Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie le 10 avril dernier pour œuvrer à l’élaboration d’un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale a travaillé dans un esprit constructif et elle est parvenue sans grandes difficultés à un accord.
Neuf articles restaient en discussion : huit ont été adoptés dans la rédaction de l’Assemblée nationale et un dans celle du Sénat.
Il convient de souligner que les solutions trouvées par l’Assemblée nationale sur ces articles sont proches de celles que la commission des affaires sociales du Sénat avait choisies, et il y avait une grande convergence de vues entre les majorités de nos deux assemblées.
Concernant l’article 4, la commission mixte paritaire a précisé le champ de la dérogation accordée aux laboratoires de l’Établissement français du sang en matière d’implantation géographique. Ce souci rejoint celui de notre commission de limiter les risques de distorsion de concurrence avec les laboratoires publics et privés réalisant les mêmes examens, tout en tenant compte de la spécificité de cet établissement. Cela nous avait conduits, en séance publique, à adopter, à la demande du Gouvernement, une dérogation générale pour les laboratoires de cet établissement.
La commission mixte paritaire a par ailleurs limité au seul prélèvement les étapes d’un examen qu’il sera possible de conduire hors d’un laboratoire de biologie médicale. Nous avions, pour notre part, élargi cette possibilité à l’ensemble de la phase pré-analytique, considérant qu’il n’était pas possible de séparer juridiquement l’acte de prélèvement des autres composantes de cette phase : étiquetage, conditionnement et transport. Cette formulation suscitait pourtant, il faut bien le reconnaître, des inquiétudes parmi les acteurs concernés, qu’il convenait de prendre en compte.
La commission mixte paritaire a rétabli l’article 6, auquel j’étais personnellement très attaché, qui ouvre la possibilité à certains médecins non titulaires du DES de biologie médicale d’accéder à des postes de praticien hospitalier.
Je rappelle que le Sénat s’est opposé à plusieurs reprises à cette mesure. La biologie médicale est néanmoins une discipline spéciale : elle est mixte, parce qu’elle peut être exercée par des pharmaciens et par des médecins, et elle réunit plusieurs disciplines différentes, notamment la génétique. Sans doute, le statut de la génétique au sein des CHU, les centres hospitaliers universitaires, demande-t-il à être précisé. Si cette spécialité était reconnue à part entière, cela permettrait sans doute de mettre fin à plusieurs demandes d’octroi de postes de PU de biologie médicale.
En l’état actuel, la rédaction de l’article 6 me paraît tout à fait équilibrée, et les dispositions prévues constituent un compromis largement accepté par les acteurs.
À l’article 6 et à l’article 7, la commission mixte paritaire a rétabli les mesures transitoires permettant aux praticiens ayant exercé la biologie médicale pendant plusieurs années avant l’entrée en vigueur de la loi de poursuivre leur activité.
Surtout, à l’article 7, la commission mixte paritaire a rétabli les paliers d’accréditation qu’avait envisagés notre commission des affaires sociales, en prévoyant un seuil de 50 % en 2016, de 70 % en 2018 et de 100 % en 2020. Ne sont pas soumis à accréditation les examens innovants qui figurent parmi les actes hors nomenclature et qui ne sont pas encore évalués par la Haute Autorité de santé. J’ai indiqué à plusieurs reprises au cours de nos débats les raisons pour lesquelles il était essentiel de fixer un objectif à 100 %, sans lequel l’accréditation perdrait tout fondement.
Chaque laboratoire peut choisir les types d’examens auxquels il procède, et personne ne l’oblige à se faire accréditer à 100 % pour tous les examens existants. Mais, s’agissant des examens que le laboratoire réalise, il est impératif, pour la sécurité des patients, qu’il soit progressivement accrédité à 100 %. En effet, comme l’a souligné fort justement à l'Assemblée nationale Mme la rapporteure Ségolène Neuville, comment choisir les examens qui ne nécessiteraient pas d’accréditation ? S’agit-il d’examens moins importants ou moins utiles ? On pourrait alors s’interroger sur leur légitimité. Aussi était-il important, pour la sécurité des patients, je le répète, de lisser ce seuil sur plusieurs années pour parvenir à 100 %.
Certains ont craint, cela pouvait se comprendre, que l’accréditation n’empêche l’innovation. Il me semble que la rédaction de l’Assemblée nationale, adoptée par la commission mixte paritaire, limite ce risque. Je précise toutefois qu’il s’agit d’exonérer de l’accréditation non pas tous les actes hors nomenclature, mais seulement la minorité de ceux qui sont considérés comme innovants, c’est-à-dire dont l’efficacité n’est pas encore établie.
Concernant l’article 7 bis relatif aux examens urgents, la commission mixte paritaire a prévu la fixation par arrêté de la liste des examens concernés.
S’agissant de l’article 8 relatif aux formes d’exercice et de détention du capital des laboratoires, la commission mixte paritaire a prévu la transmission aux ordres compétents de l’ensemble des contrats et elle a rétabli les dispositions introduites par le Sénat, contre l’avis de la commission, relative à la détention minoritaire de capital. Ces dispositions font l’objet d’un amendement du Gouvernement ; nous y reviendrons ultérieurement.
Concernant les articles 9 et 10, la commission mixte paritaire a procédé à des améliorations rédactionnelles.
Par ailleurs, elle a supprimé l’article 10 bis relatif à l’encadrement des tarifs du COFRAC, le Comité français d’accréditation, au bénéfice de l’enquête demandée, sur ma proposition, par la commission des affaires sociales, à la Cour des comptes.
Enfin, elle a complété l’article 11, en prévoyant un régime adapté aux territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de Mayotte.
Le texte auquel nous avons abouti me paraît parfaitement équilibré et, sous réserve de l’amendement du Gouvernement, juridiquement solide. Nous partageons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, la volonté de garantir la place de la biologie médicale comme profession médicale et non comme profession commerciale.
Ce texte comporte des dispositions de nature à limiter la financiarisation de la profession et à garantir la possibilité pour les jeunes biologistes d’exercer leur métier en toute indépendance.
Néanmoins, je tiens à rappeler que la biologie médicale s’exerce majoritairement à titre libéral et, dès lors, les entraves que nous pouvons porter à la liberté de la concurrence doivent être limitées, comme je l’ai rappelé à plusieurs reprises tant en commission que dans cette enceinte. Faute de quoi l’application du droit européen est susceptible de priver les praticiens de toute protection face aux intérêts financiers. L’amendement présenté par la Gouvernement est nécessaire pour garantir la sécurité juridique de l’ensemble de mesures prises pour assurer l’indépendance des jeunes biologistes. Il a d’ailleurs reçu cet après-midi un avis favorable de la commission des affaires sociales.
Ce ne sont pas seulement les laboratoires privés qui sont visés par ce texte. La biologie médicale publique est pleinement engagée dans la réforme de la profession et dans le processus d’accréditation. Nous n’avons pas créé de distinction – c’est un point essentiel – entre le niveau de qualité que les usagers sont en droit d’attendre du public et du privé. Avec l’accréditation, le plus haut niveau de qualité sera garanti à tous sur l’ensemble du territoire.
Si la Haute Assemblée adopte ce soir la proposition de loi que j’ai déposée avec plusieurs membres du groupe socialiste, ce sera l’aboutissement d’un travail de plusieurs années portées par de nombreuses personnes, dont plusieurs de nos collègues membres de l’ancienne majorité. Même si certains d’entre eux ne siègent plus au sein de notre assemblée, je tiens à les saluer tous.
Comme d’autres l’ont fait avant moi, j’ai essayé, sans a priori d’entendre et, si possible, de réunir l’ensemble des nombreuses parties prenantes du secteur de la biologie médicale, sans jamais interrompre le dialogue. Parvenir à un texte parfaitement consensuel s’est révélé impossible, mais je pense que celui qui vous est proposé ce soir, mes chers collègues, amendé par le Gouvernement, est le moins imparfait qui soit. Je m’en réjouis pour la biologie médicale, pour ses praticiens, pour ses patients, surtout, et pour l’avenir de l’organisation des soins dans notre pays.
Pour conclure, permettez-moi de remercier les services des commissions des deux assemblées pour l’excellent travail réalisé en coordination avec le ministère des affaires sociales et de la santé.