Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objet principal de la présente proposition de loi est de s’attaquer à deux problèmes affectant la qualité de l’offre alimentaire ultramarine : la teneur en sucres ajoutés de certains produits et les dates limites de consommation, parfois différenciées pour les territoires ultramarins.
Plus précisément, le texte vise, d’une part, à fixer une teneur maximale en sucres ajoutés pour les produits alimentaires distribués dans les outre-mer et, d’autre part, à disposer que le délai limite de consommation ne peut être plus long pour les produits destinés à l’outre-mer que celui prévu pour la même denrée alimentaire distribuée dans l’Hexagone.
Bien sûr, nous partageons le constat fait dans le rapport.
Il est totalement anormal que la teneur en sucre des boissons sucrées et des yaourts puisse être supérieure en outre-mer que dans l’Hexagone. Les chiffres dont nous a fait part notre rapporteur sont édifiants : l’écart entre la teneur en glucides de boissons sucrées distribuées localement et dans l’Hexagone peut aller jusqu’à 47 %.
L’allégation par les industriels d’une prétendue préférence locale pour le sucre laisse sans voix. De deux choses l’une : soit, effectivement, cette préférence est culturelle, mais alors elle ne doit pas être entretenue, pour des raisons évidentes de santé publique, soit, au contraire, cette préférence est fictive, et elle se justifie encore moins. Il n’est pas non plus interdit de s’interroger sur la motivation réelle de cette explication.
Cela m’amène à la seconde question, celle des dates limites de consommation. Même constat et même réaction : qu’il puisse y avoir des dates limites de consommation selon que le produit est destiné au marché hexagonal ou au marché ultramarin est totalement injustifiable et totalement aberrant.
C’est, en tout cas, une illustration parfaite de l’anecdote que nous contait il y a peu Mme la garde des sceaux – certains ici s’en souviendront, sans doute –, qui, en arrivant en France, n’a pas retrouvé dans l’Hexagone le gruyère de son enfance. Et pour cause, ce dernier « picotait » !
Plaisanterie mise à part, encore une fois, les chiffres mentionnés par M. le rapporteur sont édifiants : il est tout bonnement invraisemblable que le délai de péremption affiché pour la consommation d’un produit soit de cinquante-cinq jours en outre-mer, quand il n’est que de trente jours en France.
Nous rejoignons votre raisonnement implacable, monsieur le rapporteur : compte tenu des conditions de transport desdits produits, s’il y avait un délai limite de consommation différencié, il devrait être avancé et non reculé ! Ou bien serait-ce que les produits en question contiennent davantage de conservateurs ? Soit dit en passant, il faudrait peut-être, d’ailleurs, reculer toutes les dates de péremption, y compris dans l’Hexagone.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, pour nous, la question du sucre et celle des dates de péremption sont liées. On le sait, le sucre conserve. Il est donc probable que l’une des raisons à l’intensification en sucre de certaines denrées microbiologiquement instables – les yaourts en sont l’exemple typique – soit de leur permettre de durer plus longtemps.
Cela, bien sûr, n’excuse rien et doit être combattu. C’est de la santé des habitants des territoires ultramarins qu’il est question.
Encore une fois, nous partageons le constat fait sur le surpoids, l’obésité et le diabète, tel qu’il a été rappelé par Mme David. Ces affections sont particulièrement fortes en outre-mer. Il n’est pas normal, et encore moins acceptable, que le taux de prévalence de l’obésité y soit de 23 %, contre 14, 5 % dans l’Hexagone. Il est même près de trois fois plus important en Guadeloupe et en Martinique qu’en métropole. Il en va de même pour le diabète, dont le taux de prévalence à la Réunion est le double de celui de l’Hexagone.
Évidemment, ces pathologies ont des causes multiples, même si le lien avec la surconsommation de sucre est bien établi.
Si, donc, nous partageons le constat global fait par les auteurs de la proposition de loi, nous différons, en revanche, quant aux solutions à apporter au problème.
Tout d’abord, je voudrais, sans malice, faire observer qu’il y a comme un hiatus entre l’intitulé du texte, ambitieux, et son contenu véritable. Lorsqu’il ne s’agit que de légiférer sur le taux de sucre et sur la date de péremption de certains produits, on ne peut pas dire que l’on garantit de manière globale la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer, sauf à considérer que l’outre-mer n’a vraiment aucun autre problème en la matière, ce qui, chacun le sait, est loin d’être le cas !
Ensuite, et plus fondamentalement, nous ne pensons pas que, en l’occurrence, le recours à la loi – à tout le moins, à une proposition de loi aussi circonstanciée – se justifie.
Encore une fois, de deux choses l’une : soit il n’est effectivement question que de traiter du taux de sucre et de la date de péremption de certains produits, et il ne revient donc pas à la loi de le faire, soit, au contraire, on entend traiter globalement les problèmes d’alimentation et de santé publique, et c’est alors d’un texte d’une autre envergure dont nous aurions aimé être saisis.
J’en reviens à la première branche de l’alternative : les seules questions du taux de sucre et de la date de péremption ne relèvent pas de la loi. Le rapporteur, lui-même, l’a dit : la question relève de divers plans et programmes, comme le programme national nutrition santé ou le plan obésité, qui ont fait l’objet de déclinaisons spécifiques pour l’outre-mer, ou encore le programme national pour l’alimentation.
Autrement dit, la proposition de loi qui nous est soumise couvre un champ qui est de nature strictement réglementaire.
En revanche, qu’il faille une grande loi de santé publique, qui revoit toutes les questions se posant en la matière, oui ! D’ailleurs, nous l’appelons fermement de nos vœux. La dernière date de 2004. Depuis, les choses ont évolué. Les sujets sont nombreux, ils vont de la fiscalité comportementale à l’éducation à la santé, en passant par la problématique des alicaments.
Cette loi nous a été annoncée à plusieurs reprises, mais nous ne la voyons pas venir. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
En attendant cette grande loi de santé publique, nous ne pouvons que regretter que, une fois de plus, les questions ultramarines ne soient pas traitées dans leur globalité. C’était déjà le sens de mon intervention sur la proposition de loi prorogeant le bonus exceptionnel outre-mer.
En même temps que nous appelons de nos vœux une grande loi de santé publique, nous réclamons aussi de véritables réformes, qui marqueraient un net progrès pour les collectivités ultramarines.