Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 23 mai 2013 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Protection judiciaire de la jeunesse

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis :

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur une dérive qui met en péril l’exercice, par les départements, de leurs missions de protection de l’enfance. En effet, nous assistons à un transfert progressif des responsabilités de l’État vers les conseils généraux en matière d’accueil des mineurs délinquants.

En dépit de l’accroissement des crédits, les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, ne permettent plus de faire face aux besoins. Dès lors, au nom de la « graduation de la réponse pénale », les magistrats sont conduits à confier de plus en plus fréquemment des mineurs délinquants, relevant normalement du dispositif de l’ordonnance de 1945, aux services de l’aide sociale à l’enfance, c’est-à-dire aux départements.

La situation en Mayenne met en évidence un dysfonctionnement préoccupant. Le foyer d’hébergement de la PJJ a été fermé et la direction départementale de cette administration a été supprimée, au profit d’un regroupement couvrant trois départements.

Il en résulte que les magistrats confient les jeunes à la PJJ en fonction des places disponibles dans les foyers de cette dernière. En Mayenne, près d’un tiers des entrées en maison d’accueil d’urgence enregistrées entre janvier et avril 2013 concernaient des jeunes faisant l’objet de poursuites judiciaires

Durant la même période, et corrélativement, les agressions envers les éducateurs se sont multipliées, ainsi que les saisies de couteaux, de pistolets à grenaille et autres coups de poing américains. C’est dire si le profil de ces jeunes a changé !

Dans les maisons d’accueil d’urgence, la présence de mineurs délinquants met en danger les autres enfants. Nous sommes ainsi bien loin de la protection des jeunes victimes de leur environnement familial et social ! Du reste, les éducateurs eux-mêmes sont en danger.

Dans une affaire récente, un jeune confié à l’aide sociale à l’enfance s’est livré à une succession d’actes délictueux, conclue par le vol et l’incendie d’un véhicule de service. Interpellé par les gendarmes quelques jours plus tard et présenté au pénal en comparution immédiate, accompagné d’un éducateur de la PJJ, il fait l’objet d’une mesure de liberté surveillée préjudicielle, prise sans jugement, dans le cadre de l’ordonnance de 1945. Ce jeune reste donc placé sous l’assistance éducative et la responsabilité du conseil général, au seul motif que l’on manque de place dans les foyers d’hébergement de la protection judiciaire de la jeunesse.

Madame la ministre, j’aimerais savoir quelles mesures vous entendez prendre pour mettre un terme à cette dérive. Je voudrais vous convaincre que l’aide sociale à l’enfance ne doit pas être la soupape de sécurité de la protection judiciaire de la jeunesse. La prochaine fois, je vous interrogerai sur le placement des mineurs étrangers isolés. §

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