Tous les voyants sont donc au vert pour réformer profondément et efficacement l’école. Cependant, vos choix m’interpellent.
Commençons par la réforme des rythmes scolaires. Ce n’est pas parce que le sujet fait consensus qu’il est efficace de le traiter maintenant. Dans un pays où 20 % des élèves sortent sans diplôme du système éducatif, la priorité budgétaire devait-elle être donnée à cette réforme ? Depuis des mois que nous parlons de celle-ci, l’accent est mis sur les activités périscolaires. Or, selon moi – je l’ai écrit –, la lutte contre l’illettrisme, le décrochage scolaire et les inégalités scolaires suppose la mise en œuvre de mesures politiques centrées sur la maîtrise des fondamentaux.
L’une des questions centrales de l’enseignement dispensé en primaire est celle du temps d’enseignement disponible.
Pour lutter efficacement contre les inégalités scolaires, il faut renforcer le temps dédié à l’apprentissage des fondamentaux, notamment pour les élèves les plus en difficulté. C’est pourquoi je m’inquiète de l’accent mis sur les activités périscolaires ou sur d’autres enseignements, comme l’éducation aux arts plastiques, l’introduction de l’apprentissage d’une langue étrangère ou de cours de morale laïque dès le cours préparatoire. En effet, quel bénéfice pourrait en retirer un jeune qui ne maîtrise pas les fondamentaux ? Ces enseignements limiteront nécessairement encore plus le temps alloué à l’apprentissage des fondamentaux. Cela ne va pas dans le bon sens, me semble-t-il.
Personnellement – mais ce point de vue est largement partagé –, j’aurais consacré la marge budgétaire dont vous bénéficiez non à la réforme des rythmes scolaires, mais à des actions plus efficaces à destination des élèves et des écoles les plus en difficulté. Mais surtout, monsieur le ministre, vous vous êtes trompé sur la méthode ; j’y reviendrai.
Pour ce qui concerne maintenant la réforme de la formation des enseignants, je suis favorable à la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, mais l’important, c’est le contenu des enseignements dispensés en leur sein. C’est de ce point que le Parlement devrait débattre. Or, à ce jour, nous n’avons aucune idée de la nature de ces enseignements. Les pédagogies enseignées répondront-elles aux attentes des enseignants sur le terrain ? Les enseignements prodigués donneront-ils des outils concrets à des enseignants dont la moitié de la classe est parfois en grande difficulté scolaire ? Ces enseignants pourront-ils être soutenus pédagogiquement lorsqu’ils éprouveront des difficultés à faire progresser leurs élèves ? Telles sont les questions que nous nous posons. Monsieur le ministre, force est de le constater, nous avons besoin d’éclaircissements sur ces points.
J’en viens à la priorité donnée au primaire, à propos de laquelle nous avons une divergence profonde. Pour moi, l’enseignement primaire, c’est l’école maternelle et l’école élémentaire. Agir au stade de l’école élémentaire, c’est déjà tard. Pour prévenir le décrochage scolaire, il faut renforcer la préparation à l’apprentissage des savoirs fondamentaux à l’école maternelle, notamment en grande section.
De nombreux pays nous envient notre école maternelle, dites-vous.