Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 24 octobre 2008 à 15h00
Revenu de solidarité active — Vote sur l'ensemble

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est déjà avec un vif enthousiasme que, lors de la discussion générale, nous abordions l’examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité.

Parvenus au terme de nos travaux, nous sommes plus que confortés dans ce sentiment. Oui, ce projet de loi est un grand texte, qui restera sans doute comme l’un des plus importants de la législature !

C’est la première fois que notre pays se dote d’un mécanisme vraiment ambitieux, réfléchi, pertinent et expérimenté de lutte contre les trappes à inactivité créées par le système des minima sociaux.

Le présent projet de loi identifie les deux grandes limites du dispositif du RMI et de l’API que sont la faiblesse de l’intéressement jusqu’ici prévu en cas de reprise d’une activité professionnelle, particulièrement pour les petites reprises d’emploi, et l’effet indirect des droits sociaux connexes aujourd’hui attachés au statut de RMIste et non aux revenus de la personne susceptible d’y prétendre.

Sur ces deux points, le projet de loi apporte une véritable solution, celle d’un intéressement pérenne et mieux ciblé, c’est-à-dire plus élevé pour les petites reprises d’emploi qui concernent les personnes les plus éloignées du marché du travail, et, finalement, un intéressement sans les effets de seuil que l’on observait dans l’ancien système. Il apporte aussi la solution de droits connexes déconnectés du statut de leur bénéficiaire et seulement attachés aux revenus de la personne.

Cette mesure, nous l’attendions. Elle avait été proposée par Valérie Létard, alors membre du groupe de l’Union centriste, dans son rapport d’information sénatorial du 18 mai 2005 et reprise dans la proposition de loi, adoptée par la Haute Assemblée le 23 janvier 2007.

Mais, sur ce point, le dispositif présenté au Sénat était très incomplet. Il ne concernait que les droits sociaux connexes aux minima qui sont nationaux. C’est pourquoi nous nous félicitons que notre amendement étendant ce principe aux droits sociaux locaux ait été adopté par la Haute Assemblée, comblant ainsi une grosse lacune du texte.

Pour que le système soit équitable, tous les droits sociaux connexes, qu’ils soient nationaux, comme le prévoyait le projet de loi soumis au Sénat, ou locaux doivent être attribués en fonction des revenus du foyer et non de tel ou tel statut. Les droits sociaux forment un tout susceptible ou non, en fonction de leurs critères d’attribution, de peser sur la reprise d’activité professionnelle.

Aussi, monsieur le haut-commissaire, suivrons-nous de près l’avancée des travaux du parlementaire dont vous avez annoncé l’envoi prochain en mission pour mettre en œuvre le dispositif que tend à instaurer notre amendement.

Le projet de loi présente un autre point d’emblée très positif : il simplifie les politiques d’insertion, ce dont elles avaient cruellement besoin. Il prévoit la fusion du RMI et de l’API, comme le préconisait le rapport de MM. Mercier et de Raincourt du 16 décembre 2005, et la création du contrat unique d’insertion. Ce sont deux mesures de simplification qui devront substantiellement renforcer tant les minima que les contrats aidés.

Enfin, la solution finalement adoptée par l’Assemblée nationale pour répondre à la question du financement nous semblait bonne. Le plafonnement des niches fiscales est non seulement adapté en termes financiers, mais aussi équitable : il était indispensable que les plus aisés, et non uniquement les classes moyennes, contribuent à cette mesure de solidarité.

Au début de nos travaux, nous n’avions qu’une seule inquiétude : elle concernait les moyens fournis aux départements pour remplir leurs nouvelles missions. Et quand je parle de moyens, je pense autant aux moyens financiers qu’aux moyens juridiques et techniques. Or, sur ce point, nos travaux ont permis de réelles avancées.

La Haute Assemblée a incorporé au texte les dispositions de la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du RMI, déposée par M. Michel Mercier, proposition de loi qu’elle avait adoptée le 13 mai dernier. Ces dispositions sont très importantes pour aider le département à remplir correctement ses missions, en particulier pour faire respecter le principe selon lequel le RSA, s’il est un droit, comporte aussi des devoirs.

Reste juste un point sur lequel le texte nous semble encore faible : la question de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Cela est regrettable parce que l’ensemble du système du RSA repose sur les deux principes suivants : mieux inciter à la reprise d’un emploi et mieux accompagner pour la reprise d’un emploi.

Ce second volet, pourtant capital, pourrait être un peu négligé en l’état actuel des choses. En effet, une vue dynamique du système du RSA conduit le Gouvernement à estimer qu’il sera possible d’accompagner plus et mieux à enveloppe quasi constante. Hélas ! ce n’est pas ce qui risque de se produire. Les premières expérimentations du RSA ont démontré que l’efficacité du dispositif est conditionnée à une très forte implication des départements en matière d’accompagnement des bénéficiaires.

Les premières années, cette plus forte implication des départements aura un coût. Or, si le projet de loi opère bien une répartition entre les charges qui incombent aux départements et à l’État au titre de la prestation du RSA, il ne prévoit pas les modalités selon lesquelles les dépenses de fonctionnement nouvelles que devront assumer les conseils généraux en matière d’accompagnement social renforcé des bénéficiaires seront prises en compte.

Vous nous avez dit, monsieur le haut-commissaire, avoir budgété 150 millions d’euros susceptibles d’être utilisés à cette fin. Mais, d’une part, la loi qui va être adoptée à l’issue de nos travaux ne le garantit pas et, d’autre part, cette somme pourrait s’avérer insuffisante. Il serait extrêmement dommage que, de ce fait, les bénéficiaires du RSA ne reçoivent pas l’accompagnement qu’ils seraient en droit d’attendre et que les performances du dispositif soient limitées. Cette économie pourrait être très contre-productive.

D’un autre côté, si les départements ne lésinaient pas sur l’accompagnement et si leurs charges augmentaient alors substantiellement, ces dernières devraient être dûment compensées. Aussi serons-nous particulièrement attentifs à cette question dans les mois et les années à venir.

Je veux maintenant évoquer les spécificités de l’outre-mer qui font ressortir l’urgence et la nécessité de l’application d’un dispositif tel que le RSA. Mais elles rendent aussi cette application plus complexe parce que des outils spécifiques existent déjà. À ce propos, je sais que René-Paul Victoria, député de la Réunion, doit rédiger un rapport sur l’application du RSA dans les régions ultra-marines. De ce fait, le projet de loi prévoit de différer l’entrée en vigueur du RSA dans ces régions.

Quatre questions se posent : le devenir de l’allocation de retour à l’activité, instituée en 2001, le revenu de solidarité outre-mer, véritable préretraite réservée aux bénéficiaires du RMI, les agences départementales d’insertion chargées de mettre en place la politique d’insertion du département, l’application du contrat unique d’insertion, qui soulève des difficultés car il repose sur le contrat initiative emploi, lequel n’existe pas outre-mer.

J’ai la conviction, monsieur le haut-commissaire, que le RSA peut représenter pour l’outre-mer une réelle opportunité, en ouvrant à une grande partie de la population active, qui en est actuellement exclue, des perspectives d’insertion dans le monde du travail.

Je prendrai, à cet égard, l’exemple de la Réunion qui détient un triste record : le chômage frappe près de 30 % de la population active. Une étude récente de l’INSEE révèle que 51 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Monsieur le haut-commissaire, je souhaite que le Gouvernement mette en place dans chaque département d’outre-mer une instance partenariale regroupant tous les acteurs concernés, chargée de définir les conditions d’application du RSA.

Si, en métropole, l’objectif est de favoriser l’insertion professionnelle dans le monde de l’entreprise, il est illusoire de penser que, à la Réunion, l’économie concurrentielle pourrait à elle seule fournir un nombre d’emplois correspondant à l’ampleur de la demande sociale.

Pour ma part, je pense possible de faire émerger une véritable économie alternative ou solidaire, génératrice de milliers d’emplois, articulée autour de deux secteurs : les services à la personne, d’une part, et la préservation de l’environnement, d’autre part.

Vous l’aurez compris, monsieur le haut-commissaire, malgré cette incertitude sur la question de l’accompagnement, nous sommes extrêmement favorables à la grande réforme que vous portez, d’autant plus que, avec vous, nous avons trouvé un interlocuteur soucieux de faire progresser la cause des plus démunis et de l’emploi, au-delà de toute considération de nature partisane et politique.

Les débats que nous avons eus dans cette enceinte ont été menés dans un esprit honnête et constructif. C’est pourquoi les membres du groupe de l’Union centriste voteront le projet de loi généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion.

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