderne.

Enfin s'agissant du devenir du mécanisme de soutien aux sociétés de recherche sous contrat, rien ne change : OSEO continue de gérer ce fonds-là, comme il gère le programme ISI (innovation stratégique industrielle) ou le Fonds unique interministériel (FUI) pour les pôles de compétitivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous vous remercions pour vos réponses précises et pour votre disponibilité. Je suis persuadé que nous aurons l'occasion de vous auditionner à nouveau, avec la commission des finances et la commission du développement durable, après une année de fonctionnement de la BPI.

- Présidence de M. Raymond Vall, président -

La commission entend M. Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays-de-la-Loire, chargé d'une mission de concertation sur les régions et le ferroviaire, sur son rapport « Un nouveau destin pour le service public ferroviaire français : les propositions des régions ».

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le Président, le ministre Frédéric Cuvillier vous a chargé, en décembre dernier, d'un rapport sur le transport ferroviaire, afin de nourrir la réflexion préalable à la réforme attendue pour les prochains mois. Il a ainsi choisi de faire appel à votre grande expérience dans ce domaine. Le rapport que vous lui avez remis présente pas moins de 42 propositions. Au moment où nous abordons l'examen des projets de loi de décentralisation, les propositions que vous faites pour placer les régions au coeur du dispositif revêtent un très grand intérêt pour nous. Les sénateurs de la commission vous soumettront donc, j'en suis certain, de nombreuses questions, tant le sujet les intéresse !

Debut de section - Permalien
Jacques Auxiette

Je vous remercie. Voici d'abord l'état d'esprit dans lequel nous avons travaillé, ainsi que les principes que nous avons retenus. Je ne suis pas un spécialiste du ferroviaire, ni un technicien de la SNCF : je ne suis qu'un élu local. J'ai présidé le GART pendant douze ans, avec un mot d'ordre : renforcer la notion d'autorité organisatrice. L'une des difficultés d'aujourd'hui résulte de l'absence de pilote politique, quels qu'aient été les pouvoirs en place, dans le secteur ferroviaire.

Auparavant, l'État était la seule autorité organisatrice. Mais il a toujours abandonné ses responsabilités politiques en matière de stratégie ferroviaire. Aujourd'hui, et depuis plus de dix ans, les régions françaises assument cette responsabilité. La régionalisation des transports a commencé de façon expérimentale en 1997, dans six régions dont les Pays-de-la-Loire, avant d'être généralisée en 2002. Notre interrogation a été la suivante : quelle étape supplémentaire franchir ?

Depuis la régionalisation, huit milliards d'investissement ont été réalisés par les régions en matériel roulant. Sur la période 2015-2020, on identifie quatre milliards de commande potentielle, pour les TER et les TET. Ces montants rappellent que le ferroviaire n'est pas seulement un service, mais aussi une filière industrielle. En 2011, les régions ont dépensé plusieurs milliards pour le fonctionnement des TER, afin de faire rouler 13 000 trains (Île-de-France comprise). Ce dernier chiffre est à comparer au nombre des TGV, qui est de l'ordre de 850.

Ce rapport a fait l'objet d'un travail au sein de la commission infrastructures et transports de l'ARF (association des régions de France), dont je suis président depuis 2010. Deux éléments en ont constitué la toile de fond : la nécessité de conforter la notion d'autorité organisatrice, pour l'État comme pour les régions, ainsi que la nécessité de proposer une organisation « eurocompatible ». Tous les syndicats rencontrés ont été d'accord sur ce point : ce qui sera adopté à l'issue de la réforme ne devra pas être remis en cause six ou douze mois plus tard par le quatrième paquet ferroviaire.

L'autorité organisatrice est une autorité politique. Je siège depuis peu avec Jean-Paul Huchon au conseil d'administration de RFF. L'une de nos premières réunions, début janvier, avait pour objet l'adoption du budget pour 2013, qui prévoyait une augmentation de la dette de 3,4 milliards, avec une courbe d'évolution la conduisant à 60 milliards d'ici dix ans. Nous avons été les premiers, dans l'histoire de RFF, à ne pas voter en faveur de ce budget. Avec notre expérience d'élus locaux, nous savons que ce qu'on emprunte devra à terme être remboursé. L'appareil ferroviaire ne doit pas rester entre les mains des fonctionnaires.

Le rapport est structuré autour de cinq grands thèmes : le rôle de l'État et du Parlement, d'une part, celui des régions, d'autre part, par rapport à RFF et à la SNCF ; l'organisation du système ferroviaire, qui ne figurait pas dans la lettre de mission mais ne pouvait être ignorée - dans ce domaine, nous avons réalisé un travail autonome par rapport à celui de Jean-Louis Bianco, et nous avons abouti à un résultat qui n'en diffère pas sensiblement ; la gouvernance et le contrôle, avec les conditions d'exercice de l'ARAF (Autorité de régulation des activités ferroviaires) et la question de la transparence ; enfin, la notion de filière industrielle. Je siège aussi au sein de Fer de France, organisme de promotion de la filière né des Assises du ferroviaire.

Notre objectif n'a pas été de nous opposer ou de faire plaisir à certains, mais d'imaginer un système qui fonctionne. Un tel service ne peut pas se gérer sans difficultés. J'étais tout à l'heure avec le président Malvy, qui évoquait les grandes difficultés qu'il rencontre sur son territoire. Vous avez par ailleurs vu les déclarations de M. Percheron relatives à la tarification du TGV entre Lille et Paris. Je suis conscient de ces difficultés.

L'organisation du système telle que nous l'avons imaginée, et qui fait à peu près consensus, est la suivante. Il y aurait, d'un côté, la SNCF, exploitant ferroviaire, avec, je le rappelle, un chiffre d'affaire de l'ordre de 34 milliards d'euros, 900 filiales, et des fonctions clairement identifiées. De l'autre côté, RFF, doté aujourd'hui de 1500 salariés, deviendrait le gestionnaire d'infrastructures unifié (GIU), avec les 35 000 cheminots de SNCF Infra, et les 15 000 cheminots de la direction de la circulation ferroviaire. Je regrette qu'il ait fallu attendre 2013 pour modifier le système établi en 1997, qui constitue un élément d'inorganisation industrielle, avec des facturations et des surfacturations entre les deux pilotes. Le GIU correspond aux orientations européennes : il permet d'identifier le patrimoine national nécessaire pour faire rouler les trains.

A ce propos, je rappelle que les quais de gare relèvent de plusieurs propriétaires : la SNCF pour les bords, RFF pour l'intérieur des quais. Cette situation est ingérable pour les collectivités qui veulent acquérir du patrimoine et implique des délais de décision qui peuvent aller jusqu'à trois ou quatre années. C'est la raison pour laquelle il me semble nécessaire de clarifier la question du patrimoine du GIU, qui est propriété de la Nation. J'y inclus les gares, mais je sais que cela ne fait pas consensus.

En Angleterre d'ailleurs, tout ce qui relève de l'infrastructure appartient au patrimoine national.

A cette organisation, j'ajoute un volet pour concrétiser l'exigence que je vous ai indiquée en préambule : instituer un pilotage politique du système ferroviaire français. L'idée serait de mettre en place un pôle public ferroviaire, piloté par les instances politiques, avec notamment la responsabilité d'assurer une gestion unifiée des ressources humaines, ce qui renvoie au débat sur le statut des cheminots. Le pôle aurait également la responsabilité d'être le chef de file de la filière industrielle, qui suppose de coordonner recherche, innovation, ouverture européenne et internationale, pour que le patrimoine et les compétences ferroviaires de la France puissent être exportés à l'international. Trois établissements publics à caractère industriel et commercial existeraient dans cette structure. C'est ce qui nous semble pouvoir le mieux fonctionner sans création d'une usine à gaz. Cette structure faîtière gèrera l'ensemble du dispositif, en ne confondant pas ceux qui exploitent et font rouler les trains d'une part, ceux qui définissent la politique ferroviaire d'autre part.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Je souhaite souligner la qualité et la pertinence de ce rapport. La concordance avec le rapport Bianco est évidente. Cela témoigne d'une prise de conscience de la nécessité de modifier profondément l'organisation ferroviaire mise en place en 1997. Ce rapport comporte des orientations politiques très volontaires. Il prône une reprise en main du système ferroviaire par l'État. Depuis de nombreuses années, l'État s'en est remis à l'opérateur historique pour définir la politique ferroviaire. Le rapport comporte également des propositions d'engagements financiers pluriannuels de l'État, et de véritables contrats de performance, qui seraient passés, dans l'organisation proposée, à la fois avec la SNCF mais aussi avec le GIU. Il mentionne également la recherche de gains de productivité par tous les acteurs du système ferroviaire. C'est un élément fondamental si on veut trouver les moyens d'équilibrer le déficit annuel de RFF, situé aujourd'hui autour de un milliard et demi d'euros. Autre proposition : le renforcement du rôle des régions en allant vers la logique d'autorités coordinatrices de l'intermodalité. On sait bien que la mobilité est devenue un élément essentiel dans les besoins de nos concitoyens. Le rapport propose aussi un dispositif institutionnel visant une plus grande transparence et un meilleur contrôle. Il s'inscrit dans un nouvel acte de décentralisation, avec l'idée de faire participer les régions à la gestion des gares régionales et locales, et de clarifier les responsabilités respectives de la SNCF et de RFF en ce qui concerne les gares, les quais de gare, les souterrains, les escaliers. Autre proposition du rapport, le transfert aux régions de la propriété du matériel roulant, qu'elles ont très largement financé depuis de nombreuses années. Enfin, le rapport évoque l'obtention de recettes nouvelles par les régions. C'est un dossier que nous connaissons bien, puisqu'à l'initiative de Roland Ries en particulier, nous avons eu l'occasion d'examiner par le passé des amendements visant à mettre en place une sorte de fiscalité interstitielle, de manière à ce que les régions, éventuellement les départements lorsqu'ils interviennent dans le domaine des transports, puissent bénéficier de recettes propres sans pour autant priver les intercommunalités des recettes existantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

J'apprécie le fait que ce rapport contienne une quarantaine de propositions concrètes. Sur le sujet de la filière industrielle, les Assises du ferroviaire ont réclamé une action, il faut maintenant que les choses s'organisent. Concernant les gares, il faut distinguer entre la petite gare de campagne et le pôle d'échanges. Faut-il traiter de la même manière les gares où il n'y a que le train qui passe, et celles qui réunissent d'autres modes de transports urbains ? Je ne vois pas, dans votre schéma, les régions au conseil d'administration de la SNCF. Est-ce volontaire ?

Debut de section - Permalien
Jacques Auxiette

C'est un choix volontaire. On ne peut pas être autorité organisatrice et exploitant.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Je suis tout à fait d'accord sur ce point. L'État gère tout, mais il faut distinguer entre les fonctions régaliennes, qui doivent englober les voies, les gares, ce qui constitue le bien commun, et l'exploitation ferroviaire avec la SNCF. Il s'agit certes d'un exploitant historique, mais il y aura un jour des concurrents, comme Veolia. Je vois d'ailleurs seulement le GIU et la SNCF dans votre schéma : où imaginez-vous les futurs opérateurs ?

Votre rapport propose des impôts nouveaux. Pourquoi pas des économies nouvelles ? Vous dites qu'il faut être eurocompatible, notamment au niveau institutionnel, mais il faudrait l'être aussi au niveau économique. Dans tous les pays d'Europe on fait de la concurrence pour faire des économies, est-ce que vous l'envisagez ici dans ce rapport ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Merci pour la clarté de votre propos et son côté roboratif... Sur la vision que vous défendez, largement sous-tendue par le rôle de l'État et de la Nation, des nuances peuvent être apportées. Je suis partisan d'un État fort et stratège, présent sur les fonctions régaliennes, les infrastructures ferroviaires et les aéroports. Cependant l'État doit limiter son rôle s'il ne veut pas voir son action diluée et perdre en efficacité. N'allez-vous pas trop loin dans l'idée que l'État saura mieux faire que ce que la SNCF a fait jusque là ? Cela suppose que l'État ait une capacité d'arbitrage, ce qui est toujours difficile. Je ne suis donc pas certain que vos propositions conduisent à une vision plus claire de la politique des transports.

Sur les gares, vous indiquez qu'elles appartiennent à la nation. La gestion peut se faire avec les régions mais je m'interroge : n'est-il pas temps, notamment en Île-de-France, qu'un certain nombre de gares de banlieue soient gérées plus clairement par les collectivités territoriales de proximité ? L'accessibilité concerne les territoires. L'intermodalité se joue avec les territoires. Le statut juridique des gares pourrait se discuter, notamment pour les gares nouvelles que nous allons créer avec le Grand Paris, les gares d'interconnexion. Il est très compliqué de gérer cela avec chacun, comme on le fait aujourd'hui. Le GIU peut nous y aider.

Sur le schéma que vous proposez, j'ai une crainte quant au passage d'un système de deux EPIC à trois EPIC. C'est présenté comme un progrès, mais ce qui ne marchait pas à deux marchera-t-il à trois ? Je reste enfin très prudent sur la création d'un impôt nouveau. Nous aurons du mal à l'expliquer aux usagers et aux contribuables. Michel Teston a évoqué un impôt interstitiel : cela reste un impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Je tiens à souligner la qualité du travail réalisé par Jacques Auxiette. Ce rapport offre une matière première forte, discutable sur certains points, mais concrète et précise. Il y a aujourd'hui une certaine urgence à avancer. A la fois du côté des organisations représentatives du personnel et du côté des usagers, il y a une demande forte de réforme.

La distinction nécessaire entre autorité organisatrice et opérateur de transports me paraît absolument indispensable. Si nous en sommes arrivés à la situation délicate actuelle, c'est parce que les deux fonctions ont été trop longtemps confondues. La SNCF était à la fois autorité organisatrice et opérateur de transports. Ce sont des fonctions qu'il faut soigneusement distinguer. On le fait depuis 1982 dans le transport urbain. L'autorité organisatrice a pour rôle de déterminer la nature et le périmètre du service public. L'opérateur met en oeuvre. Certains pays ont laissé le transport public, y compris urbain, complètement à l'initiative privée. Les résultats sont catastrophiques. Le transport public est un élément de service public qu'il faut réguler. Cela suppose que l'autorité organisatrice ait des ressources dédiées. On ne peut pas dire aux régions de continuer à s'occuper du ferroviaire sans leur donner les moyens de le faire. Il faut que le versement transport, qui existe aujourd'hui dans le périmètre des transports urbains, puisse être étendu, probablement à un niveau moindre. D'autres options pourraient être envisagées, avec la TIPP ou autre, mais il est indispensable que les régions aient une ressource dédiée pour alimenter leur budget.

La Commission européenne définit des orientations en matière ferroviaire. C'est légitime pour tout ce qui concerne le transport international, afin de réguler le fonctionnement du système. De la même manière, pour le fret, il n'est pas anormal que la Commission intervienne. Lorsqu'on se place en revanche au niveau du transport régional, ou du transport d'aménagement du territoire avec les TET, trains d'équilibre du territoire, je ne suis pas convaincu que ce soit à la Commission de trancher, conformément au principe de subsidiarité. Le ferroviaire de proximité représente 90 % du ferroviaire, soit 13 000 trains contre seulement 850 TGV.

Concernant la gouvernance, l'idée que l'opérateur historique devienne un opérateur parmi d'autres dans un système ultra-libéralisé me paraît irréaliste. La SNCF a, comme la Deutsche Bahn, une situation particulière, une tradition, un poids dont on ne peut faire abstraction sous prétexte de libéralisme échevelé. L'orientation retenue par le Gouvernement de maintenir des liens entre le GIU et l'opérateur historique me paraît nécessaire. Le système des trois EPIC peut probablement être affiné. Il permet en tout état de cause de garder la cohérence du système. Cela ressemble, sans le copier, au système de holding à l'allemande.

La question de la dette mérite par ailleurs d'être regardée de très près, à commencer par sa stabilisation. Nous nous dirigeons, dans les dix ans qui viennent, vers une dette de soixante milliards d'euros. Cette dérive, extrêmement préoccupante, rendra de plus en plus difficile toute réforme du système.

Nous attendons enfin maintenant avec impatience le rapport Duron...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Je salue la volonté exprimée d'un pilotage politique du ferroviaire, qui nous fait sortir du train-train habituel... Je me demande parfois si nous disposons vraiment de tous les éléments sur les problèmes financiers de la SNCF et de RFF. Les six-cents millions d'euros de gains de productivité que Jacques Rapoport annonce dans cinq ou six ans, par exemple, nécessiteraient plus d'explications.

Debut de section - Permalien
Jacques Auxiette

Nous sommes allés en Allemagne, en Angleterre également. La Deutsche Bahn évalue ces gains à peu près à la même somme. On peut cependant s'interroger : pourquoi ne s'en est-on pas aperçu plus tôt ? Il est nécessaire que l'État, et j'entends par là le pouvoir politique, reprenne la main.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

A travers votre analyse, je retiens la nécessité que les élus jouent vraiment leur rôle de contrôle, ce qui peut s'avérer difficile dans le cadre d'une nébuleuse de neuf cents filiales. La SNCF faisait historiquement tout, infrastructure et exploitation. La séparation de 1997 n'a pas fait bouger les choses. Elle a complexifié le système et a globalement fait augmenter les coûts du système ferroviaire.

Beaucoup de nos collègues sénateurs ont pourtant produit ces dernières années d'excellents rapports sur le sujet. Le constat est celui d'une absence de pilote. Nous avons pu le constater hier encore avec Michel Teston lors d'une rencontre avec le président Rapoport. Il nous a indiqué avoir décidé que les petites lignes ne seraient plus régénérées par RFF et seraient dorénavant financées par les régions. C'est la décision d'un établissement public d'État affirmée devant des élus. On se pose la question : qui décide ? Les petites lignes sont importantes pour nos territoires. Je pense à l'agglomération tourangelle. Nous travaillons sur une étoile ferroviaire à huit branches, dont on veut faire un des points principaux de l'avenir du schéma de l'agglomération tourangelle. Le coût sera élevé si les décideurs politiques que nous sommes et l'État ne disent pas à RFF de travailler différemment, et de faire peut-être qu'une partie des fonds alloués à la régénération des lignes ferroviaires soit aussi investie sur ce que M. Rapoport appelle les petites lignes.

Dans le cadre du projet de loi décentralisation, les régions vont être reconnues comme autorités organisatrices de l'intermodalité. Nous déposerons sans doute un amendement pour mettre en place un schéma de l'intermodalité au niveau des régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Bien que je n'aie pas encore lu votre rapport, mais seulement sa synthèse, permettez-moi de vous féliciter pour l'ampleur du travail que vous avez accompli. Je crois qu'il y a quelque chose à faire, que les politiques, quel que soit leur niveau de responsabilité, doivent prendre ce problème à bras-le-corps. On nous balade depuis trop longtemps ! Les rapports se multiplient, qui sont bons en général, mais la technostructure n'en retient que ce qui l'intéresse. Nous sommes là en présence d'un enjeu non pas de politique politicienne, mais bien d'aménagement du territoire.

Vous mettez les organisations syndicales, dans votre organigramme, au niveau du conseil d'administration du Pôle Public Ferroviaire : pourquoi ? Je n'ai rien contre les syndicats, ils sont nécessaires. Mais leur but est de s'occuper des intérêts de leurs mandants. En outre, ils sont rarement très représentatifs, puisque le taux de syndicalisation n'est que de 10 % dans notre pays. Dans un grand port maritime, ils figurent au conseil de développement, où ils peuvent donner un avis consultatif, mais pas au conseil d'administration.

Debut de section - Permalien
Jacques Auxiette

Je suis membre du conseil d'administration d'un grand port autonome, celui de Saint-Nazaire, et je peux vous indiquer que les syndicats siègent au conseil de surveillance.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Vous parlez des représentants du personnel ou des représentants syndicaux ? Ce n'est pas la même chose.

Debut de section - Permalien
Jacques Auxiett

e. - En fait, il s'agit bien des représentants du personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Si je prends l'exemple du secteur agricole, il y a une distinction très nette entre les chambres d'agricultures, pour lesquelles tout le monde vote, et les syndicats agricoles.

Je suis donc plutôt favorable à une représentation de l'ensemble des personnels au niveau du conseil d'administration du Pôle Public Ferroviaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Je rappelle que la représentativité syndicale ne tient pas au nombre de leurs adhérents, mais aux élections professionnelles, où il y a beaucoup plus de votants !

En ce qui concerne le patrimoine ferroviaire, je voudrais faire deux observations. La première est relative aux ouvrages d'art. Lors du transfert des routes de l'État aux départements, les ouvrages d'arts ont fait partie du « paquet cadeau », même si cela n'a guère été mis en avant à l'époque. Les collectivités territoriales ont alors commencé à recevoir des factures pour l'entretien des ouvrages d'art leur appartenant, alors qu'auparavant seul l'État était chargé de leur entretien et comptable de leur sécurité. Or, les collectivités territoriales ne sont pas prêtes à assumer des responsabilités aussi lourdes - il suffit de penser à ce que représente un pont d'autoroute - qui les engagent financièrement et pénalement. Nous pouvons tous témoigner de la continuité, pour ne pas dire de la consanguinité, entre les services administratifs de l'État et les services de VNF et de RFF. Dans le cadre des concessions d'autoroutes, les ouvrages d'art ont été clairement transférés aux concessionnaires. En ce qui concerne le transfert des ouvrages d'art aux collectivités territoriales, c'est une aberration tant du point de vue de la sécurité que du point de vue financier. Le Sénat a adopté une proposition de loi sur ce sujet qui reflète le consensus des gens raisonnables, et qui se trouve désormais sur le bureau de l'Assemblée nationale. Nous en avons alerté le ministre Cuvillier, qui n'était pas au courant de l'existence de ce texte. Mais je sens une réticence de l'administration, qui ne veut surtout pas alourdir les charges de VNF et de RFF. Il y a donc encore un travail à faire.

Ma deuxième observation est relative aux « petites lignes » ferroviaires. Pensez aux efforts que doivent faire aujourd'hui les métropoles pour rétablir des tramways, simplement parce qu'on n'a pas conservé l'emprise de ceux du début du siècle ! Ne commettons pas la même erreur avec l'emprise des « petites lignes » !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Si l'on veut demain une autoroute ferroviaire entre l'Espagne et le Luxembourg, il faudra des investissements considérables. L'État doit s'appuyer sur l'écotaxe et rendre l'usage de la route totalement dissuasif, afin de permettre un retour sur investissement satisfaisant pour les infrastructures ferroviaires. Il doit revenir très fortement comme planificateur, mettre en place une fiscalité incitative pour amener vers le rail et encourager les opérateurs à faire des investissements alternatifs à la route.

Debut de section - Permalien
Jacques Auxiette

L'objectif est bien d'affirmer une ambition ferroviaire, un avenir pour le ferroviaire. J'ai été auditionné par la Cour des Comptes, qui m'a affirmé qu'il fallait abandonner 6 000 kilomètres de « petites lignes ». J'ai hurlé, et même insulté les magistrats de la Cour. Je crois qu'il est temps pour le politique de s'affirmer. Ces « petites lignes » sont indispensables pour développer le fret.

Il y a dans mon rapport des réflexions apparemment un peu contradictoires : nous voulons avoir des interlocuteurs décisionnels, et que tout ne remonte pas à Paris. Mais, en même temps, nous ne demandons pas d'avoir 22 SNCF ou 22 RFF, ni une distinction entre un réseau national et un réseau « secondaire ». Nous sommes favorables à l'unicité du réseau, qui est indispensable au bon fonctionnement du dispositif. Cette dimension est très importante, y compris par rapport au débat sur l'ouverture à la concurrence. Ce n'est pas une question partisane, mais une question de culture nationale. Les cheminots font partie de l'histoire de France. L'affirmation du rail comme patrimoine de la Nation m'apparaît comme un élément d'acceptabilité d'évolutions nécessaires et difficiles.

Je n'ai pas développé l'aspect écotaxe. Mais elle est évoquée dans le rapport, y compris relativement au gazole. Le versement transport est un problème pour les régions, qui ne disposent quasiment plus de fiscalité directe en dehors du produit des cartes grises, qui tend à diminuer, et accessoirement d'une fraction de la TIPP, également orientée à la baisse, dans un contexte de réduction des dotations budgétaires de l'État. Cette évolution contraste avec l'inflation des coûts du ferroviaire, qui a augmenté pour les régions de 4,3 % l'an dernier. Cette situation est intenable pour les régions françaises. Quant au débat sur le versement transport, on sait qu'il s'agit d'une taxe payée par les entreprises mais aussi par les services publics, dans une proportion de 40 % - 60 %. Je ne suis pas un grand partisan du versement transport, mais je le défends en tant que ressource financière des régions.

Sur l'intermodalité, il me paraît important de faire attention au vocabulaire. Certains voudraient supprimer la compétence attribuée par la LOTI aux départements, pour les transports scolaires et les services de cars, qui existait avant que les régions aient la compétence ferroviaire. Je n'ai pas voulu entrer dans ce débat : on ne touche donc pas à la LOTI. Mais il y a des progrès à faire sur l'information aux voyageurs, sur la billettique, sur l'intermodalité. La formulation de la loi doit être clairement précisée, sans modifier le système actuel. J'ai proposé la formule de « démarches de coordination », mais on m'a objecté qu'elle ne serait pas juridique. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui montent des usines à gaz impossibles à gérer qui m'ont fait cette objection... Concurrence entre départements et régions. Des pôles d'échange multimodaux doivent être développés autour des gares. Il faut être prudent, certaines formulations ne sont pas bonnes. Il faut faire attention à la responsabilité d'autorité organisatrice de transports. Il faut la formuler en droit, proprement, dans une démarche lisible orientée vers l'usager.

Je voudrais revenir sur la dimension de l'État, c'est-à-dire du pouvoir politique. Je ne suis pas satisfait des formulations : pour les régions, on sait ce qu'est une AOT. Messieurs les sénateurs, vous allez devoir arbitrer les propositions du rapport de Philippe Duron, car ce n'est pas au président de RFF, par exemple, de décider. Je ne veux pas dire que les politiques seront forcément meilleurs, mais il est essentiel que ce soit eux qui décident. Qui a décidé les TGV ? Qui a créé les 20 milliards de dette en 1997 ? C'est la SNCF, avec la complicité de tout le monde ! Je plaide pour un retour du politique, qui n'est pas là que pour couper des rubans, mais aussi pour prendre des décisions qui ne sont pas toujours faciles.

Il faut maintenir des grandes lignes en France. Je me suis battu contre la suppression des trains Corail en 2004-2005, sous le prétexte qu'ils coûtaient à l'époque 120 millions par an à la SNCF. Aujourd'hui, c'est 400 millions d'euros. Et ce n'est qu'en 2010 que l'État a pris la responsabilité d'AOT pour les fameux « trains d'équilibre du territoire ». Je propose que l'État redevienne AOT pour les TGV, dont la responsabilité a été transférée à la SNCF, qui a confié le marché à Alstom. Voilà autant de questions qui vont se poser tout de suite.

En ce qui concerne les noeuds ferroviaires, en Rhône-Alpes, à Tours, à Bordeaux, il est essentiel de les dénouer, même si c'est moins valorisant que d'inaugurer une nouvelle LGV.

En ce qui concerne le débat politique sur l'ouverture à la concurrence - ou pas - le positionnement des régions françaises est simple : les règles républicaines, transposées du droit européen, doivent s'appliquer à l'horizon 2019. Il n'y a pas de remise en cause de l'ouverture à la concurrence. C'est pourquoi le schéma d'organisation dans mon rapport mentionne bien la coordination des opérateurs ferroviaires, au pluriel. Ne créons pas de faux débat ! Nous en avons suffisamment de vrais. Ne nions pas non plus le rôle de l'opérateur historique. Dans le dispositif et les formulations, nous disons, à la proposition n° 39 : « imposer à la SNCF et au GIU la réalisation tous les cinq ans des gains de productivité actuellement chiffrés et la recherche de pistes d'optimisation des coûts envisageables sans dégradation de la qualité de service ». A la proposition n° 41, nous disons : « prioriser, dans un contexte de contraction des finances publiques, le renouvellement du réseau ferroviaire et la désaturation des zones où l'existant ne permet plus de répondre à la demande de mobilité ». Ce n'est pas faire de la démagogie ! Dans le débat, nous allons plaider pour une réunification de la famille cheminote. Ce n'est pas le statut qui est déterminant pour le niveau des coûts de production, mais les conditions d'organisation. Il faut maintenir le statut des cheminots, qui contribue à leur fierté, en contrepartie d'objectifs de performance liée à cette démarche. Les cheminots en sont conscients. Ils sont attachés au service public et savent que, si réunification il y a, ce ne sera pas pour faire comme avant 1997.

J'ai demandé à comparer les coûts facturés par la SNCF à l'international, dans ses filiales, aux coûts qu'elle facture aux régions. J'ai aussi demandé à ce que les administrateurs de ces filiales soient civilement et pénalement responsables, comme le sont les maires et les présidents de régions, sur le modèle de ce qui existe déjà en Belgique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Sur l'unité du réseau, j'avais été surpris de lire dans une première mouture du projet de loi de décentralisation que certaines lignes pourraient être transférées aux régions. Je suis profondément attaché à l'unité du réseau ferroviaire national ; je souhaiterais donc avoir confirmation que l'Association des régions de France est bien en phase avec ma position.

Concernant les trains d'équilibre du territoire, depuis la convention de 2010, l'État en est responsable et a confié l'exploitation pour quatre ans à la SCNF avec d'ailleurs une prolongation du contrat. Il me paraitrait anormal de faire supporter aux régions les dépenses, parfois lourdes, d'un certain nombre de lignes qui sont incontestablement des lignes d'aménagement du territoire, ou pour reprendre les termes de Jacques Auxiette, des grandes lignes nationales. En revanche, il y a peut-être quelques lignes TET qui sont davantage des lignes interrégionales. Je ne sais pas si, dans la réflexion qui a été menée, on laisse le curseur là où il est actuellement, entre TER et TET.

Debut de section - Permalien
Jacques Auxiette

Cette question est d'actualité. Certains spécialistes ont proposé récemment que les TET ne s'arrêtent que dans les villes de plus de 100 000 habitants... En 2004-2005 lors du débat sur la suppression des trains Corail, j'avais demandé à ce qu'il y ait un dialogue région par région pour examiner ce qu'est vraiment un train d'équilibre du territoire, ou train grande ligne, qui a une vocation d'aménagement du territoire. Cette question est d'autant plus urgente et importante que nous n'aurons pas la capacité de faire des lignes à grande vitesse dans les cinq à dix ans à venir là où elles sont prévues. Il faudra donc qu'il y ait une amélioration des dessertes grandes lignes dans ces endroits. Cela suppose les infrastructures et le matériel nécessaires. Actuellement, nos TER circulent le plus souvent entre plusieurs régions. L'idée que certains TET puissent être considérés comme des TER suppose une négociation région par région, en réfléchissant aux compensations financières qui s'imposent au cas par cas. Il y a des propositions de la Caisse des Dépôts et Consignations, avec la Banque européenne d'investissement, dans le cadre des dix milliards évoqués, sur des logiques de prêts à trente ou quarante ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Merci pour la qualité de votre rapport, et pour la force et la conviction de vos propositions. Dans de nombreux territoires, l'enjeu est de développer les petites lignes, notamment pour le fret. Je partage avec vous le constat sur le problème des ressources des régions, dont la fiscalité est figée, et qui ne pourront pas aller plus loin. La réponse que vous nous avez rapportée du président de RFF doit nous faire réagir. Je rappelle que le SNIT n'a été examiné qu'au Sénat. Nous avions alors alerté les pouvoirs publics sur la situation des territoires qui n'ont plus que la voie ferrée. C'est un combat qui continue. La difficulté à réformer ce système est un peu désespérante. Vous avez raison de nous rappeler à nos responsabilités. C'est aux représentants des citoyens, au Parlement, de se faire entendre, en particulier au sein de notre commission qui a la responsabilité de l'aménagement du territoire et des transports.