Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà au terme d’un parcours long et sinueux, plusieurs orateurs l’ont rappelé avant moi, puisque ce texte sur la biologie médicale est le cinquième sur ce thème à avoir été inscrit à l’ordre du jour du Sénat en quatre ans.
Nous avons pu le constater, le sujet suscite un débat encore assez animé. Néanmoins, grâce aux efforts de notre rapporteur pour susciter la concertation et au travail constructif de tous nos collègues de la commission des affaires sociales, nous avons pu parvenir à un texte équilibré. Le groupe écologiste s’en réjouit, et vous remercie, mes chers collègues, du juste compromis que vous avez su trouver entre qualité, accessibilité, proximité et indépendance de la biologie médicale, dans le cadre des deux problématiques fondamentales que sont l’accréditation et la lutte contre la financiarisation.
Il faut bien le reconnaître, l’accréditation, tout d'abord, est difficile à critiquer sur le fond. Elle permet en effet, si toutefois les conditions de travail sont convenables, d’assurer la permanence des procédures, d’améliorer l’information et la communication internes, donc, globalement, la qualité, la traçabilité et la transparence, des évolutions que les écologistes ne cessent de réclamer dans d’autres contextes.
Pour autant, nous ne sommes pas naïfs : il ne fait aucun doute que les gros laboratoires ont valorisé au maximum l’accréditation aux yeux des pouvoirs publics, non pas seulement pour des raisons vertueuses, mais aussi parce qu’ils savaient pouvoir l’assumer plus facilement que d’autres.
Quoi qu’il en soit, l’accréditation des laboratoires a, dans un premier temps, soulevé le mécontentement et l’inquiétude de certains biologistes, parce qu’elle est onéreuse et chronophage et parce qu’elle les éloigne de leur cœur de métier quand ils ne sont pas en situation de déléguer cette tâche à un nouveau salarié. Pourtant, force est de le constater, le processus est aujourd’hui enclenché. L’accréditation a en effet déjà été obtenue ou est en cours d’obtention par un grand nombre d’établissements.
Je rejoins de ce fait le constat dressé par M. le rapporteur en première lecture. Le problème est non pas l’accréditation elle-même, mais le rythme et les modalités de sa mise en œuvre. En la matière, il me semble que le compromis auquel nous sommes parvenus est équilibré, même si des inquiétudes demeurent concernant le COFRAC.
Cet organisme chargé d’une mission de service public et disposant d’un monopole national pour son action pose en effet un problème, en raison tant de son manque d’indépendance, car les experts biologiques censés délivrer l’accréditation sont souvent issus des grands laboratoires, que des tarifs élevés qu’il applique. Nous resterons donc vigilants en la matière, et je sais que nous ne serons pas les seuls. C’est une question qu’il faudra absolument revoir très vite. La commission des affaires sociales a d’ailleurs demandé un rapport sur ce sujet à la Cour des comptes.
La financiarisation est le second enjeu important de la réforme de la biologie médicale. Que des fonds de pension ou d’autres investisseurs spéculent ainsi sur des établissements à vocation sanitaire est en effet choquant. Nous étions nombreux à partager l’objectif d’y remédier.
En première lecture, le Sénat avait d’ailleurs adopté un amendement écologiste tendant à ce que l’ensemble des contrats et conventions signés dans le cadre des sociétés d’exercice libéral soient rendus publics à la demande de l’un des détenteurs du capital.
Il visait particulièrement les conventions extrastatutaires actuellement non communiquées aux autorités, qui permettent de contourner l’esprit de la loi, et notamment les clauses dites « d’entraînement », fréquemment introduites pour permettre aux financiers, majoritaires, d’obliger les minoritaires, en l’espèce les biologistes exerçants, à céder leurs parts en même temps qu’eux, de sorte qu’ils ne puissent avoir leur mot à dire en cas de volonté de cession des financiers ; ou encore les clauses de type buy or sell, qui profitent également aux financiers en contraignant un actionnaire minoritaire soit à racheter l’intégralité des parts des majoritaires, soit à leur vendre ses parts au prix qu’ils ont proposé.
L’adoption de cet amendement par le Sénat, avec le soutien de notre rapporteur et à une large majorité, nous semblait une avancée salutaire. De fait, nous avons été déçus que l’Assemblée nationale supprime purement et simplement la disposition qui avait été ainsi introduite.
Cependant, les sénateurs ont fait entendre leur voix en commission mixte paritaire, et nous sommes parvenus à réinsérer dans le texte aujourd’hui soumis à notre suffrage la disposition suivante : « L’ensemble des contrats et des conventions signés dans le cadre des sociétés d’exercice libéral est communiqué à l’ordre compétent […]. Toute convention ou clause cachée est alors inopposable. »
Il est clair que la communication à l’ordre est moins transparente que le fait de rendre publiques ces conventions, mais le caractère alors inopposable des clauses extrastatutaires est une avancée en soit qu’il faut souligner.
En conclusion, le groupe écologiste votera cette proposition de loi, parce que nous partageons l’espoir formé par Jacky Le Menn, dans l’introduction de son rapport, que ce texte apporte « une solution sinon définitive, du moins durable » aux problèmes de la biologie médicale, mais aussi parce que cette spécialité est devenue un élément central du parcours de soins des patients.
La biologie médicale ne doit donc plus souffrir de la crispation et des turpitudes dans lesquelles elle est plongée depuis maintenant plusieurs années.