Intervention de Jacques Auxiette

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 15 mai 2013 : 1ère réunion
Régions et ferroviaire — Audition de M. Jacques Auxiette président du conseil régional des pays-de-la-loire chargé d'une mission de concertation sur les régions et le ferroviaire

Jacques Auxiette :

L'objectif est bien d'affirmer une ambition ferroviaire, un avenir pour le ferroviaire. J'ai été auditionné par la Cour des Comptes, qui m'a affirmé qu'il fallait abandonner 6 000 kilomètres de « petites lignes ». J'ai hurlé, et même insulté les magistrats de la Cour. Je crois qu'il est temps pour le politique de s'affirmer. Ces « petites lignes » sont indispensables pour développer le fret.

Il y a dans mon rapport des réflexions apparemment un peu contradictoires : nous voulons avoir des interlocuteurs décisionnels, et que tout ne remonte pas à Paris. Mais, en même temps, nous ne demandons pas d'avoir 22 SNCF ou 22 RFF, ni une distinction entre un réseau national et un réseau « secondaire ». Nous sommes favorables à l'unicité du réseau, qui est indispensable au bon fonctionnement du dispositif. Cette dimension est très importante, y compris par rapport au débat sur l'ouverture à la concurrence. Ce n'est pas une question partisane, mais une question de culture nationale. Les cheminots font partie de l'histoire de France. L'affirmation du rail comme patrimoine de la Nation m'apparaît comme un élément d'acceptabilité d'évolutions nécessaires et difficiles.

Je n'ai pas développé l'aspect écotaxe. Mais elle est évoquée dans le rapport, y compris relativement au gazole. Le versement transport est un problème pour les régions, qui ne disposent quasiment plus de fiscalité directe en dehors du produit des cartes grises, qui tend à diminuer, et accessoirement d'une fraction de la TIPP, également orientée à la baisse, dans un contexte de réduction des dotations budgétaires de l'État. Cette évolution contraste avec l'inflation des coûts du ferroviaire, qui a augmenté pour les régions de 4,3 % l'an dernier. Cette situation est intenable pour les régions françaises. Quant au débat sur le versement transport, on sait qu'il s'agit d'une taxe payée par les entreprises mais aussi par les services publics, dans une proportion de 40 % - 60 %. Je ne suis pas un grand partisan du versement transport, mais je le défends en tant que ressource financière des régions.

Sur l'intermodalité, il me paraît important de faire attention au vocabulaire. Certains voudraient supprimer la compétence attribuée par la LOTI aux départements, pour les transports scolaires et les services de cars, qui existait avant que les régions aient la compétence ferroviaire. Je n'ai pas voulu entrer dans ce débat : on ne touche donc pas à la LOTI. Mais il y a des progrès à faire sur l'information aux voyageurs, sur la billettique, sur l'intermodalité. La formulation de la loi doit être clairement précisée, sans modifier le système actuel. J'ai proposé la formule de « démarches de coordination », mais on m'a objecté qu'elle ne serait pas juridique. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui montent des usines à gaz impossibles à gérer qui m'ont fait cette objection... Concurrence entre départements et régions. Des pôles d'échange multimodaux doivent être développés autour des gares. Il faut être prudent, certaines formulations ne sont pas bonnes. Il faut faire attention à la responsabilité d'autorité organisatrice de transports. Il faut la formuler en droit, proprement, dans une démarche lisible orientée vers l'usager.

Je voudrais revenir sur la dimension de l'État, c'est-à-dire du pouvoir politique. Je ne suis pas satisfait des formulations : pour les régions, on sait ce qu'est une AOT. Messieurs les sénateurs, vous allez devoir arbitrer les propositions du rapport de Philippe Duron, car ce n'est pas au président de RFF, par exemple, de décider. Je ne veux pas dire que les politiques seront forcément meilleurs, mais il est essentiel que ce soit eux qui décident. Qui a décidé les TGV ? Qui a créé les 20 milliards de dette en 1997 ? C'est la SNCF, avec la complicité de tout le monde ! Je plaide pour un retour du politique, qui n'est pas là que pour couper des rubans, mais aussi pour prendre des décisions qui ne sont pas toujours faciles.

Il faut maintenir des grandes lignes en France. Je me suis battu contre la suppression des trains Corail en 2004-2005, sous le prétexte qu'ils coûtaient à l'époque 120 millions par an à la SNCF. Aujourd'hui, c'est 400 millions d'euros. Et ce n'est qu'en 2010 que l'État a pris la responsabilité d'AOT pour les fameux « trains d'équilibre du territoire ». Je propose que l'État redevienne AOT pour les TGV, dont la responsabilité a été transférée à la SNCF, qui a confié le marché à Alstom. Voilà autant de questions qui vont se poser tout de suite.

En ce qui concerne les noeuds ferroviaires, en Rhône-Alpes, à Tours, à Bordeaux, il est essentiel de les dénouer, même si c'est moins valorisant que d'inaugurer une nouvelle LGV.

En ce qui concerne le débat politique sur l'ouverture à la concurrence - ou pas - le positionnement des régions françaises est simple : les règles républicaines, transposées du droit européen, doivent s'appliquer à l'horizon 2019. Il n'y a pas de remise en cause de l'ouverture à la concurrence. C'est pourquoi le schéma d'organisation dans mon rapport mentionne bien la coordination des opérateurs ferroviaires, au pluriel. Ne créons pas de faux débat ! Nous en avons suffisamment de vrais. Ne nions pas non plus le rôle de l'opérateur historique. Dans le dispositif et les formulations, nous disons, à la proposition n° 39 : « imposer à la SNCF et au GIU la réalisation tous les cinq ans des gains de productivité actuellement chiffrés et la recherche de pistes d'optimisation des coûts envisageables sans dégradation de la qualité de service ». A la proposition n° 41, nous disons : « prioriser, dans un contexte de contraction des finances publiques, le renouvellement du réseau ferroviaire et la désaturation des zones où l'existant ne permet plus de répondre à la demande de mobilité ». Ce n'est pas faire de la démagogie ! Dans le débat, nous allons plaider pour une réunification de la famille cheminote. Ce n'est pas le statut qui est déterminant pour le niveau des coûts de production, mais les conditions d'organisation. Il faut maintenir le statut des cheminots, qui contribue à leur fierté, en contrepartie d'objectifs de performance liée à cette démarche. Les cheminots en sont conscients. Ils sont attachés au service public et savent que, si réunification il y a, ce ne sera pas pour faire comme avant 1997.

J'ai demandé à comparer les coûts facturés par la SNCF à l'international, dans ses filiales, aux coûts qu'elle facture aux régions. J'ai aussi demandé à ce que les administrateurs de ces filiales soient civilement et pénalement responsables, comme le sont les maires et les présidents de régions, sur le modèle de ce qui existe déjà en Belgique.

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