Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 16 mai 2013 à 22h10
Réforme de la biologie médicale — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport Ballereau de septembre 2008 a tracé les grandes lignes de l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale.

Pour renforcer le caractère médical de la discipline, deux voies pouvaient être empruntées : industrialiser la biologie médicale afin de réduire les coûts, en partant du principe que l’analyse médicale est une simple prestation technique, ou considérer que l’analyse est un acte médical qui apporte une réponse à une question clinique par un examen approprié.

Nous nous félicitons que, lors de la réforme lancée en 2010, c’est la seconde voie qui ait été privilégiée. L’ordonnance relative à la biologie médicale visait à atteindre plusieurs objectifs : d’abord, garantir la qualité des actes et la confiance des professionnels et des patients ; ensuite, assurer l’efficience des dépenses, nécessité économique et éthique ; enfin, assurer une bonne adéquation entre nos exigences nationales et celles de l’Union européenne.

La biologie médicale reste un enjeu majeur des politiques publiques, du point de vue de la santé publique comme du maintien d’une profession de qualité sur notre territoire ; lors de nos débats, les orateurs de toutes tendances l’ont souligné.

Nous sommes convaincus de la nécessité de préserver les spécificités de la biologie médicale française. Du reste, c’est pour réaffirmer le caractère médical de la profession de biologiste et pour permettre des évolutions de structure en cohérence avec l’évolution des connaissances scientifiques et technologiques que le précédent gouvernement avait souhaité entreprendre une nouvelle réforme en rédigeant l’ordonnance du 13 janvier 2010.

Après que cette réforme a suivi un parcours parlementaire pour le moins décousu, nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi de notre collègue et rapporteur Jacky Le Menn, dont je tiens à saluer le travail. Ce texte a pour principal objectif la ratification de l’ordonnance du 13 janvier 2010. Je rappelle que l’absence de ratification crée une insécurité juridique préjudiciable tant aux professionnels de santé qu’aux pouvoirs publics.

Le texte adopté par la commission mixte paritaire reprend pour l’essentiel celui qui a été voté par l’Assemblée nationale. Permettez-moi de revenir sur les articles qui nous semblent les plus importants.

L’article 1er bis de la proposition de loi affirme la médicalisation de la biologie médicale dans l’intérêt de la sécurité des patients et prévoit la présence obligatoire d’un biologiste par site.

L’article 4 organise les conditions de réalisation des prélèvements de biologie médicale. En première lecture, nous avons rappelé que la qualité de l’analyse, du prélèvement jusqu’au résultat, est plus facile à garantir lorsque le prélèvement est réalisé en laboratoire. Il est cependant utile, notamment pour des raisons de proximité géographique des patients, de permettre aux infirmières ou aux médecins de réaliser des prélèvements à domicile.

À cet égard, la rédaction issue de nos travaux ne nous semblait pas satisfaisante. En revanche, celle qui a été adoptée par la commission mixte paritaire correspond à la position que nous avions défendue en première lecture : le champ de l’examen de biologie médicale en dehors du laboratoire doit être restreint au seul prélèvement des échantillons biologiques, de manière que le reste de la phase pré-analytique demeure sous le contrôle du biologiste.

L’article 5 prévoit l’interdiction des ristournes. Ce sujet a déjà été débattu à maintes reprises par le Parlement. Nous considérons que cette pratique est contraire au principe de tarification des actes médicaux. Au demeurant, le retour aux ristournes est très mal vécu par la profession, qui l’interprète comme une négation de la médicalisation, dans la mesure où il tend à assimiler les analyses biologiques à des prestations de service.

Il existe cependant un cas pour lequel nous aurions dû prévoir une dérogation, afin de prendre en compte la situation spécifique de certains hôpitaux. Nous parlons souvent de l’importance du maillage territorial. Toutefois, certains départements ne disposent d’aucun laboratoire public de biologie médicale et leurs hôpitaux sont trop éloignés d’autres établissements équipés d’un laboratoire. Conformément à la réglementation, les établissements de santé publics doivent traiter avec des laboratoires privés, qui consentent alors des remises.

Nous regrettons de ne pas avoir été entendus à propos de la difficulté que rencontrent les établissements publics de santé ne disposant pas d’un laboratoire public. Nous ne voulions pas faire perdurer les ristournes de manière mercantile, mais épargner aux établissements de santé cette double peine : plus de laboratoire et davantage de dépenses.

L’article 6 tend à permettre le recrutement en CHU et dans les établissements qui leur sont liés par convention de professeurs des universités – praticiens hospitaliers ou de maîtres de conférence des universités – praticiens hospitaliers non titulaires du DES de biologie médicale.

En même temps qu’elle décourage les étudiants en biologie médicale d’envisager une carrière hospitalière, cette perspective suscite parmi eux un sentiment d’injustice et de dévalorisation de leur formation. Le Sénat a déjà rejeté, en 2011, une disposition analogue à celle-ci. L’ensemble des membres de la profession, ainsi que les ordres concernés, y sont opposés. Il ne semble pas qu’il y ait aujourd’hui plus de raisons d’accepter cette dérogation qu’il n’y en avait en 2011.

L’article 7 prévoit des ajustements en matière d’exercice de la biologie médicale et fixe les paliers d’accréditation des laboratoires. L’accréditation à 100 % a été introduite par la commission des affaires sociales du Sénat, qui a considéré que la limiter à 80 ou 90 % ne satisfaisait pas l’un des objectifs majeurs de la réforme, à savoir la qualité prouvée par l’accréditation. Rendre obligatoire l’accréditation des laboratoires est le seul moyen possible de prouver la qualité des examens. La biologie médicale sera ainsi la seule discipline médicale pour laquelle il existe une accréditation. Le calendrier échelonné de la mise en place de l’accréditation à 100 % au 1er novembre 2020 nous semble raisonnable.

Cependant, nous sommes conscients des difficultés rencontrées par les laboratoires : la tarification des actes est gelée depuis des années, certains tarifs ayant même été diminués d’autorité par les pouvoirs publics. Pris en étau entre une accréditation relativement coûteuse et le gel de la tarification de leurs actes, certains laboratoires risquent de se trouver en difficulté. Un équilibre doit donc être trouvé, pour que certains d’entre eux, en particulier dans les territoires ruraux, puissent continuer d’exister.

L’article 8, qui vise à freiner la financiarisation du secteur en rétablissant le principe d’une détention majoritaire du capital de la société d’exercice libéral par les biologistes, a été largement remanié par la commission mixte paritaire, pour répondre notamment à l’inquiétude des jeunes biologistes et de ceux qui veulent préserver une biologie médicale de proximité et non financiarisée.

Réserver aux biologistes l’accès au capital des laboratoires ne suffisait pas à garantir l’indépendance de ceux-ci. Pour lutter efficacement contre la financiarisation et promouvoir la transparence, il fallait aussi rendre obligatoire la communication de l’ensemble des conventions aux ordres compétents. La commission mixte paritaire a introduit une disposition en ce sens, ce dont nous nous réjouissons.

Je vous rappelle que, sur notre initiative, le statut d’associé ultra-minoritaire dans les laboratoires de biologie médicale avait été supprimé en première lecture.

Dans les faits, la législation sur les sociétés d’exercice libéral de biologistes est détournée par certains investisseurs, qui ne proposent qu’une fraction infime des parts sociales aux nouveaux entrants ou les dépossèdent contractuellement du contrôle effectif des parts qu’ils ont acquises. Dans certains cas, sur simple notification des investisseurs financiers, le biologiste doit céder ses parts à l’acheteur désigné par ces derniers. Ce sont donc souvent les investisseurs financiers qui contrôlent la part des biologistes dans le capital, et plus généralement l’intégralité du capital des laboratoires dans lesquels ils ont investi.

Nous nous félicitons que la suppression du statut d’associé ultra-minoritaire ait été confirmée par la commission mixte paritaire et nous regrettons donc que le Gouvernement ait déposé un amendement tendant à supprimer les alinéas 7 à 9 de l’article 8.

L’article 9 renforce le rôle des agences régionales de santé en leur permettant de réguler l’offre de biologie médicale sur les territoires. Il va donc dans le sens du rapport Ballereau, qui préconisait de conserver le principe de la liberté d’installation et de mettre en place une régulation. Il protège la proximité territoriale sans empêcher les restructurations nécessaires pour que les laboratoires atteignent une taille critique qui leur permette de faire face aux futurs enjeux économiques et techniques.

L’instabilité actuelle est préjudiciable à l’avenir de la profession, dans le secteur hospitalier et surtout dans le secteur libéral. Il est nécessaire d’y mettre un terme. C’est pourquoi, même si certaines dispositions de la proposition de loi ne les satisfont pas totalement, les sénateurs du groupe UMP, qui sont soucieux d’adopter une attitude constructive et qui soutiennent le principe de ce texte, n’empêcheront pas son adoption, mais s’abstiendront.

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