Parallèlement, le projet de loi de finances pour 2005, s'inspirant des conclusions établies en juillet 2004 par un groupe de travail du Comité des finances locales, comporte des dispositions destinées à modifier les critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement afin de mesurer objectivement les écarts de richesse et de mieux cibler l'effort de l'Etat consacré à la péréquation sur les collectivités les plus défavorisées.
Tout en souscrivant pleinement à l'esprit des mesures proposées, la commission des lois a adopté deux amendements ayant respectivement pour objet : d'affecter à la dotation de solidarité urbaine un cinquième de l'augmentation annuelle du montant de la dotation globale de fonctionnement, dans la limite d'un plafond de 120 millions d'euros, entre 2005 et 2009, afin de ne pas pénaliser la progression des autres composantes de cette dotation ; de substituer un coefficient unique aux deux coefficients de majoration prévus au bénéfice des communes ayant des zones urbaines sensibles et des zones franches urbaines, afin d'en réduire la portée et d'accroître ainsi le nombre des communes bénéficiaires des augmentations de la dotation de solidarité urbaine.
En effet, il existe de nombreuses communes qui, sans disposer de zones franches urbaines ou de zones urbaines sensibles, n'en éprouvent pas moins de grandes difficultés.
S'agissant par ailleurs de l'accueil et de l'intégration des personnes issues de l'immigration, le projet de loi tend à mettre un terme à la faiblesse, voire à l'inexistence de l'action de l'Etat en ce domaine. Il a ainsi pour objet de donner une base législative au contrat d'accueil et d'intégration, qui devrait se généraliser après avoir été expérimenté depuis le 1er juillet 2003.
La situation de l'immigration en France nécessitait la mise en place d'une vraie politique d'accueil des étrangers. L'immigration permanente a augmenté de 10 % en 2002, soit au même rythme que celui que l'on a pu observer annuellement depuis 1999 : 156 000 nouveaux entrants pour la France entière en 2002, contre 141 000 en 2001 et 127 000 en 2000.
Face à ces flux, notre pays n'a pas su réagir et mettre en place une politique volontaire coordonnant l'accueil et l'intégration. Les contacts entre l'Etat et les primo-arrivants se limitent souvent aux formalités administratives effectuées en préfecture, et on ne peut pas dire que l'accueil soit toujours chaleureux.
Conformément aux grandes orientations définies par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, le présent projet de loi réorganise le dispositif d'accueil des étrangers afin de mettre en place de véritables « parcours d'intégration » en faveur des primo-arrivants. Les premiers contacts avec la société d'accueil sont en effet décisifs pour la suite du processus d'intégration.
Pour y parvenir, le projet de loi prévoit la création d'un opérateur unique chargé d'assurer un accueil personnalisé à l'ensemble du public concerné. A cette fin, l'article 60 tend à instituer l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, chargée de ce service public de l'accueil des étrangers en France. Cette agence reprendrait, pour l'essentiel, les missions actuellement dévolues à l'Office des migrations internationales, l'OMI, et à l'association Service social d'aide aux émigrants, SSAE.
En regroupant les moyens de ces deux opérateurs majeurs, le nouvel ensemble disposerait d'un budget de plus de 70 millions d'euros et d'un effectif d'environ 900 personnes couvrant tout le territoire. Sa taille en ferait le coordonnateur et l'organisateur naturel de ce service public, qui s'articule autour de plates-formes d'accueil regroupant l'ensemble des intervenants, notamment les associations et les collectivités territoriales. Cette logique de guichet unique devrait solenniser l'accueil de l'étranger sur le territoire français.
Ce service public de l'accueil serait organisé autour d'un instrument principal, le contrat d'accueil et d'intégration, le CAI, proposé à tout étranger admis pour la première fois au séjour en France en vue d'une installation durable.
L'article 61 du projet de loi tend à définir le contenu, le régime et les effets attachés au contrat d'accueil et d'intégration. Ce contrat, expérimenté depuis juillet 2003, se verrait ainsi conférer une base légale. Les conditions dans lesquelles l'étranger signataire bénéficierait d'actions destinées à favoriser son intégration ainsi que les engagements qu'il prendrait seraient précisés par un décret en Conseil d'Etat. Celui-ci devrait s'inspirer de l'expérimentation en cours et des premières évaluations.
L'accent serait mis sur l'acquisition d'une maîtrise satisfaisante de la langue française, vecteur essentiel de l'intégration. A cet égard, le présent projet de loi programme 20 millions d'euros supplémentaires en 2005 et 32 millions d'euros supplémentaires par an entre 2006 et 2009 au profit du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, afin que ce dernier finance des formations linguistiques dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration.
Simplement proposé - et non imposé - le contrat d'accueil et d'intégration serait un des éléments pris en compte pour apprécier la condition d'« intégration républicaine dans la société française» prévue au quatrième alinéa de l'article 14 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.
En effet, la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, a subordonné, dans la majorité des cas, la délivrance d'une première carte de résident valable dix ans à l'« intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française ». Les travaux parlementaires sur ce texte avaient déjà évoqué la prise en compte à terme du contrat d'accueil et d'intégration pour apprécier la condition d'intégration.
L'article 62 du projet de loi a pour objet de subordonner la délivrance à un étranger d'une autorisation à exercer une profession salariée, en cas d'installation durable en France, à l'attestation d'une connaissance suffisante de la langue française ou à l'engagement d'acquérir cette connaissance après son installation en France. Cette nouvelle obligation ne toucherait en réalité que les travailleurs permanents titulaires d'une autorisation de travail d'au moins un an, soit environ 7 500 personnes chaque année. L'objectif est de mieux intégrer cette catégorie de la population étrangère, qui a le plus souvent vocation à rester en France et à demander, après quelques années, le bénéfice du regroupement familial.
Sur l'ensemble de ces dispositions relatives à l'accueil et à l'intégration des primo-arrivants, la commission des lois vous soumet quelques amendements, pour la plupart techniques ou rédactionnels, le dispositif proposé apparaissant en l'état équilibré.
Toutefois, la commission souhaite attirer votre attention, mes chers collègues, sur les conditions de l'intégration de l'association Service social d'aide aux émigrants, dont la quasi-totalité des missions est transférée à la future Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations par ce projet de loi.
A cet effet, la commission des lois a déposé un amendement qui tend à mieux reconnaître l'apport du SSAE aux missions de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations en dotant cet organisme d'une vraie compétence en matière d'action sociale spécialisée.
Par ailleurs, la commission des lois entend interroger le Gouvernement, lors de l'examen de l'article 64 du présent projet de loi, sur les conditions sociales et économiques du transfert des personnels du SSAE à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, et notamment sur les garanties et les compensations que prévoira le décret portant intégration de ces personnels.
Vos explications, monsieur le ministre, seront, je l'espère, susceptibles de rassurer ces personnels et donc de créer les conditions d'une intégration sereine.
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de la prise en compte des amendements qu'elle a déposés, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale dont elle s'est saisie.