Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 24 octobre 2008 à 15h00
Revenu de solidarité active — Article 13 bis

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Nous demandons la suppression de cet article 13 bis, qui permet aux employeurs de s’exonérer partiellement de leur obligation d’emploi en accueillant en stage des personnes handicapées. Cette disposition, introduite à l’Assemblée nationale, est en effet particulièrement malvenue.

Tout d’abord, il n’aura échappé à personne qu’il s’agit d’un cavalier.

Ensuite, il nous semble tout à fait inopportun de permettre aux employeurs de s’exonérer à si bon compte de leur obligation d’emploi.

La loi du 11 février 2005 a clairement réaffirmé la priorité du développement de l’emploi des personnes handicapées et a consolidé les modalités de l’obligation d’emploi qui incombe, depuis 1987, aux entreprises de plus de vingt salariés. Les membres de la commission des affaires sociales qui ont participé à ces débats s’en souviennent très bien.

Une première brèche a déjà été ouverte par le ministère de l’éducation nationale qui, depuis 2006, échappe à toute contribution au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, en comptabilisant dans ses effectifs de personnes handicapées les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, qui sont non pas des personnes handicapées mais des personnes qui aident les enfants handicapés dans leur scolarité. Nous avons suffisamment dénoncé en son temps ce tour de passe-passe !

Ce ne serait pas rendre service aux personnes handicapées que d’ouvrir une nouvelle brèche dans l’obligation d’emploi.

Même si elle s’améliore lentement, la situation de l’emploi des personnes handicapées dans notre pays est encore loin d’être satisfaisante. Les associations de défense des personnes handicapées nous alertent régulièrement sur les difficultés que rencontrent les personnes en situation de handicap pour s’insérer dans le monde du travail. Le taux de chômage des personnes handicapées est ainsi toujours élevé – 17%, soit plus du double de la moyenne nationale !– et d’une durée plus longue que pour le reste de la population active.

De fait, les entreprises préfèrent payer l’amende plutôt que de recruter des personnes handicapées. Globalement, elles emploient moins de 3 % de travailleurs handicapés. En 2007, 58 100 entreprises ont ainsi versé une contribution à l’AGEFIPH, l'association de gestion des fonds pour l'insertion des personnes handicapées, pour un montant total de 604, 1 millions d’euros.

Il faut reconnaître que les stages peuvent faciliter l’insertion dans l’emploi. C’est le cas pour les personnes handicapées comme pour les personnes non handicapées. Si la personne handicapée fait ses preuves, elle peut être embauchée à la suite de son stage et elle rentre alors normalement dans le calcul des effectifs, l’entreprise pouvant bénéficier des aides versées par l’AGEFIPH pour adapter le poste de travail.

Mais vous n’ignorez pas que certaines entreprises abusent des stages et se servent des stagiaires, notamment les jeunes diplômés, pour les faire occuper à moindre coût des emplois permanents. Nous avons longuement développé ce thème à l’occasion du débat sur ma proposition de loi visant à organiser le recours aux stages qui, malheureusement, n’a pas été adoptée, mais que je ne renonce pas à présenter de nouveau un jour.

Ce pourrait d’ailleurs être l’un des effets pervers de cet article que de rendre les stages plus « rentables » pour un employeur que l’emploi d’une personne handicapée. En effet, cet employeur pourrait non seulement l’intégrer dans ses effectifs et réduire sa contribution à l’AGEFIPH, mais, de plus, la payer bien moins cher qu’un salarié.

Faut-il vous rappeler qu’aux termes de la loi pour l’égalité des chances seuls les stages de plus de trois mois sont obligatoirement rémunérés et qu’ils sont exonérés de cotisations sociales jusqu’à 30 % du SMIC, c’est-à-dire environ 350 euros – cela figure dans le décret –, somme qui constitue dans de nombreuses entreprises la gratification maximale ?

Comment pourrions-nous accepter une telle disposition ?

Cela reviendrait, de notre part, à accepter que des entreprises puissent échapper à la cotisation AGEFIPH en embauchant des stagiaires susceptibles de remplacer les salariés permanents, mais en les payant avec un lance-pierre, c’est-à-dire, dans le cadre de stages de plus de trois mois, à hauteur de 350 euros seulement par mois ! Ce serait une anomalie du point de vue tant des personnes handicapées que des stagiaires.

De plus, nous ne voyons pas ce qui pourrait justifier la différence de traitement entre les stagiaires handicapés, qui entreraient dans le calcul des effectifs de l’entreprise, et les stagiaires non handicapés qui n’y entreraient pas, sinon, de la part des employeurs, la volonté de ne pas dépasser les fameux seuils déclencheurs imposant, par exemple, la mise en place d’un comité d’entreprise.

Nous pensons sincèrement que cet article 13 bis risque de porter préjudice aux personnes handicapées, qu’il va à l’encontre de la nécessaire évolution des stages et, en outre, qu’il s’agit d’un cavalier. Nous aurions donc tout intérêt, monsieur le haut-commissaire, à le supprimer !

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