Intervention de Philippe Bas

Réunion du 30 mai 2013 à 15h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi ne traite sans doute pas de toutes les grandes questions qui intéressent le présent et l’avenir de nos collectivités, mais il aborde, dans certains cas avec pragmatisme, des enjeux importants. J’apprécie en particulier que nous nous engagions sur la voie d’une certaine diversité, et non plus sur celle de l’uniformité. La France n’a que trop souffert d’un État qui plaçait toutes les collectivités sous la même toise.

Las, votre projet de loi, mesdames les ministres, est largement inabouti. Il n’y a rien dans ce texte qui soit de nature à réellement clarifier les missions respectives du département et de la région. Il est vrai que la loi du 16 décembre 2010 ne tranchait pas non plus la question.

En rétablissant la clause de compétence générale tout en incitant chaque collectivité à s’investir principalement dans les domaines d’action qui lui sont propres, vous montrez que vous ne craignez pas la contradiction. Vous tentez également de donner davantage de consistance à la notion encore très floue de chef de file. Je ne suis pas certain que cette piste soit féconde.

Il est vrai que, en l’observant de manière théorique, notre système n’apparaît pas satisfaisant. Il comporte également l’inconvénient pratique d’alourdir les processus de décision et les charges de fonctionnement des collectivités, en multipliant les services d’instruction d'un même dossier. Notre système de financements croisés n’est toutefois pas dénué d’avantages. Il s’est construit empiriquement par des consensus locaux, départementaux et régionaux, qui permettent de dépasser les clivages autour de projets d’avenir. Mieux vaut un projet partagé à plusieurs qu’un projet imposé par une seule collectivité ! Cela vaut également mieux que de n’en avoir aucun.

C’est la raison pour laquelle, à structures territoriales inchangées, notre commission des lois a souhaité assouplir votre texte en veillant à éviter toute hiérarchisation des collectivités, de crainte de créer une forme de tutelle des unes sur les autres. Une tutelle de cette nature serait d’abord contraire aux dynamiques de consensus local entre collectivités. Elle serait ensuite contraire au principe de subsidiarité. Celui-ci implique que les collectivités ne s’emboîtent pas les unes dans les autres en fonction de leur taille, comme des poupées russes, mais s’articulent les unes aux autres en se déployant en fonction de leurs missions, complémentaires mais distinctes. La subsidiarité n’est pas la subordination et les intercommunalités ne peuvent être des succursales des départements, ni les départements des filiales des régions.

S’agissant des compétences dévolues à chaque chef de file, on voit bien que l’effort de clarification se heurte très vite à des zones de chevauchement qui peuvent en réalité occuper un espace très large. C’est le cas, par exemple, entre « aménagement du territoire », « solidarité des territoires » et « développement local », respectivement dévolus à la région, au département et au « bloc communal ». Nous touchons ici la limite objective de l’effort de rationalisation affiché par le Gouvernement.

Dans ces conditions, il vaut mieux ne pas chercher à accorder des pouvoirs excessifs aux collectivités chefs de file, notamment en multipliant les pactes, schémas, plans et programmes plus ou moins contraignants, qui seraient autant de vecteurs de bureaucratisation de nos collectivités et d’enfermement de leurs actions dans un carcan rigide. Ce n’est pas la bonne voie.

Il faut se méfier de l’émergence d’un centralisme régional tout autant que de la recentralisation rampante de l’action territoriale par l’État, que les transferts successifs de compétences, y compris, madame la ministre, ceux que vous avez annoncés, contribuent paradoxalement à aggraver.

J’en viens maintenant aux métropoles.

J’admets volontiers la diversité des régimes applicables aux plus grandes d’entre elles. Je constate, pour Lyon, un large accord sur une solution définie dans le détail entre élus. Je conçois que l’État reprenne à son compte cet accord. J’ai pourtant une interrogation et même une inquiétude quant au précédent ainsi créé, que nos débats permettront peut être d’atténuer. Je vois en effet, dans le projet de métropole lyonnaise, une rupture définitive de solidarité entre l’urbain et le rural, entre la métropole et les terroirs qui l’entourent. Il reste à démontrer que ce choix local peut être judicieux dans le Rhône, tout en n’étant probablement souhaitable nulle part ailleurs. C’est un risque que nous prenons. Si nous voulons ouvrir la voie aux libertés locales en sortant de l’uniformité, il faut fixer des limites de prudence à cette évolution.

S’agissant d’Aix-Marseille-Provence, la situation est bien différente. L’absence d’accord local sur le projet du Gouvernement est regrettable, mais il ne suffit pas à disqualifier ce projet. Celui-ci doit être évalué à l’aune de l’intérêt général. C’est bien notre rôle au moment d’écrire la loi.

Deux questions doivent impérativement être résolues.

Premièrement, il faut résoudre celle des charges de centralité assumées par la ville de Marseille pour le compte de l’ensemble de l’agglomération. De ce point de vue, Marseille n’est peut-être pas un cas unique, mais les difficultés rencontrées par la ville sont d’une ampleur particulière, eu égard aux évolutions constatées au fil des décennies dans la répartition de la population et au déplacement des activités économiques. De fait, nous ne pouvons l’ignorer, les problèmes se posent de plus en plus aujourd’hui à l’échelle de toute l’agglomération.

Deuxièmement, symétriquement, Marseille assume pour le compte de l’État des charges qui devraient être mieux partagées. Nous le savons tous, c’est le cas des marins-pompiers.

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