Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 27 octobre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel :

Je ne sais quelle définition exacte donner de ce terme, mais je note que, si « virage » il y a, c'est que la ligne droite empruntée jusque-là, celle d'une politique libérale sans complexe et à visage découvert, celle d'une politique où la lutte contre le chômage et l'exclusion n'est plus prioritaire, cette ligne droite là, donc, a débouché sur une impasse, pour ne pas dire contre un mur.

Votre rôle était de donner corps au discours sur la fracture sociale, discours - il commence à dater ! - tenu haut et fort par un candidat à l'élection présidentielle de 1995. Votre objectif affiché, noble objectif que nous partageons sur le principe, était d'enrayer l'écart grandissant entre les nantis et ceux qui subissent, ceux qui vivent durement leurs conditions d'existence.

Nous nous apprêtions donc à dénoncer ce qui nous apparaissait non pas comme un virage, mais bien plutôt comme un mirage, comme une illusion d'autant plus cruelle que tout cela s'adressait à des millions d'exclus qui, vous l'avez vous-même souligné, vivent dans leur existence et dans leur chair les conséquences de cette politique. Mais est-ce bien nécessaire encore, tant il est clair aujourd'hui, après l'ajout d'un volet sur les licenciements, après la mise en cause du code du travail, que le projet de loi cache en réalité une nouvelle offensive du libéralisme économique dont ce gouvernement est de plus en plus imprégné ?

Mes amis, dans un instant, s'exprimeront sur le fond ; pour ma part, je souhaite faire une mise au point solennelle.

Les conditions de l'examen du projet de loi ne sont pas acceptables. Je rappelle au président du Sénat que, le 12 octobre, il dénonçait la « frénésie législative », vantait la « sérénité » censée présider à nos travaux et souhaitait que nous travaillions « autrement sans être submergés par le flot législatif ». Ces belles paroles sont à mettre en perspective avec la méthode utilisée par le Gouvernement : légiférer « autrement », est-ce légiférer dans la précipitation et dans la confusion ?

En réalité, nous discutons aujourd'hui de deux textes : l'un est censé renforcer la cohésion sociale, l'autre l'affaiblit profondément en amoindrissant la législation protectrice sur les licenciements.

Mercredi dernier, nous apprenions ce que j'appellerai le « raccrochage par effraction » d'un texte relatif aux restructurations et aux licenciements.

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