Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi intervient dans un contexte de réel désamour de nos concitoyens à l’égard de l’Europe et de ses institutions, ressenties comme des instruments supplémentaires d’austérité, voire de paupérisation, et jugées impuissantes à aider les populations à améliorer leurs conditions de vie.
La discussion du présent texte constitue une belle occasion de montrer au plus grand nombre que l’Europe et la construction de son droit commun peuvent aussi contribuer à renforcer les droits fondamentaux de tous les citoyens européens, ainsi que ceux des ressortissants des pays tiers.
Les écologistes ont toujours revendiqué leur attachement sans faille à la construction européenne et à l’édification nécessaire d’un socle de droits cohérents en matière de justice, mais aussi en matière sociale et environnementale. Ainsi, l’instauration d’un délit général d’atteinte à l’environnement au sein de l’Union européenne ainsi que la création d’un crime d’« écocide » permettraient d’aller vers une Union européenne plus cohérente et plus forte en matière de justice et vers un monde plus solidaire et plus respectueux de l’environnement.
Ce projet de loi n’en montre pas moins une véritable volonté de l’exécutif de rattraper le retard pris par la France en termes de transposition de textes européens. Européenne convaincue, je me réjouis que le texte et les travaux des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat aient pour objet de mettre le droit français en conformité avec la jurisprudence des juridictions européennes.
En janvier 2012, la Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt Popov contre France, condamnait notre pays pour avoir permis le placement d’enfants en centre de rétention administrative. Interdiction des traitements inhumains et dégradants, droit à la liberté et à la sûreté, droit au respect de la vie familiale : voilà autant de droits fondamentaux que la juridiction européenne considérait comme bafoués par le placement en rétention d’une fillette de 3 ans et d’un bébé. Malheureusement, cette décision n’a pas eu les effets escomptés, et les placements d’enfants en rétention, si leur nombre a diminué, n’ont pas totalement disparu.
Revenons-en au contenu de ce projet de loi, qui, pour adapter notre droit à de nombreux instruments européens et internationaux, aborde plusieurs sujets. Je ne dresserai pas ici un catalogue de toutes les mesures qu’il comporte, même si chacune d’entre elles mériterait d’être évoquée longuement.
Je m’attacherai à aborder certains sujets qui me tiennent particulièrement à cœur, en premier lieu les dispositions relatives à la prévention de la traite des êtres humains, à la lutte contre ce phénomène et à la protection des victimes.
Le présent texte, amélioré par la commission des lois de l’Assemblée nationale, modifie le code pénal afin de donner une véritable définition de ce qu’est la traite des êtres humains.
Il est certain que la traite des êtres humains constitue une violation grave des droits de l’homme, ce principe ayant été maintes fois réaffirmé au travers de différents instruments internationaux spécifiques.
Toutefois, le droit pénal français, et particulièrement la rédaction actuelle de l’article 225-4-1 du code pénal, ne permet pas, en l’état, de punir ce crime de manière satisfaisante. La traite des êtres humains mérite d’être une incrimination claire et précise et, pour que notre droit soit conforme aux engagements internationaux de la France, il doit punir toutes les formes de traite, qu’un profit soit recherché ou non et quelles que soient les formes d’exploitation. La réécriture de l’article 225-4-1 du code pénal telle qu’elle est prévue dans le projet de loi constitue sans aucun doute une avancée considérable pour les droits des victimes de la traite.
De même, on ne peut que se réjouir que l’échelle des peines encourues ait été modifiée de telle sorte qu’une sanction sévère soit appliquée à la traite des personnes les plus vulnérables et que le champ d’application de l’infraction soit étendu à la traite des mineurs.
Cependant, lutter contre la traite, c’est aussi élaborer une véritable politique de coopération avec les pays d’émigration et réformer en profondeur des organes tels que Frontex.
Une autre disposition importante, notamment au regard de la protection des droits des étrangers, figure à l’article 3 du projet de loi, qui tend à insérer dans le code de procédure pénale un article relatif au droit à la traduction des pièces essentielles à la défense de la personne concernée et à la garantie du caractère équitable du procès.
L’article 4 du projet de loi vise à mettre le droit français en conformité avec le droit européen en matière de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que contre la pédopornographie. Il convient de noter ici que, si des améliorations sont toujours possibles, notre droit était, en la matière comme en d’autres, largement conforme aux prescriptions européennes.
Cependant, pour garantir la protection des droits des enfants, il convenait de créer certaines incriminations aujourd’hui inexistantes dans notre droit, comme le fait de contraindre ou de forcer une personne à subir des atteintes sexuelles de la part d’un tiers. C’est chose faite avec ce texte, qui va même au-delà des obligations qui s’imposent à notre pays en étendant la compétence des juridictions françaises aux crimes de proxénétisme commis à l’étranger à l’encontre d’un mineur par un étranger résidant habituellement sur le territoire français.
Il s’agit donc non pas seulement de rendre le droit français conforme au droit européen ou de respecter nos engagements internationaux, mais bien d’améliorer notre droit, de le rendre plus effectif, qu’il concerne nos concitoyens ou les ressortissants des pays tiers.
D’ailleurs, l’article 15 constitue un bel exemple de la volonté marquée de protéger de la même manière les droits des nationaux et ceux des autres.
En effet, dans un arrêt de grande chambre du 5 septembre 2012, la Cour de justice de l’Union européenne avait jugé l’article 695-24, 2°, du code de procédure pénale contraire au principe de non-discrimination fondée sur la nationalité, car il réservait aux seuls ressortissants français le bénéfice de la non-exécution d’un mandat d’arrêt européen en vue de procéder à l’exécution sur le territoire français d’une peine d’emprisonnement prononcée dans un autre État membre.
Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale seront donc modifiées, afin de mettre notre législation en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Le bénéfice desdites dispositions ne se limitera plus aux seuls ressortissants français ; il sera étendu aux personnes résidant légalement de façon continue depuis au moins cinq ans sur le territoire national.
J’ai eu l’occasion de l’évoquer, et Mme la rapporteur de la délégation aux droits des femmes en a longuement parlé, les droits des femmes seront particulièrement renforcés par le texte que nous examinons aujourd’hui, notamment par les articles 16 et 17, qui tendent à adapter notre droit pénal aux dispositions de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul le 11 mai 2011.
En effet, ce sont trois nouvelles incriminations qui seront créées dans le code pénal.
Il s’agit, tout d’abord, de l’incrimination du fait de tromper un adulte ou un enfant – souvent une jeune fille –, afin de l’emmener dans un autre pays que celui où il réside en vue de l’y forcer à se marier. La loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants envisageait le mariage forcé comme une circonstance aggravante de faits de violence ou de coercition. Grâce à cette disposition, l’usage de la violence ne sera plus requis pour prononcer une condamnation : le seul fait d’user de subterfuges pour emmener une jeune fille à l’étranger afin de l’y marier sera répréhensible.
Il s’agit, ensuite, de l’incrimination de l’incitation d’une mineure à subir des mutilations génitales, même si cette incitation n’est pas suivie d’effet.
Enfin, l’article 17 vise à modifier le code de procédure pénale, en supprimant les conditions liées à la nationalité ou à la régularité du séjour auxquelles l’indemnisation par la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions est conditionnée.
Vous le voyez, mes chers collègues, le chemin à parcourir est encore long pour que les droits des femmes soient mieux protégés. Cependant, ce texte témoigne de la volonté d’avancer en ce sens et apportera un progrès en matière de justice. Pour cette raison et pour toutes celles que j’ai eu l’occasion d’évoquer précédemment, le groupe écologiste le votera sans réserve. §